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effrénée à travers le monde ils opposèrent le menuet français dansé par Corydon et Chloé, qui se tiennent élégamment par le bout des doigts, et amusent décemment la noblesse en prenant leurs grâcieux ébats au milieu des corbeilles et des plates-bandes, des allées bordées de buis taillé avec art. Ils évitent avec soin l'air frais du matin, les cheveux non poudrés, la piété simple et franche, et tout ce qui pourrait les confondre avec les gens du peuple. Celui qui ouvrit la marche dans cette voie de réaction fut Paul Winckler, qui publia en 1697 « Le Gentilhomme » ( «Der Edelmann »). Auguste Bohse écrivit « Diverses histoires d'amour de grands personnages » (« Hoher Personen unterschiedliche Liebesgeschichten »). C'est comme un manuel de galanterie à l'usage des dames. Le titre seul d'un de ces romans peut nous donner une idée du contenu de tous les autres. » Le chevalier errant dans les dédales du jardin de l'amour » ( « Der im Irrgarten der Liebe herumtaumelde Cavalier »).

On fouillerait vainement dans toutes ces œuvres, bergeries, romans de galanterie ou d'aventures, qui succédèrent au Simplicissimus, pour y trouver une veine d'originalité. Tout est imitation, pédanterie, invraisemblance. C'est le caractère de cette malheureuse période de la littérature allemande, où il se rencontre si peu d'œuvres vraiment originales. Qu'on imite Amadis ou Guzman, Astrée ou Lazarille, on ne réussit dans aucun genre. Qu'il se coiffe de la résille pastorale ou du morion chevaleresque, l'Allemand reste pesant et gauche.

Aussi, cette réaction des érudits contre le roman picaresque suscita une contre-réaction. Un écrivain hardi entreprit de venger le naturel et le bon sens outragés par la mièvrerie et les manières guidées de cette chevalerie postiche. En effet, l'histoire de la vie de Schelmufsky, citée plus haut, n'est autre chose que la reprise du roman picaresque ou plutôt une parodie des Robinsonades peuplées de mensonges, aussi bien que du roman de galanterie.

Il faut donc, pour trouver un roman de quelque originalité

dans ce siècle qui en a tant produit, revenir à Simplicissimus. Cette œuvre, malgré les graves défauts que ses admirateurs ne peuvent dissimuler, reste, dans ce genre, l'œuvre capitale du XVIIe siècle.

Il nous reste, pour compléter ce tableau rapide de la littérature romanesque dont Simplicissimus est le point de départ et comme l'inspirateur, à énumérer les principales Robinsonades. Cette île solitaire et complètement inhabitée, dans laquelle Simplicissimus termine sa carrière agitée, est le véritable berceau de toute une famille de romans qui furent en grand honneur au XVIII' siècle. Les découvertes aventureuses et presque incroyables faites par les conquistadores espagnols vivaient encore dans le souvenir des hommes, avec l'admiration qu'elles avaient provoquée. Les romanciers, voyant leur domaine se resserrer à mesure que la vie sociale devenait plus étroite, mesquine et prosaïque, se réfugièrent dans la solitude d'un monde nouveau, encore vierge de civilisation, où du moins la nature avait conservé sa fraîcheur et ses charmes. C'est ce qui donna naissance aux Robinsonades, qui suivirent en assez grand nombre la publication de Robinson Crusoe (1719). Ce roman, qui marque une grande date dans la littérature anglaise, comme Simplicissimus dans la littérature allemande, fut traduit en allemand en 1721, imité ensuite et reproduit dans tous les pays de l'Europe. Dans une période de quarante ans, il parut en Allemagne une cinquantaine de romans, les uns portant le titre de Robinson, les autres composés sur le modèle anglais. Puis chaque pays d'Europe, chaque province même, chaque classe de la société eut un Robinson: c'était une fureur. Ainsi il y eut un Robinson allemand, un Robinson italien, un français, un suédois, un hollandais, un danois, un bohémien, un saxon, un brandebourgeois, un Robinson juif, un Robinson médical, etc. Puis vinrent des descriptions de voyages de touristes aventureux, qui visitèrent même parfois la lune et autres pays fantastiques, et qui avaient conservé quelque parenté avec leurs cousins les vauriens espagnols. Ils se moralisent ce

pendant, se rapprochent de la réalité, adoucissent leurs mœurs, et enfin avec Campe, s'égarent dans les écoles primaires et deviennent de bons petits maîtres d'école à l'usage de l'enfance. Le « Robinson le Jeune » (« Robinson der Jüngere ») de ce pédagogue allemand eut près de quatre-vingts éditions et fut à son tour traduit dans toutes les langues.

