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je me contente d'avertir que cet exemple est une grande leçon pour les particuliers même, qui leur apprend le cas qu'ils doivent faire d'un bon maître, et le soin empressé qu'ils doivent apporter pour en trouver un excellent car un fils tient lieu à chaque père d'un Alexandre. Il paraît que Philippe mit de bonne heure Aristote3 auprès de son fils, persuadé que le succès des études dépend des commencements, et que le plus habile honime ne l'est pas trop pour bien enseigner les principes.

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Description de la phalange macédonienne.

La phalange macédonienne 4 était un corps d'infanterie 5 composé de seize mille hommes pesamment armés, et que l'on avait coutume de placer au centre de la bataille. Outre l'épée, ils avaient pour armes un bouclier, et une pique appelée par les Grecs sarisse. Cette pique avait quatorze coudées de longueur, c'est-à-dire vingt et un pieds; car la coudée est d'un pied et demi.

La phalange se divisait ordinairement en dix corps, dont chacun était composé de seize cents hommes, rangés sur cent de front et seize de profondeur. Quelquefois on doublait ou on dédoublait ce dernier nombre selon l'exigence des cas, de sorte que la phalange n'avait quelquefois que huit de profondeur, et d'autres fois en avait trente-deux. Mais sa profondeur ordinaire et réglée était de seize.

L'espace qu'on laissait à chaque soldat dans les marches était de six pieds, ou, ce qui est la même chose, de quatre coudées, et les rangs étaient aussi à six pieds l'un de l'autre. Quand on menait la phalange contre l'ennemi pour l'attaquer, le soldat

1 « Fingamus Alexandrum dari nobis, impositum gremio, dignum tanta cura infantem (quanquam suus cuique dignus est).» (QUINT. lib. 1, cap. 1.) 2 « An Philippus Macedonum rex Alexandro filio suo prima litterarum elementa tradi ab Aristotele summo ejus ætatis philosopho voluisset, aut ille suscepisset hoc officium, si non studiorum initia a perfectissimo quoque tractari, pertinere ad summam credidisset?» (Id. ibid.)

3 Denys d'Halicarnasse semble mar

quer qu'Aristote ne fut pas si tôt appelé auprès d'Alexandre.

4 « Decem et sex millia peditum more Macedonum armati fuere, qui phalangitæ appellabantur. Hæc media acies fuit in fronte, in decem partes divisa.» (TIT. LIV. lib. 37, n. 40.)

5 Polyb. 1. 17, p. 764-767, et lib. 12, p. 664. Elian. de instruend. Aciebus.

6 Quatorze coudées grecques valent 6 mètres, la coudée étant de 461 millimètres. L

n'occupait que trois pieds, et les rangs se rapprochaient à proportion. Enfin, quand il s'agissait de recevoir seulement l'ennemi et de lui résister, la phalange se pressait encore davantage, et chaque soldat n'occupait qu'un pied et demi.

On voit aisément par là l'espace différent qu'occupait dans ces trois cas le front de la phalange, en la comptant de seize mille hommes sur seize de profondeur, ce qui suppose qu'elle avait mille hommes de front. Cet espace, dans le premier cas, était de six mille pieds, ou de mille toises, qui font dix stades, c'està-dire une demi-lieue. Dans le second cas cet espace diminuait de la moitié, et ne tenait que cinq cents toises'. Et dans le troisième il diminuait encore d'une autre moitié, et ne tenait que deux cent cinquante toises 2.

Polybe examine la phalange dans le cas où elle marche contre l'ennemi pour l'attaquer. Chaque soldat pour lors occupait trois pieds en largeur, et autant en profondeur. Nous avons vu que la pique dont il était armé avait quatorze coudées de long. L'espace entre les deux mains, et ce qui débordait de la pique au delà de la droite, en occupait quatre; par conséquent la pique s'avançait de dix coudées au delà du corps de celui qui la portait. Cela posé, la pique des soldats placés au cinquième rang, que j'appellerai les cinquièmes et ainsi du reste, passait le premier rang de deux coudées; celle des quatrièmes, de quatre; celle des troisièmes, de six; celle des seconds, de huit; enfin la pique des premiers s'avançait de dix coudées vers l'ennemi. On conjecture aisément combien la phalange, cette grosse et lourde machine, hérissée de piques, comme on vient de le voir, devait avoir de force quand elle s'ébranlait toute ensemble pour attaquer l'ennemi, piques baissées, et pour tomber sur lui de tout son poids. Les soldats placés au delà du cinquième rang tenaient leurs piques élevées en haut, mais un peu inclinées sur les rangs qui les précédaient, formant par là une espèce de toit, qui, sans parler de leurs boucliers, les mettait en sûreté contre les traits qu'on leur lançait de loin et qui retombaient sur eux sans leur faire aucun mal.

