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occasion qu'Aristophon, autre capitaine athénien, l'accusa d'avoir trahi et vendu la flotte qu'il commandait. Iphicrate, avec la confiance qu'inspire une réputation établie, lui demanda : Auriez-vous été homme à faire une trahison de cette nature? Non, répondit Aristophon, je suis trop homme d'honneur pour cela? Quoi ! repartit alors Iphicrate, ce qu'Aristophon n'aurait pas fait, Iphicrate l'aurait pu faire?

Il ne se contenta pas d'employer pour sa défense la force des raisons, il appela aussi à son secours celle des armes. Instruit par le mauvais succès de son collègue, il vit bien qu'il ne fallait pas tant songer à convaincre ses juges qu'à les intimider. Il avait placé autour du lieu où ils étaient assemblés une troupe de jeunes gens armés de poignards, qu'ils avaient soin de faire entrevoir de temps en temps. Ils ne purent résister à cette sorte d'éloquence pressante et victorieuse, et renvoyèrent l'accusé absous. Comme on lui reprochait dans la suite ce violent procédé, J'aurais été bien fou, disait-il, si, réussissant à faire la guerre pour les Athéniens, j'eusse négligé de la faire pour

moi-même.

Charès, par le rappel de ses deux collègues, se trouva seul général de toute l'armée; et il était en état d'avancer beaucoup les affaires d'Athènes dans l'Hellespont s'il eût su se défendre des promesses magnifiques d'Artabaze. Ce satrape, qui s'était révolté dans l'Asie Mineure contre le roi de Perse, son maître, investi par soixante-dix mille hommes, et près de succomber par l'inégalité de ses forces, débaucha Charès. Celui-ci, qui ne songeait qu'à s'enrichir, marcha aussitôt au secours d'Artabaze, le dégagea, et reçut une récompense proportionnée au bienfait. On traita de crime capital l'action de Charès. Il avait non-seulement abandonné le service de la république pour une guerrre étrangère, mais encore irrité le roi de Perse, qui par ses ambassadeurs menaça d'armer trois cents voiles en faveur des insulaires soulevés et ligués contre Athènes. Le crédit de Charès le sauva encore dans cette occasion, comme il l'avait déjà fait en plusieurs autres semblables. Les Athéniens, intimidés par les menaces du

1 Polyæn, Strateg. 1, 3 [c. 9, n. 9].

roi, songèrent sérieusement à en prévenir les effets par une paix générale.

C'est à quoi Isocrate, indépendamment de ces menaces, les avait vivement exhortés par un beau discours qui nous reste encore, où il leur donne d'excellents avis. Il leur reproche, avec beaucoup de liberté, comme Démosthène le fait dans presque toutes ses harangues, de se livrer aveuglément à la flatterie des orateurs qui entrent dans leurs passions, pendant qu'ils n'ont que du mépris pour ceux qui leur donnent les conseils les plus salutaires. Il s'applique surtout à refréner en eux ce désir violent d'augmenter leur puissance, et de dominer sur les peuples de la Grèce, qui avait été la source de tous leurs malheurs. Il rappelle dans leur mémoire ces beaux temps, si glorieux pour Athènes, où leurs ancêtres, par un noble et généreux désintéressement, sacrifièrent tout pour maintenir la liberté commune et pour sauver la Grèce ; et il les compare avec ces temps funestes où l'ambition de Sparte, et ensuite celle d'Athènes, avait plongé successivement ces deux villes dans les maux les plus extrêmes; il leur représente que la solide grandeur d'un État ne consiste point à augmenter son domaine, ni à étendre au loin ses conquêtes, ce qui ne se peut guère faire sans violence et sans injustice, mais à gouverner sagement ses sujets et à les rendre heureux, à protéger ses alliés, à se faire aimer et respecter des voisins, et à se faire craindre des ennemis. « Un État, leur dit-il, ne peut manquer de devenir l'arbitre de tous les États voi«sins quand il sait réunir en soi deux grandes qualités, la jus<«tice et la puissance, qui se prêtent un mutuel secours et ne « doivent point être séparées; car la puissance qui ne se con« duit point par des motifs de justice et de raison se porte aux « dernières violences pour accabler et écraser tout ce qui lui <«< résiste; comme aussi la justice, si elle est désarmée et impuissante, se trouve exposée à l'injure, et hors d'état de se « défendre elle-même et de protéger les autres. » La conclusion que tire Isocrate de tout ce raisonnement, c'est qu'Athènes, si elle veut être heureuse et tranquille, doit renfermer son domaine dans de justes bornes; ne point affecter d'avoir l'empire

