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CHAPITRE X.

Reproductions et imitations du Simplicissimus.

Livre populaire et national, se rattachant à la tradition des Volksbücher du XVII siècle, écrit par un enfant du peuple devenu bourgeois, le Simplicissimus eut un immense succès et jouit dans la société bourgeoise d'une extraordinaire faveur. Aussi il a fait école et provoqué une foule d'imitations et de continuations, nouvelle preuve de l'importance de ce livre et de la place considérable que doit tenir son auteur dans l'histoire littéraire du XVII siècle. Le Simplicissimus inaugura réellement un genre nouveau: il doit faire époque dans l'histoire du

roman.

Non seulement il provoqua une foule de romans analogues; mais on exploita le nom lui-même, comme on avait exploité le Philander de Moscherosch, comme on exploita plus tard le nom de Robinson. Il apparaît, tantôt comme le héros ressuscité, tantôt comme l'auteur de ces romans parasites. La France eut son Simplicissimus, édité à Fribourg en 1681. Il y eut un Simplicissimus Hongrois (1683). Dans ces romans imités, comme dans les continuations de Philander, comme dans le Simplicissimus original, le lecteur est ramené sur le terrain de la réalité et de l'histoire contemporaine. On vit ensuite paraître un Hasenkopf Simplicien (1683) (1)—un Haspelhans Simplicien (1684) (2); Weltkuk

(1) Hasenkopf ou Téte-de-lièvre.

(2) Haspelhans, c'est-à-dire l'Etourdi, l'homme à l'esprit biscornu, distrait et fantasque.

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ker (1) ou l'aventurier Jean Rebhu » (1677-1678), par Musäus Joh. Bähr. Sous ce dernier nom parurent une série d'écrits plus ou moins humoristiques, dans le genre de Simplicissimus, par exemple: « Der überaus kurzweilige und abenteuerliche Malcomą von Libandu von Simplicio Simplicissimo.» (s. 1. 1686). Simplicissimi alberner Briefsteller » (Leipzig, 1725); « Simplicissimus redivivus » (s. 1. 1743.)— « Der im vorigen Iarhundert so weltberufene Simplicius von Einfaltspinsel, in einem neuen Kleide. Neue nach dem 1865 aufgelegten Original umgearbeitete Auflage. » Frankf. Leipzig, 1790, etc. La comparaison de tous ces ouvrages avec le Simplicissimus original relève singulièrement le mérite de Grimmelshausen. Outre les romans qui ne sont que des copies de l'œuvre originale de Grimmelshausen ou qui s'en inspirent directement, on vit se produire une quantité d'autres romans appartenant au genre picaresque, mais qui cependant conservèrent une certaine indépendance et ne furent pas de serviles imitations. Dans le << Chien d'or » (Der goldene Hund) 1675, comme dans certains romans espagnols, comme dans ceux de Lucien et d'Apulée, un homme parcourt le monde sous la forme d'un animal; procédé fort commode pour le romancier philosophe, en ce qu'il permet au héros d'observer l'humanité sans être distrait et empêché par ceux qui sont intéressés à ne pas se laisser voir. Le héros étant invisible, les hommes ne se doutant pas de la présence d'un observateur, agissent sans contrainte et laissent voir à nu leurs vices et leurs faiblesses. Grimmelshausen s'est servi lui-même de ce moyen dans son Vogelnest, où le héros, au lieu d'ètre changé en animal, est, ce qui revient au même, rendu invisible par la merveilleuse vertu du précieux talisman. C'est le procédé du Diable boîteux de Le Sage. C'est toujours la même fiction, par

(1) Weltkukke', c'est-à-dire, l'homme qui parcourt le monde pour tout

voir et tout observer.

laquelle on suppose que l'aventurier, qui est en même temps un observateur, voyage dans la société et voit sans être vu. Dans tous ces romans fantastiques, l'auteur veut nous faire connaître les hommes d'après sa propre observation. Le Gygès français, par Terpo Mirifano, reproduit les mêmes fantaisies. Comme les possesseurs du Vogelnest dans Grimmelshausen, Gygès voyage parmi les hommes et pénètre partout, grâce à la précieuse faculté qu'il a de se rendre invisible. Mais ici l'abus du procédé est poussé jusqu'à l'absurde.

Le seul roman de cette espèce qui mérite une mention particulière est le Schelmufsky, par E. S. (1696), où l'auteur semble se jouer de la curiosité avide des lecteurs en les promenant dans le monde de l'exagération. Son aventurier rappelle parfois Gargantua, parfois aussi le Finkenritter. Nous y retrouvons aussi le ton des forfanteries et des bavardages des ouvriers errants. Le héros de ce roman bizarre est un enfant phénomène, d'une précocité extraordinaire. A cinq jours il parlait déjà. Il fut nourri du lait d'une chèvre, ce qui le rendit fort et vigoureux. De bonne heure il voulut voir le monde. Il s'attache à un comte avec lequel il voyage et rôde à travers la société. Il mène une vie de seigneur et nous révolte par sa grossièreté et ses turpitudes. Pour se faire accueillir, il raconte partout, en outrant le récit, ses farces grossières. Tout ce qu'il fait excite l'admiration, et ses mœurs et ses habitudes dégoûtantes sont plutôt utiles que nuisibles à sa réputation. Il a oublié la langue de « Madame sa mère » ; il a vu le Grand-Mogol, la mer, les sirènes et les monstres marins. Il revient à la maison paternelle, gueux couvert de haillons. Sa mère le chasse. Enfin on s'aperçoit qu'il avait tout simplement passé deux jours à boire et à s'enivrer hors de la maison, et que tout ce qu'il a raconté n'est que pure invention (1).