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La plus remarquable des productions de ce genre est l'« Ile de Felsenburg de Schnabel. Ce livre jouit d'abord, au commencement du XVIIIe siècle, d'une assez grande faveur, puis tomba dans le discrédit et fut partout décrié. C'est une suite d'histoires de voyages qui s'enchaînent et se confondent, se complètent les unes les autres, et où sont racontées les aventures de différents personnages qui traversent les mers et que le caprice du destin amène tous dans une île où ils forment une colonie. C'est l'île de Felsenbourg. Nous n'avons plus ici la vie solitaire de Simplicissimus et de Robinson. Les membres de cette société ont une piété froide et sans élan, fondée sur la Bible et la raison, qui, à l'occasion, s'accommode très-bien de la piraterie, de l'amour et des enlèvements. Ces Européens égarés dans un nouveau monde y mènent une vie patriarcale tellement douce qu'on serait tenté d'aller habiter avec eux ce paradis terrestre. C'est pour se soustraire aux fureurs de la guerre de Trente ans que le plus ancien de ces colons est venu se réfugier dans cette île. Mais la tempête est apaisée depuis longtemps. On dirait d'un soir calme et pur après l'orage. Les passions n'apparaissent plus que comme de rares et faibles éclairs à l'horizon. C'est la raison qui gouverne. Nous sommes loin des mœurs rudes et grossières du Simplicissimus; mais bien loin aussi de cette description vive et rapide, de ce style léger et simple qui font le charme du roman de Grimmelshausen.

CHAPITRE XI.

Autres écrits de Grimmelshausen.

Grimmelshausen est son propre continuateur: il s'imite luimème. L'immense succès du Simplicissimus, accueilli avec une faveur sans exemple, engagea l'auteur à exploiter la veine qu'il venait de découvrir. Mais il ne fut plus aussi heureux. On ne fait pas deux fois Don Quichotte ou Gil Blas. Nous pouvons bien dire aussi on ne fait pas deux fois Simplicissimus. Nous allons cependant analyser rapidement ce que les critiques allemands appellent les écrits Simpliciens» de Grimmelshausen (<< Simplicianische Schriften »), c'est-à-dire, les autres romans ou récits d'aventures qu'il a rattachés de près ou de loin à son roman principal, et qui en sont comme les continuations.

Une année après la publication du Simplicissimus, en 1670, parurent le Springinsfeld et le Trutz-Simplex ou la Vagabonde Courage (« Die Landstörzerin Courasche »). En 1672, Le nid d'oiseaux (« Das Vogelnest »), Ir partie; puis la II' partie. Ce sont, en réalité, quatre continuations de Simplicissimus, éditées sous différents pseudonymes anagrammatiques. En voici les titres exacts:

1° « Trutz Simplex, oder ausführliche und wunderseltzame Lebensbeschreibung der Erzbetrügerin und Landstörzerin Courasche, etc., gedrukt in Utopia, bei Felix Stratiot », c'est-à-dire : << Défi à Simplex, ou Récit complet et extraordinaire de la vie de la grande friponne et vagabonde Courage, etc... » L'auteur

s'appelle cette fois, dit-il, Philarchus Grossus von Trommenheim.

2° « Der seltzame Springinsfeld... von Philarcho Grosso von Trommenheim, gedruckt in Paphlagonia bei Felix Stratiot, 1670 ». = « L'étrange et singulier Springinsfeld, etc., par Phil. Gros. de Trom. >

3 Das wunderbarliche Vogelnest, durch Michael Rechulin von Sehmsdorff gedruckt in zu Endlauffenden 1672 Iahr. » « Le merveilleux nid d'oiseaux, par Michel Rech. de Sehmsdorff, imprimé vers la fin de l'année 1672. »

4 « Dess wunderbarlichen Vogelnests zweiter Theil, An tag geben von A cc ee ff gg hh ii ll mm nn oo rrr sss t u. = «Deuxième partie du merveilleux nid d'oiseaux, mis au jour par..., etc. »

Comme le Simplicissimus, la Vagabonde Courage et le Springinsfeld nous offrent des descriptions renouvelées de la vie errante et du vagabondage pendant la guerre. L'intention de l'auteur ressort clairement de la lecture des deux premiers ouvrages: il voulait non-seulement raconter la vie de deux personnages qui figurent dans le Simplicissimus, mais encore et surtout compléter le tableau de mœurs qu'il avait peint avec tant de succès.

Dans Simplicissimus, Grimmelshausen décrit les mœurs de la société allemande, des soldats surtout, pendant la Guerre de Trente ans. Le point central de ce tableau, le type sur lequel il a accumulé les traits, est un soldat de fortune, un aventurier militaire. Il semble, comme nous l'avons indiqué déjà en passant, que Grimmelshausen, dans Simplicissimus, se soit efforcé de ménager son personnage. Il n'est pas très sympathique, mais il y a en lui un fonds d'honnêteté qui finit par triompher et le ramener au bien, une certaine délicatesse de la conscience, qui se révolte de temps en temps et nous réconcilie avec le picaro allemand. Il finit d'ailleurs d'une manière édifiante.

Dans l'histoire de la Vagabonde Courage, Grimmelshausen nous donne le pendant de Simplicissimus. Il nous décrit la vie et

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