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De Pace, seu Socialis.

de la mer pour dominer sur tous les autres; conclure une paix qui laisse chaque ville, chaque peuple, dans la jouissance d'une pleine liberté, et se déclarer l'ennemie irréconciliable de quiconque osera troubler cette paix et renverser cet ordre.

La paix fut conclue en effet à ces conditions; et il fut arrêté que Rhodes, Byzance, Chio et Cos jouiraient d'une entière liberté. Ainsi se termina1 la guerre des alliés, après avoir duré trois ans.

§ III. Démosthène rassure les Athéniens alarmés par les préparatifs de guerre que faisait Artaxerxe. Il harangue en faveur des Mégalopolitains, puis des Rhodiens. Mort de Mausole. Douleur extraordinaire d'Artémise, sa femme.

Cette paix ne rassura pas les Athéniens par rapport au roi de Perse. Les grands préparatifs qu'il faisait leur donnaient de l'ombrage, et leur faisaient craindre que le but de ce formidable appareil ne fût d'attaquer la Grèce, et que l'Égypte ne fût un prétexte apparent dont le roi couvrait son véritable dessein. Sur ce bruit, Athènes prit l'alarme; et les orateurs augmentèrent par leurs discours la frayeur du peuple, et l'exhortèrent à prendre les armes sans délai, à prévenir le roi de Perse en lui déclarant les premiers la guerre, et à faire une ligue avec tous les peuples de la Grèce contre l'ennemi commun. Démosthène parut alors pour la première fois en public3, et monta sur la tribune aux harangues pour dire son avis. Il était âgé de vingt-huit ans. Je me réserve à en parler bientôt avec quelque étendue. Dans l'occa sion dont il s'agit, plus sage que ces fougueux orateurs, et songeant dès lors sans doute à ménager à sa république le secours des Perses contre Philippe, il n'osa pas, à la vérité, s'opposer de droit fil à l'avis qu'on avait proposé, de peur de se rendre suspect; mais, posant d'abord pour principe qu'il fallait regarder le roi de Perse comme l'ennemi perpétuel de la Grèce, il représenta qu'il était de la prudence, dans une affaire aussi impor tante que celle-ci, de ne rien précipiter; qu'il ne fallait pas, par une révolution prise à la hâte sur des bruits vagues et incertains,

IAN. M. 3648. Av. J. C. 356.

2 AN. M. 3649. Av. J. C. 355.

3 Demosth. in Orat. de Classibus.

et par une déclaration de guerre prématurée, fournir à un prince puissant un juste sujet de tourner ses armes contre la Grèce; que ce qui était nécessaire pour le présent, c'était de songer à équiper une flotte de trois cents voiles ( et il marque en détail' comment on doit s'y prendre), et de tenir des troupes toutes prêtes pour être en état de faire une bonne et vigoureuse résistance en cas qu'ils fussent attaqués ; qu'alors tous les peuples de la Grèce, sans autre invitation, seraient assez avertis, par le danger commun, de se joindre à eux, et que le seul bruit de cet armement serait capable de faire perdre au roi de Perse l'envie d'attaquer la Grèce, supposé qu'il en eût formé le dessein.

