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par conséquent exercer son talent dans le genre qui seul plaisait à cette classe de précieux et de précieuses, qui dévoraient sans sourciller les longs et ennuyeux romans de Buchholtz. Il ne pouvait guère offrir son Simplicissimus à la noble demoiselle de Fleckenstein. Grimmelshausen a écrit pour tout le monde ses romans héroïques pour les grands et les lettrés, Simplicissimus et les romans Simpliciens pour le peuple.

CHAPITRE XII

Grimmelshausen.

Nous avons à dessein réservé pour la fin le chapitre consacré à la personnalité de Grimmelshausen. Nous ne pouvons, en effet, nous faire une idée à peu près juste de son caractère et de sa vie que par la lecture de ses œuvres. C'est un de ces hommes qui ont trop peu conscience de leur mérite littéraire pour se complaire dans une confession biographique, ou mème pour jeter dans leurs écrits des allusions évidemment destinées à aider la critique dans ses curieuses investigations. Grimmelshausen ne se livre pas. Il nous faut le deviner en grande partie. S'il n'avait tenu qu'à lui, nous ne saurions même pas son vrai nom, qu'il a cherché à dérober à la curiosité des contemporains en se cachant derrière des pseudonymes sans cesse transformés.

Son nom. Et de fait, l'auteur de Simplicissimus est resté longtemps inconnu. Il avait publié le livre sous le pseudonyme de German Schleifheim von Sulsfort. Pourquoi cet homme, qui avait mis si peu de mystère dans ses récits, qui était resté si complètement étranger à la manie des romanciers du temps de tout envelopper sous le voile de l'allégorie et des mystérieuses allusions, a-t-il cru devoir dérober son nom à ses lecteurs? Sans doute parce que son livre relatait des événements récents et mettait en scène quelques-uns des personnages qui avaient joué un rôle dans le terrible drame de la guerre allemande. Craignait-il que la franchise avec laquelle il exposait les faits, sans égards et sans ménagements, ne lui attirât quelque désagrément et ne compromît le repos de ses derniers jours? La raison principale, croyons

nous, c'est que ce livre était présenté comme une biographie de son auteur, ou du moins il ne pouvait guère manquer d'être considéré comme tel. L'identité de l'auteur avec le héros du roman était trop apparente pour que l'on s'y méprît; et Grimmelshausen ne voulait pas emporter dans sa vie bourgeoise, calme et paisible, la responsabilité de cette ressemblance, qui aurait pu entacher son honorabilité et paraître peu compatible avec la gravité de ses fonctions.

Dans les autres ouvrages qui suivirent le Simplicissimus et qui le complètent, l'auteur se dérobe, par toutes sortes d'artifices anagrammatiques, à la curiosité publique excitée par la publication de ce singulier roman. Il cherche sans cesse à dérouter par ses indications ceux qui pourraient être sur la piste. Dans la conclusion du livre, il apprend au lecteur que le Simplicissimus a été composé par Samuel Greifenson von Hirschfeld, nom qui était déjà connu par deux écrits précédents, le Pèlerin satirique et le Chaste Joseph. Il a trouvé, dit-il, le manuscrit dans les papiers de l'auteur désigné, lequel déclare, dans le Pèlerin satirique, qu'il a écrit le Simplicissimus dans sa jeunesse, alors qu'il était encore mousquetaire. Tout ce que l'on était en droit de conclure alors, c'est que German Schleitheim von Sulsfort publiait une histoire dont l'auteur s'appelait Samuel Greifenson von Hirschfeld, le même qui avait écrit le Pèlerin satirique, et que le manuscrit de Simplicissimus faisait partie de sa succession.

Le véritable nom de l'auteur paraissait donc devoir rester inconnu, d'autant plus que le public auquel ce livre était destiné s'occupe généralement fort peu des questions de personnes, et que ce genre littéraire, nouveau alors et depuis oublié, paraissait au monde savant de ce temps-là peu digne d'intérêt : il ne valait point la peine d'en rechercher l'auteur. Et de fait il est resté ignoré jusqu'à ces derniers temps.