Les soldats placés dans tous les autres rangs qui suivaient le

Cinq stades.

2 Deux stades et demi,

cinquième ne pouvaient, à la vérité, combattre contre l'ennemi, ni l'atteindre de leurs piques; mais ils ne laissaient pas d'être d'un grand secours dans l'action à ceux qui les précédaient ; car, les soutenant par-derrière de tout le poids de leur corps, et appuyant contre le dos, ils ajoutaient une force et une impétuosité extraordinaires à leur irruption contre l'ennemi: ils leur donnaient une fermeté et une consistance immobile pour résister à l'attaque, et en même temps ils leur ôtaient tout moyen et toute espérance de fuir en arrière; de sorte qu'il fallait nécessairement ou vaincre ou périr.

Aussi Polybe avoue que tant que la phalange conservait son état et son arrangement de phalange, c'est-à-dire tant que les soldats et les rangs demeuraient serrés comme on l'a dit, il n'était pas possible ni de soutenir son effort, ni de l'enfoncer et de la rompre. Et il le démontre d'une manière sensible. Les soldats romains, dit-il ( car c'est eux qu'il compare avec les Grecs dans l'endroit dont il s'agit), occupent chacun dans une bataille, trois pieds. Et comme ils ont beaucoup de mouvements à faire, soit pour porter leurs boucliers à droite et à gauche en se défendant, soit pour frapper d'estoc et de taille avec leurs épées, on ne peut laisser entre eux moins d'intervalle que trois pieds. Ainsi chaque soldat romain occupe six pieds, c'est-à-dire le double d'espace d'un phalangite, et par conséquent en a seul en tête deux du premier rang, et par conséquent aussi dix piques à soutenir, selon ce qui a été dit ci-devant. Or, un seul soldat ne peut ni briser dix piques ni les enfoncer.

C'est ce que Tite-Live marque bien clairement en peu de mots2, en décrivant comment, dans le siége d'une ville, les Romains furent repoussés par les Macédoniens. Le consul3, dit-il, fit marcher ses cohortes pour enfoncer, s'il se pouvait, la

1 On a remarqué auparavant que le phalangite n'occupe que trois pieds quand il marche contre l'ennemi, et la moitié moins quand il l'attend. Dans ce dernier cas un seul soldat romain avait vingt piques à soutenir.

2 LIV. lib. 32, n. 17.

3 « Cohortes invicem sub signis, quæ cuneum Macedonum (phalangem ipsi vocant), si possent, vi perrumperent,

emittebat... Ubi conferti hastas ingentis longitudinis præ se Macedones objecissent, velut in constructam densitate cly. peorum testudinem, Romani, pilis nequidquam emissis, quum strinxissent gladios, neque congredi propius, neque præcidere hastas poterant; et, si quam incidissent aut præfregissent, hastile fragmento ipso acuto, inter spicula integrarum hastarum, velut vallum explebat. »

phalange des Macédoniens. Quand ceux-ci, serrés l'un contre l'autre, eurent avancé devant eux leurs longues piques, les Romains, ayant inutilement lancé leurs javelots contre les Macédoniens, que leurs boucliers, extrêmement pressés couvraient comme un toit et comme une tortue; les Romains, dis-je, tirèrent leur épée : mais ils ne pouvaient ni en venir de près aux mains, ni couper ou briser les piques des ennemies; et s'ils venaient à bout d'en couper ou d'en briser quelqu'une, le bois rompu de la pique tenait lieu de pointe, et cette haie de piques dont le front de la phalange était armé et hérissé subsistait toujours.

