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rales qui agissent fatalement et modifient le caractère même du peuple. Les Opitz, les Fleming, les Harsdorffer pouvaient bien se faire une langue à eux; mais ils ne pouvaient refaire la langue du peuple allemand. Ce n'était point par des règlements qu'on pouvait guérir le mal. Il fallait d'autres génics pour renouer la tradition interrompue et tendre la main à Luther par dessus le désert du XVIIe siècle.

Le mauvais goût a envahi tous les genres en prose. La prose didactique surtout est entachée de néologisme et bariolée de mots latins et français. Non seulement les expressions sont étrangères, la construction des phrases n'a rien d'allemand. Cette prose didactique du XVIIe siècle ressemble assez, et l'on peut par là s'en faire une juste idée, à la langue des philosophes allemands modernes, langue barbare et cosmopolite, toute barbouillée de grec et de latin, ou encore à la langue du journalisme actuel, possédé de la fureur à la mode de germaniser les mots français. La prose historique, quoique tombée moins bas peut-être et pouvant offrir quelques œuvres écrites dans une langue relativement pure, est loin de la perfection du siècle précédent. Elle est entachée du vice commun, la lourdeur et la barbarie du style.

Ce qui caractérise donc la littérature de cette période, c'est l'imitation, si sévèrement stigmatisée par les Logau et les Lauremberg. On imite la forme, on emprunte le fond. Cette absence d'indépendance et d'originalité va jusqu'à la servilité la plus honteuse. L'esprit allemand ne vit plus de sa vie propre. Il est courbé, discipliné sous la domination étrangère, française surtout. L'Allemagne est tributaire de l'Europe latine. Les historiens allemands de la littérature allemande insistent tous avec amertume sur cette déplorable décadence de l'esprit national. C'est un lieu commun de la critique littéraire. « Alors, dit Vilmar, vint l'imitation servile, et par là même ridicule, des mœurs et des usages français, de la langue française, du ton français; alors vint le siècle à la mode (« das à la mode Zeital

ter »), comme l'ont appelé, pour le flétrir, certains écrivains contemporains, atteints eux-mêmes de la manie régnante; le siècle à la mode, avec ses expressions étranges et roides, ses compliments aventureux, son jargon inouï, en un mot, le siècle allemand-français (das Deutschfranzosentum). » (Vilmar, 1, c. p. 280).

Le roman est le seul genre littéraire qui soit arrivé à se frayer une voie indépendante et qui ait échappé, après l'avoir subi, à l'esclavage commun. Il a fini par se soustraire, non seulement à la domination étrangère, mais encore à la réglementation étroite et gênante dans laquelle les écoles et les sociétés littéraires prétendaient enfermer la poésie et toutes les œuvres d'imagination. Le roman échappe à l'étreinte de cette érudition fausse et antinationale. Il n'est pas né en Allemagne ; mais apporté de l'étranger, il a revêtu, seul de tous les genres, un caractère allemand et populaire ; il s'est naturalisé. Je parle ici du roman d'aventures, qui, importé d'Espagne, s'est transformé, sous la plume de Grimmelshausen, en roman national. C'est ce qui fait l'importance et le mérite exceptionnels du Simplicissimus, l'œuvre qui, sous le rapport du fond et du style, fait peut-être le plus d'honneur à la littérature allemande du XVII siècle. Je ne crains pas de dire, avec un de ses admirateurs, M. Bobertag, qu'au milieu de ce désert littéraire, le Simplicissimus est une fraîche oasis (1). On se ralliera sans peine à cette appréciation flatteuse, si l'on jette un coup d'œil rapide sur l'état du roman allemand au XVIIe siècle.

(1) Ueber Grimmelshausens Simplicianische Schriflon, p. 26.

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Lorsqu'un peuple prend possession de lui-même, lorsqu'il sort de la période de l'enfance pour prendre place dans le monde, il cherche à fixer dans sa mémoire les grands événements qui sont comme la base et le fondement de son existence. La forme que l'instinct populaire, traduit par de hautes intelligences, donne au récit traditionnel est presque toujours la forme épique. Pour le peuple, en effet, l'épopée est la forme nécessaire de la poésie; elle domine et absorbe toutes les autres Tout ce que le peuple allemand savait de son histoire, tout ce qu'il pensait, tont ce qu'il sentait, trouvait son expression dans l'épopée. Cette prédominance de la forme épique dans la tradition populaire en Allemagne, cette formation lente et graduelle de la légende, qui aboutit à la superbe et magnifique épopée des Nibelungen, a pour cause première, je crois, l'unité intellectuelle et morale de la nation allemande. Chez un peuple qui n'a qu'une mème foi, il se forme un fond de croyances qui infailliblement s'incarnent dans une légende, et l'épopée devient le trésor commun, le patrimoine poétique du peuple. Dans ce vaste récit des premiers âges sont renfermés ses idées, ses sentiments, ses souvenirs, ses aspirations, son histoire ou, si l'on veut, son premier

roman.