La critique littéraire cependant, plus éclairée, plus curieuse et plus équitable, ne pouvait laisser sans la résoudre une ques

tion d'un si haut intérêt. D'abord, réparant un oubli séculaire, elle reconnut l'importance et la valeur littéraire de l'œuvre, et la remit à sa véritable place. Puis elle dut naturellement chercher à découvrir l'auteur et son vrai nom (1). Deux écrits, qui n'appartiennent pas, il est vrai, à la famille de Simplicissimus, portent le nom de Grimmelshausen. Ce sont: Dietwald et Amelinde et Proximus et Limpida. Le premier a pour auteur avoué H. J. Ch. von Grimmelshausen, qui signe également de ce nom la dédicace du livre à un sieur de Schaumburg, maître de la cavalerie souabe en 1685. Le second parut sous ce même nom, et l'auteur, à la fin de la dédicace, ajoute même le nom de la ville où il était alors, Renichen. (Voy. plus haut, p. 249.) Il est vrai que l'auteur n'avait ici aucune raison de se cacher derrière un pseudonyme: il était tout-à-fait dans le ton des romans héroïques, délices des lecteurs délicats; ces deux livres étaient très-édifiants, rehaussés d'un peu d'érudition et de beaucoup de piété. L'anonymat eût même été une injure pour le personnage auquel ils étaient dédiés. Un troisième ouvrage, le Zweiköpfige Ratio Status, n'était pas non plus très-compromettant pour son auteur et pouvait sans inconvénient paraître sans voile.

Mais rien ne prouvait que l'auteur de ces trois ouvrages fût aussi l'auteur de Simplicissimus. Cependant si le voile n'a pas été déchiré plus tôt, ce n'est point la faute d'un ami de l'auteur, poète médiocre, qui l'avait dénoncé au public dans le sonnet suivant, ajouté à la préface de Dietwald et Amelinde :

« Der Grimmelshausen mag sich, wie auch bey den Alten

der alt Protheus thät, in mancherley Gestalten

« verändern, wie er will, von schlecht-von hohen Sachen,

« von Schimpff und Ernst, von Schwäncken, die zu lachen machen,

(1) Cf. les notices de Tittmann et de Kurz en tête de leurs éditions, auxquelles j'emprunte ces indications sommaires.

vom Simplicissimo, der Meuder und dem Knan,

a von der Courage alt, von Weiber oder Mann,

<< vom Frieden oder krieg, von Bauren und Soldaten,

« von Aenderung eins Staates, von Lieb, von Heldenthaten,
« So blickt doch klar herfür, dass Er nur Fleiss ankehr,
« wie Er mit Lust und Nutz den Weg zur Tugend lehr. »

L'accusation, comme on voit, cst cat'gorique: Grimmelshausen a beau se métamorphoser: le Protée littéraire est dénoncé comme l'auteur de Simplicissimus et de Courage. Cet indiscret devait être avec lui en relation d'amitié assez intime. Toutefois, l'auteur n'ayant pas avoué la paternité des ouvrages qu'on lui attribuait, ce prétendu sonnet fut considéré comme une insinuation hasardée à laquelle on n'accorda aucune attention. L'auteur d'une autre poésie consacrée à l'éloge de Grimmelshausen et de ses œuvres, pousse l'indiscrétion encore plus loin et lui attribue la paternité, non-seulement de Simplicissimus et de Courage, mais encore de Springinsfeld et du Calendrier.

Malgré cela, l'auteur de Simplicissimus restait toujours pour le public Samuel Greifenson von Hirschfeld. Cependant, si l'on s'était donné la peine de disséquer les différents pseudonymes, on aurait reconnu sans difficulté que ce ne sont que des anagrammes, complets ou incomplets, du véritable nom : « Hans Christoffel von Grimmelshausen. » Ces noms sont les sui

vants:

German Schleifheim von Sulsfort ou: Samuel Greifenson von Hirschfeld, auteur de Simplicissimus, du Pèlerin satirique et de Joseph;

Signeur Messmahl, auteur du Teutscher Michel;

Philarchus Grossus von Trommenheim, auteur de Courage et Springinsfeld;

Michael Rechulin von Sehmsdorff, auteur du Vogelnesı, Ire partie.

Ac eee f g hh ii 11 mm nn oo rr sss t uu, Vogelnest, 2 partie;

auteur du

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