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semble pour implorer sa miséricorde, il les exhorta d'avoir bon courage, les assurant qu'ils reverraient encore leurs femmes et leur patrie. Cette proposition, qui devait, ce semble, les remplir de joie, les jeta dans le trouble et l'embarras, les sentiments se trouvant partagés. « Quelle apparence, disaient les uns, d'al<«<ler nous montrer en spectacle à la Grèce dans l'horrible état « où nous sommes, dont nous devons avoir encore plus de honte « que de déplaisir ? Le meilleur moyen de supporter sa misère, «< c'est de la cacher; et il n'est point de patrie si douce pour les << malheureux que la solitude, et que l'oubli de leur félicité pas«sée. D'ailleurs, nous est-il possible de faire un si long voyage? « Loin de l'Europe, confinés aux extrémités de l'Orient, cassés de vieillesse, et tronqués de la plupart de nos membres, suppor«terons-nous des travaux qui ont lassé une armée même triomphante? Le seul parti qui nous reste est de cacher notre misère, et d'achever notre vie parmi ceux qui sont déjà tout « accoutumés à nos malheurs et à nos disgrâces. » D'autres, en qui l'amour du pays natal étouffait tout autre sentiment, représentaient «< que les dieux leur offraient ce qu'ils n'eussent pas « même osé souhaiter, leur patrie, leurs femmes, leurs enfants, « et toutes les choses pour lesquelles les hommes estiment la vie « et méprisent la mort; qu'ils avaient assez longtemps porté le « triste joug de la servitude; et qu'il ne pouvait leur arriver « rien de plus heureux que d'aller enfin respirer un air libre, reprendre leurs anciennes mœurs, leurs lois et leurs « sacrifices et mourir sous les yeux de leurs femmes et de leurs enfants. »

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Le premier sentiment prévalut. Ils demandèrent par grâce au roi qu'il leur permît de demeurer dans le pays où ils avaient déjà passé plusieurs années. Il y consentit, et leur fit distribuer à chacun trois mille drachmes ; cinq habits pour homme, et autant pour femme; deux couples de bœufs pour labourer leurs terres, du blé pour les ensemencer. Il ordonna au gouverneur de la province d'avoir grand soin qu'on ne les molestât en rien, et voulut qu'ils fussent exempts de tout tribut et de toute imposition. C'est là véritablement être roi. Alexandre ne pouvait Quinze cents livres. 2,750 francs. - L.

HIST. ANC. - T. V.

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pas leur rendre les membres dont la cruauté des Perses les avait privés; mais il leur rend la liberté, la tranquillité, l'abondance. Heureux les princes qui sont sensibles au plaisir de faire du bien, et qui ont des entrailles de compassion pour les malheureux!

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Alexandre, le lendemain, ayant assemblé les généraux de ́son armée, leur représenta « qu'il n'y avait jamais eu de ville plus fatale aux Grecs que Persépolis, l'ancien siége des rois << de Perse et la capitale de leur empire; que c'était de là qu'é<< taient venus tous ces déluges d'armées qui avaient inondé la Grèce, et d'où premièrement Darius et Xercès ensuite « avaient apporté le flambeau de la plus détestable guerre qui eût désolé l'Europe; qu'il fallait venger les mânes de leurs « ancêtres. » Déjà les Perses l'avaient abandonnée, chacun s'étant retiré où sa peur l'avait conduit. Alexandre y entra avec sa phalange. Le soldat vainqueur trouva de quoi assouvir son avarice, et fit main basse d'abord sur tout ce qui était resté; mais bientôt le roi fit cesser le massacre, et défendit d'attenter à la pudicité des femmes. Il avait pris par force ou par composition plusieurs villes d'une opulence incroyable; mais ce n'était rien en comparaison des trésors qui se trouvèrent ici. Les barbares y avaient assemblé, comme en un magasin, toutes les richesses de la Perse. L'or et l'argent n'y étaient que par monceaux, sans parler des habits et des meubles, qui montaient à un prix infini; car c'était là le règne du luxe. Il se trouva dans le trésor six-vingt mille talents, qui furent destinés aux frais de la guerre. A une somme si considérable il ajouta encore six mille talents de la prise de Pasargade. C'était une ville que Cyrus avait bâtie, et où, dans la suite, se faisait le sacre des rois de Perse.