(1) Gervinus, ouvrage cité, 3e vol., p. 496.

On pourrait enfin ranger dans cette catégorie des romans. d'aventures le roman d'étudiants, qui apparut en Allemagne vers la fin du XVIIe siècle et au commencement du XVIII'. Le meil leur ouvrage en ce genre est sans contredit le Roman académique de Happel (1690). Si l'on fait abstraction des discussions. savantes que comporte le caractère du héros, on retrouve ici le style des romans du genre, les mêmes personnages fourbes et voleurs, aventuriers sans conscience exploitant la société.

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Je n'ai cité, avec Gervinus, à qui j'emprunte cette revue rapide de la littérature cómique et du roman d'aventures après Simplicissimus, que les principaux romans qui rentrent dans le genre picaresque. Tous sont restés loin du modèle qui les a inspirés ils trahissent en effet dans leurs auteurs l'absence d'observation personnelle, d'expérience du monde. Ce fondamental mérite de Grimmelshausen est remplacé chez eux, tantôt par une suite d'incidents et d'aventures forcés, tantôt par une exposition sèche de faits historiques; ou enfin leur imagination sans frein, franchissant toutes les limites dans le temps et dans l'espace, enfante deso enfante des œuvres énormes auxquelles manque toute idée dirigeante, toute vérité, auxquelles manque surtout le caractère national. On pourrait excepter peut-être l'Ile de Felsenburg (<< Insel Felsenburg ») de Schnabel, roman auquel nous reviendrons tout-à-l'heure.

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Les prétendus aventuriers et aventurières, héros de ces compositions sans art et sans caractère, sont absolument insignifiants; leurs aventures sont peu intéressantes et même souvent peu honorables. Les auteurs de ces nombreuses productions, tout en cherchant à se rapprocher du roman savant dans sa forme la plus dégénérée, s'approprient en l'imitant ce qu'il y a d'immoral dans Simplicissimus, pour le reproduire sous une forme plus licencieuse encore. Alors que dans les écrits Simpliciens, le récit, la description des actes immoraux dans leur effrayante vérité, a pour but d'en inspirer l'horreur, ici au contraire la peinture des choses déshonnêtes et des immoralités

semble être l'objet unique et le dernier but de l'auteur. Les hommes ne sont pas mauvais drôles tant qu'il y aurait danger à l'être; les femmes gardent leur honneur jusqu'à ce qu'elles puissent le négocier avec quelque riche amateur. Telle est la morale de la société décrite dans ces romans. Il est vrai que ce trafic de l'honneur et de la vertu n'est pas toujours resté dans le domaine de la fiction, comme nous l'apprennent Lohenstein et Hofmanswaldau dans leurs prétendues Héroïdes.

Le fait remarquable, qui reste certain, c'est que Simplicissi– mus conduit naturellement aux « romans picaresques, » dont il est en Allemagne le chef et le père. Le genre, il est vrai, n'est pas encore bien caractérisé, car Simplicissimus n'est pas assez franchement mauvais sujet pour qu'on puisse le ranger à côté des Lazarille et des Guzman. Simplicissimus est une transition. Ce n'est pas sur lui que Grimmelshausen, qui s'est chargé d'introduire le genre picaresque en Allemagne, a voulu amasser les différents traits de caractère qui constituent le véritable picaro. Il a tiré de son épopée quelques figures qu'il n'avait pas à ménager, dont il fait les héros de récits plus courts. Nous en parlerons plus loin au sujet des autres ouvrages de Grimmelshausen. L'étrange Springinsfeld (« der seltsame Springinsfeld »), autrefois soldat sain et dispos, habile et brave, devenu ensuite un vagabond et un mendiant, promenant à travers le monde sa personne amaigrie, usée, épuisée, armé d'une béquille et d'un violon, renchérit déjà sur Simplicissimus. Puis la Landstörzerin Courasche et le Volgenest sont des romans picaresques dans toute l'acception du mot.

Il s'est produit contre ces histoires d'aventuriers mauvais sujets, de chevaliers d'industrie et de vagabonds, contre le roman picaresque en un mot, une réaction inévitable. C'est ce qui arrive ordinairement quand un système est poussé à l'excès. Les érudits, profondément irrités, indignés contre ces vulgaires coureurs, leur opposèrent avec un solennel mépris le roman de galanterie et le roman de bergers ou pastoral. A cette course

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