Paul Émile avoua que dans la bataille contre Persée 1, dernier roi de Macédoine, ce rempart d'airain, et cette forêt de piques, impénétrable à ses légions, l'avaient rempli d'étonnement et de crainte. Il ne se souvenait point, disait-il, d'avoir jamais vu un spectacle si capable d'effrayer; et depuis ce temps-là il parlait souvent de l'impression que cette terrible vue fit sur lui, jusqu'à le faire presque désespérer de la victoire.

Il s'ensuit de tout ce qui vient d'être dit, que la phalange macédonienne était invincible; cependant l'histoire nous apprend que les Macédoniens, avec leur phalange, out été vaincus et-subjugués par les Romains. Elle était invincible, répond Polybe, tant qu'elle demeurait phalange: mais c'est ce qui arrivait rarement; car pour cela il lui fallait un terrain plat et uni, qui eût beaucoup d'étendue, où il ne se trouvât ni arbre, ni haie, ni coupure, ni fossé, ni vallon, ni hauteur, ni ruisseau. Or, est-il bien ordinaire de trouver un terrain de cette sorte, qui ait quinze ou vingt stades ou plus d'étendue? car cet espace est nécessaire pour contenir une armée entière, dont la phalange ne fait qu'une partie.

Mais supposons qu'on trouve un terrain aussi commode qu'on peut le souhaiter (c'est toujours Polybe qui raisonne), de quel usage sera ce corps de troupes rangé en phalange si l'ennemi, au lieu de s'en approcher et de présenter la bataille, fait des détachements pour ravager la campagne, pour piller les villes,

'Plut. in Paul. Emil. p. 265.

2 Trois quarts de lieue ou une lieue, ou plus encore.

pour couper les convois? Que s'il accepte la bataille, le général n'a qu'à ordonner à une partie de son front, au centre, par exemple, de se laisser exprès enfoncer et de prendre la fuite, pour donner lieu aux phalangites de la poursuivre. En ce cas voilà la phalange rompue, et une grande ouverture qui y est faite, par laquelle les Romains ne manqueront pas d'entrer pour prendre les phalangites en flanc à droite et à gauche pendant que ceux qui sont à la poursuite des ennemis pourront être attaqués de la même sorte.

Ce raisonnement de Polybe me paraît fort clair, et en même temps fort propre à donner une juste idée de la manière de combattre des anciens; ce qui doit certainement entrer dans l'histoire et en fait une partie essentielle.

On voit par là, comme M. Bossuet le remarque après Polybe', la différence qu'il y a entre la phalange macédonienne 2, formée d'un gros bataillon fort épais de toutes parts et qui ne pouvait se mouvoir que tout d'une pièce, et l'armée romaine, distinguée en petits corps, et par cette raison plus prompte et plus disposée à toute sorte de mouvements. La phalange ne peut conserver longtemps sa propriété naturelle (c'est ainsi que s'explique Polybe), c'est-à-dire sa solidité et sa consistance, parce qu'il lui faut des lieux propres, et, pour ainsi dire, faits exprès; et que faute de les trouver elle s'embarrasse elle-même, ou plutôt elle se rompt par son propre mouvement: joint, qu'étant une fois enfoncée, elle ne sait plus se rallier; au lieu que l'armée romaine, divisée en ses petits corps, profite de tous les lieux, s'y accommode. On l'unit et on la sépare comme on veut. Elle défile aisément, et se rassemble sans peine. Elle est propre aux détachements, aux ralliements, à toute sorte d'évolutions, qu'elle fait ou tout entière ou en partie, selon qu'il est convenable. Enfin, elle a plus de mouvements divers, et par conséquent plus d'action et plus de force que la phalange.

1 Discours sur l'Histoire universelle. 2 « Statarius uterque miles, ordines servans; sed illa phalanx immobilis, et unius generis romana acies distinctior, ex pluribus partibus constans; facilis partienti quacumque opus esset, facilis jungenti.» (TIT. LIV. lib. 9, n. 19.)

et

« Erant pleraque sylvestria circa in. commoda phalangi, maxime Macedo num, quæ, nisi ubi prælongis hastis velut vallum ante clypeos objecit (quod ut fiat, libero campo opus est), nullius admodum usus est. » ( Id. lib. 31, n. 39. )

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