Pendant qu'Alexandre était encore à Persépolis, et lorsqu'il était sur le point d'en partir pour marcher contre Darius, il fit un grand festin à ses amis, où l'on but avec excès. Parmi les femmes qui y furent admises était la courtisane Thaïs, née dans

1 Trois cent soixante millions, 660 le nom grec de talent. millions de francs, si ce sont des talents attiques mais il est à craindre que les anciens aient employé ici mal à propos

2 Dix-huit millions.

33 millions.-L.

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'Attique, et pour lors maîtresse de Ptolémée, qui dans la suite fut roi d'Égypte. Sur la fin du repas, pendant lequel elle avait pris à tâche de louer le roi d'une manière fine et délicate (adresse assez ordinaire à ces sortes de personnes), elle dit d'un ton gai et plaisant « qu'elle aurait une joie infinie si, pour finir « noblement cette fête, elle pouvait brûler le magnifique palais « de Xerxès, qui avait brûlé Athènes, et, le flambeau à la main, y mettre elle-même le feu en présence du roi, afin qu'on dît « par toute la terre que les femmes qui avaient suivi Alexandre « à son expédition d'Asie avaient bien mieux vengé la Grèce de << tous les maux que les Perses lui avaient faits, que tous les généraux qui avaient combattu pour elle et par terre et par << mer. » Les convives applaudissent à ce discours. Le roi se lève de table, une couronne de fleurs sur la tête, et, le flambeau à la main, s'avance pour exécuter ce grand exploit. Toute sa troupe le suit avec de grands cris en dansant et en sautant, et environne le palais. Tous les autres Macédoniens, entendant ce bruit, accoururent en foule avec des flambeaux allumés, et y mettent le feu de tous côtés. Alexandre s'en repentit bientôt, et donna ordre qu'on éteignît le feu; mais il n'en était plus temps 1.

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Comme il était naturellement très-libéral, ses grands succès augmentèrent encore en lui cette inclination bienfaisante; et il accompagnait ses présents de marques de bonté et de manières obligeantes qui en augmentaient infiniment le prix. Il en usait ainsi surtout à l'égard de ces cinquante jeunes seigneurs de Macédoine qui lui servaient de gardes. Sa mère Olympias trouque ses libéralités allaient trop loin, et elle lui écrivit sur ce sujet : « Je ne vous blâme pas, disait-elle, de faire du bien à vos amis ; c'est agir véritablement en roi : mais il y a « des bornes qu'il faut garder. Vous les faites tous égaux à des rois, et, en les enrichissant, vous leur donnez les moyens de

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<< faire beaucoup d'amis, que vous vous ôtez à vous-même. »

Il est bien difficile de croire qu'un edifice construit solidement en pierres ait pu devenir si promptement la proie des flammes; et le feu, comme l'observe un savant critique, n'a pu consumer

que la partie de ce palais qui était construite en bois de cèdre: aussi démontret-il que la ville et le palais existaient encore plusieurs siècles après Alexandre (SAINTE-CROIX, p. 311 et suiv.). -L.

Et comme elle lui écrivait souvent la même chose, il tenait ses lettres secrètes et ne les montrait à personne, hors un jour qu'en ayant ouvert une et s'étant mis à la lire, Ephestion s'approcha, et lisait avec lui par-dessus son épaule. Il ne l'empêcha point; mais tirant seulement son anneau de son doigt il en mit le cachet à la bouche de son favori, pour lui recommander le le secret.

