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est obligé, dès la première explosion de la colère du peuple, de courir s'enfermer dans son château de Lattes, et durant deux ans il ne reparaît pas dans sa ville seigneuriale. Quand ensuite il y revient, au bout de cet intervalle, ce n'est qu'avec le secours d'une armée catalane, appuyée de la marine de Gênes et des foudres de Rome. Il faut même, indépendamment de tous ces moyens, une intervention directe du Ciel pour l'aider à triompher de la tempête populaire. On aperçut au firmament, dit une légende, un peu avant le jour, et au-dessus du sanctuaire vénéré de Notre-Dame des Tables, douze étoiles en forme de couronne, d'où semblaient jaillir des flammes et dégoutter du sang. A cette soudaine apparition, la grande cloche sonna, on cria de tout côté au miracle; on crut voir dans ce phénomène inattendu une menace des douze Apôtres ou un signe de la Vierge-Mère irritée contre sa ville en révolte, et on prit immédiatement la résolution de prévenir, en faisant la paix, un châtiment divin'.

En 1143 donc, après deux ans de réflexion, les têtes de nos bourgeois étaient encore bien montées, bien exaltées, puisqu'il était besoin à la fois d'un siége régulier, des anathèmes pontificaux, d'une famine et d'un miracle pour ramener un peu de calme au sein de l'héritière de la tranquille Maguelone. Et encore, l'avonsnous dit, ce peu de calme fut-il assez chèrement

Gariel, Idée de la ville de Montpellier, Antiquités, p. 103.

acheté par les concessions de Guillem VI. Le pieux seigneur, l'illustre croisé dut promettre, en ressaisissant son fief, de respecter les droits et les conquêtes de la Commune, sans quoi la forteresse qu'il éleva eût été impuissante, selon toute apparence, à l'abriter contre de nouvelles fureurs. Nous verrons bientôt cette même forteresse disparaître à la suite d'un autre mouvement populaire.

Nous voulons parler de la Révolution montpelliéraine de 1204. Mais avant de nous en occuper, il est indispensable que le lecteur sache au milieu de quelles circonstances elle s'est produite.

III.

AVÈNEMENT DES ROIS D'ARAGON A LA SEIGNEURIE DE MONTASPECT ÉMINEMMENT RÉPUBLICAIN DE LA

PELLIER.

COMMUNE.

Bien que la Commune de Montpellier ait pris naissance au XIIe siècle, et que son histoire remonte d'une manière certaine jusqu'à l'année 1144, c'est seulement à dater du XIIIe siècle, néanmoins, qu'on peut en suivre le développement sans interruption. Il se passe alors pour elle un fait des plus graves. L'influence espagnole, si puissante déjà sous la dynastie des Guillems, s'installe triomphante dans le château seigneurial avec les rois d'Aragon, et les habitants de la cité, en échange de l'appui qu'ils accordent au nouveau pouvoir, lui imposent une charte écrite, où se lisent les garanties les plus explicites de leurs droits. La Commune de Montpellier, à partir de ce jour-là, fonctionne régulièrement; elle a ses annales à elle, ses magistrats librement élus, ses registres consulaires,

HISTOIRE DE LA COMMUNE DE MONTPELLIER.

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son sceau, son trésor, son beffroi; elle est pourvue de toutes ses armes, et prête à entrer en lutte contre quiconque l'attaquera.

Examinons successivement les deux faces de ce double fait; voyons comment s'est accomplie, d'une part, la substitution des rois d'Aragon aux Guillems dans la Seigneurie de Montpellier, et au milieu de quelles circonstances, d'autre part, fut rédigée la charte que nous venons de mentionner.

Le point de départ de cet examen nous est fourni par le testament de Guillem VIII.

Lorsque Guillem VIII mourut, en 1202 ou 1203, ce fut, nous l'avons dit 1, après avoir déshérité, en faveur des fils d'Agnès de Castille, la fille d'Eudoxie Comnène2, et désigné pour lui succéder dans la Seigneurie de Montpellier l'aîné de ces fils, qu'on est convenu d'appeler Guillem IX. Guillem IX n'étant pas encore majeur, son père le plaça sous la tutelle d'une commission de quinze bourgeois, espèce de conseil de régence pris parmi les habitants de sa ville seigneuriale, et dont l'autorité devait subsister tant que le jeune seigneur n'aurait pas atteint l'âge de vingt-cinq ans. Les membres de ce conseil furent investis de la haute admi

Voy. Introduction, p. LVIII sq.

La fille d'Eudoxie l'impératrice, comme Marie se qualifie elle-même dans une charte de 1207. Ce petit orgueil généalogique fait penser au surnom de filz l'emperesse que prenait au XII siècle un prince normand.

nistration de la Seigneurie

l'évêque d'Agde, ainsi

que l'évêque et le prévôt de Maguelone, à qui Guillem VIII confia par son testament la garde et la défense de sa famille et de ses domaines, eurent même à les consulter dans toutes les affaires, sous peine de voir leur privilége méconnu. Les quinze bourgeois directeurs reçu– rent plein pouvoir de nommer et de changer le bayle à volonté ; il leur fut enjoint d'examiner chaque mois ses comptes; ils durent se compléter par eux-mêmes, en cas de décès de l'un d'entre eux; ils possédèrent, en un mot, toutes les attributions de la souveraineté 2.

Le Mémorial des Nobles, fol. 49 v°, les énumère dans l'ordre suivant: Bernard Lambert et Raymond Lambert, son fils, Pierre de Conques et son fils Guillaume, Raymond Atbrand, Raymond Lambert son neveu, maître Gui, Guillaume de Sauzet, Jacques Lombard, Hugues Polverelle, Guillaume de Pierre, Pierre de la Porte, Bérenger de Conques, Pierre Lucien et Guillaume de Mèze.

2 Guillem VIII, après avoir chargé son héritier de payer ses dettes, << consilio dictorum quindecim virorum », ajoute dans son testament du 4 novembre 1202 : « Filios meos, et uxorem >meam, et totam terram meam, et potestativum, et bailiam, >>et administrationem omnium rerum ad me pertinentium, >>et fructuum et obventionum, et districtionum et justitiarum, >>et omnium aliarum rerum ad me pertinentium, committo, »dimitto et relinquo predictis quindecim probis viris, homi>>nibus meis, donec filius meus Guillelmus perveniat ad vige>>simum quintum annum etatis sue,... ... ipsosque quindecim >>>probos homines, cum infantibus meis, et uxore, et tota terra »>mea, et omnes alios homines meos dimitto in protectione et

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