L'épopée populaire (das Volksepos), telle fut nécessairement pour les Allemands comme pour les Grecs, la première forme sous laquelle apparut la littérature d'imagination. Puis, par une évolution inévitable, les légendes populaires, réunies en faisceau dans l'épopée, se dispersent et se perdent. Le peuple, dépositaire et gardien du trésor national, se laisse peu à peu déposséder par des individualités poétiques. Ces nouveaux poètes chantent, non plus les héros de la légende, mais les héros de leur imagination personnelle. Ce n'est plus la tradition qui les impose, c'est le génie isolé qui les crée et les façonne à son gré. C'est ainsi que les antiques légendes persistèrent dans le souvenir du peuple allemand; mais la poésie quitta le peuple pour se réfugier dans les châteaux. A l'épopée populaire des Nibelungen, poésie sombre et farouche, succèdent les épopées savantes, lumineuses et réfléchies de Parcival, de Guillaume, d'Orange, Fleur et Blanchefleur, les légendes d'Arthur, Titurel, Tristan et Iseult, Lohengrin, Lancelot, etc.

Cette poésie nouvelle, la poésie chevaleresque, après avoir brillé d'un viféclat pendant deux siècles, disparaît à son tour. Au XVIIe siècle, elle était depuis longtemps morte et oubliée. Depuis longtemps le peuple ne lisait plus les vieilles légendes poétiques dans lesquelles se perdait son histoire, et le poème du Saint-Graal, comme celui des Nibelungen, lui étaient devenus complètement étrangers.

Cependant si, au XVIIe siècle, la forme poétique de ces légendes n'avait plus d'attraits pour les esprits violemment remués par les idées de la Réforme, le fond même avait conservé quelque chose de son prestige. Le peuple aime toujours les récits d'aventures extraordinaires. La forme devait changer selon le progrès des mœurs et des idées, mais la nature même de ces récits devait toujours captiver l'imagination. Aussi l'épopée chevaleresque ne disparut point du domaine de la fiction littéraire ; seulement elle revêtit une forme plus large et plus commode. Rééditée en prose, elle devint le roman de chevalerie, dégradation de l'épopée.

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Toutefois cette transformation ne s'opéra point sur le sol de l'Allemagne; le roman de chevalerie, qui aurait dû sortir spontanément de l'épopée chevaleresque, n'est pas un produit allemand. Le roman, pris dans le sens large et historique du mot, c'est-à-dire, le récit en prose des amours et des aventures de personnages historiques ou imaginaires, est absolument étranger à l'Allemagne. Si, au XVII siècle, il commence à apparaître, c'est l'influence étrangère qui en provoque l'avénement.

Ce genre, qui a pris naissance et s'est développé chez les peuples d'origine latine, comme son nom l'indique, n'apparaît en Allemagne qu'à la fin du XVI siècle, et il y apparaît comme un étranger, qui gardera longtemps son caractère exotique et revêtira difficilement le costume national de son pays d'adoption. Pas plus que les autres genres littéraires au XVII siècle, le récit en prose ne s'est développé dans le sens du caractère national. Nous avons vu comment les poètes de l'école de Silésie ont à dessein abandonné les sources antiques, comment ils ont négligé de renouer la tradition perdue et ont préféré introduire dans la poésie la nouveauté des idées et de la forme. Imitant l'antiquité classique et les littératures voisines, ils ont porté le dernier coup à la poésie nationale qui se mourait. Pour la fiction en prose, on suivit la même voie, celle de l'imitation. Il y avait une tradition. Mais les classes lettrées n'avaient que faire des contes populaires d'Eulenspiegel et du docteur Faust, ni même des romans bourgeois de Wickram. Il leur fallait, à côté de la poésie savante, le roman savant, à grands personnages, plein d'intrigues et d'aventures, tel que le composaient en France La Calprenède et Scudéry.

Comme le sol littéraire de l'Allemagne, rendu stérile par l'action desséchante du pédantisme et du formalisme vide, resta quelque temps sans produire, même une œuvre d'imitation, il fallut satisfaire la curiosité du monde avide de lecture au moyen de traductions. On se tourna donc vers l'étranger, vers la France surtout, et l'on fit appel aux héros de ses romans de chevalerie.

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