Il envoyait de magnifiques présents à sa mère; mais il ne voulut jamais souffrir ni qu'elle se mêlât des affaires, ni qu'elle entrât en aucune sorte dans le gouvernement. Comme elle s'en plaignit en des termes fort aigres, il supporta sa mauvaise humeur avec beaucoup de douceur et de patience. Antipater lui ayant écrit un jour une grande lettre contre elle, après l'avoir lue il dit: Antipater ignore qu'une seule larme d'une mère efface dix mille lettres comme celle-là. Cette conduite et cette réponse font voir qu'Alexandre était en même temps bon fils et bon politique, et qu'il comprenait parfaitement combien il est dangereux d'abandonner l'autorité royale à une femme du caractère d'Olympias.

§ X. Darius quitte Ecbatane. Il est trahi et chargé de chaines par Bessus, chef des Bactriens. Celui-ci, aux approches d'Alexandre, prend la fuite, après avoir couvert de blessures Darius, qui expire un moment avant qu'Alexandre n'arrive. Il envoie son corps à Sysigambis.

Après la prise de Persépolis et de Pasargade1, Alexandre résolut de poursuivre Darius, qui était déjà arrivé à Ecbatane, capitale de la Médie. Il restait encore à ce prince fugitif trente mille hommes de pied, entre lesquels il y avait quatre mille Grecs 2, qui lui furent fidèles jusqu'à la fin. Il avait, outre cela, quatre mille frondeurs ou gens de trait, et plus de trois mille chevaux, presque tous Bactriens, que commandait Bessus, satrape de la Bactriane. Darius, avec ses troupes, s'écarta un peu du grand chemin, faisant passer devant le bagage; et ayant assemblé ses principaux officiers, il leur parla en ces termes :

IAN. M. 3674. Av. J. C. 330. Diod. 1. 17, p. 540-546. Arrian. 1. 3, p. 133-137.

2 Plut. in Alex. p. 689. Q. Cart. 1. 5, c. 8-14, Justin. 1. 11, cap. 15,

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Chers compagnons, de tant de milliers d'hommes qui composaient mon armée vous êtes les seuls qui ne m'avez point « abandonné dans tout le cours de ma mauvaise fortune; et il n'y a bientôt plus que votre fidélité et votre constance qui me fassent croire que je suis roi. Les transfuges et les traîtres règnent dans mes villes, non qu'on les juge dignes de l'hon«neur qu'on leur fait, mais afin que leur récompense vous «tente et ébranle vos courages. Vous avez pourtant mieux aimé « suivre ma fortune que celle du vainqueur : en quoi vous « avez mérité que les dieux vous en récompensent ; et ne doutez point qu'ils ne le fassent, si je ne puis moi-même le faire. Avec « de telles troupes et de tels officiers j'affronterai sans crainte « l'ennemi, quelque redoutable qu'il paraisse. Quoi ! voudrait on « que je m'abandonnasse à la discrétion du vainqueur, et que « j'attendisse de lui, pour prix de ma lâcheté et de ma bassesse, « le gouvernement de quelque province qu'il voudrait bien me laisser? Non, non; il ne sera jamais au pouvoir de personne «ni de m'ôter ni de me donner le diadème que je porte. Une même heure verra la fin de mon règne et de ma vie. Si vous « avez tous ce même courage et cette même résolution, comme « je n'en puis douter, je vous réponds de votre liberté, et que « vous n'aurez point à souffrir le faste et les insultes des Macédoniens. Vous avez dans vos mains de quoi venger ou terminer tous vos maux. » Tous répondirent, avec de grands cris, qu'ils étaient prêts à le suivre partout, et à répandre leur sang pour sa défense.

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C'était le sentiment des troupes. Mais Nabarzane, l'un des plus grands seigneurs de Perse et général de la cavalerie, avait tramé avec Bessus, général des Bactriens, le plus grand de tous les crimes, ayant résolu d'arrêter le roi et de l'enchaîner; ce qu'ils pouvaient exécuter facilement par le moyen des troupes qu'ils commandaient l'un et l'autre. Leur dessein était, s'ils se voyaient poursuivis par Alexandre, de se racheter en lui livrant Darius en vie; et s'ils échappaient à sa poursuite, de s'emparer du royaume après avoir tué Darius, et de recommencer la guerre. Les traîtres n'eurent pas de peine à gagner les troupes en leur représentant qu'on les traînait au précipice; qu'ils se

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