Au reste, il n'est pas d'avis que pour subvenir aux frais de cette guerre on commence actuellement à imposer une taxe sur les biens des particuliers, laquelle ne monterait pas à une grande somme, et ne serait pas suffisante pour les dépenses nécessaires. « Il faut, dit-il, s'en reposer sur le zèle et sur la générosité de nos citoyens. On peut dire que notre ville est presque « aussi riche, elle seule, que toutes les autres villes de la Grèce « ensemble. (Il avait marqué auparavant que l'estimation des << terres de l'Attique montait à six mille talents, c'est-à-dire à « dix-huit millions 2.) Quand on verra le péril réel et prochain, il n'y aura personne qui ne contribue de bon cœur aux frais de «la guerre, et qui soit assez insensé pour aimer mieux hasarder de perdre, avec la liberté, tout son bien, que d'en sa«crifier une partie pour conserver sa patrie et pour se con« server soi-même.

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Et il ne faut point craindre, comme quelques-uns vous l'insinuent, que les grandes richesses du roi de Perse le mettent en « état de lever contre vous un grand nombre de troupes auxiliaires, qui rendraient son armée formidable. Nos Grecs, quand il s'agit de marcher contre l'Égypte, ou contre Oronte « et les autres barbares, servent volontiers sous les Perses, dans l'espérance de s'enrichir; mais aucun, j'ose l'assurer, aucun « ne se résoudra jamais à porter les armes contre la Grèce.

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J'ai rapporté ailleurs ce détail, qui est assez curieux, et fort propre à expliquer comment les Athéniens équipaient

et faisaient subsister leurs flottes.
2 33,000,000 francs. — L.

>>

Cette harangue eut tout son effet. La manière adroite et délicate dont l'orateur s'y prit, en conseillant de différer l'imposition de la taxe, et laissant entrevoir qu'elle ne tomberait que sur les seuls riches, dont il loue le zèle, était fort propre à faire échouer cette affaire, qui n'avait de fondement que dans l'imagination échauffée de quelques orateurs, intéressés peut-être à la guerre qu'ils conseillaient.

Deux années après', une entreprise des Lacédémoniens contre Mégalopolis, ville de l'Arcadie, donna encore lieu à Démosthène de signaler son zèle et de faire paraître son éloquence. Cette ville, établie nouvellement par les Arcadiens, qui y avaient fait entrer une nombreuse colonie tirée de différentes villes, et qui leur pouvait servir de place forte et de rempart contre Sparte, causait beaucoup d'inquiétude aux Lacédémoniens, et leur donnait de vives alarmes ; ils résolurent donc de l'attaquer et de s'en rendre maîtres. Les Mégalopolitains, qui apparemment avaient renoncé à l'alliance de Thèbes, eurent recours à Athènes, et implo. rèrent sa protection; les autres peuples intéressés y envoyèrent aussi leurs députés, et l'affaire fut débattue devant le peuple. Démosthène pose d'abord pour fondement de tout son dis cours 2, qu'il est de la dernière importance d'empêcher que ni Sparte ni Thèbes ne deviennent trop puissantes, et ne se mettent en état de faire la loi à toute la Grèce. Pour cela il est nécessaire de balancer leurs forces, et de conserver toujours entre elles un juste équilibre. Or, il est évident que si l'on abandonne Mégalopolis aux Lacédémoniens, ils se rendront bientôt maîtres de Messène, deux villes voisines et puissantes, qui tiennent Sparte en échec, et lui servent comme de bride. L'alliance que nous ferons avec les Arcadiens, en nous déclarant pour Mégalopolis, est donc le plus sûr moyen de conserver l'équilibre si nécessaire entre Sparte et Thèbes, parce que, quelque chose qu'il arrive, ni l'une ni l'autre ne pourra nous nuire tant que nous aurons pour alliés les Arcadiens, dont la puissance, jointe à la nôtre, l'emportera toujours sur celle de chacun des deux autres peuples.

1 AN. M. 3651. Av. J. C, 353. Diod. 2 Demosth. Orat. pro Megalop. I 15, pag. 401.

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