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resque à la poursuite d'un idéal, de grandes et belles actions à accomplir, de superbes coups de lance, de nobles dames à déli– vrer; c'est l'aventurier bourgeois, populaire, mécontent de son sort, cherchant fortune, s'élançant, au petit bonheur, à la poursuite d'une grande richesse ou d'une haute position. L'égoïsme a remplacé le dévouement chevaleresque. Le fils de paysan n'a pas assez, le fils de bourgeois lettré ne sait pas assez. Au lieu de grandir silencieusement sur le coin de terre qui l'a vu naître, il veut voir ce qu'il y a au-delà, explorer à son profit le vaste monde. Le noble, ruiné, dégradé par la paresse et la débauche, déconsidéré, trouve là un moyen de se dérober aux investigations indiscrètes et malveillantes des classes inférieures, de se refaire une fortune et de redorer son blason. S'il ne réussit point à reconquérir la dignité de son rang social, il pourra du moins, dans un monde inconnu, descendre sans honte et tomber, sans se compromettre, jusqu'au dernier degré de la dépravation. En désespoir de cause, il deviendra, lui aussi, un Lazarillo ou un Guzman.

L'aventurier est partout; il se cache même sous les plus grands personnages de l'histoire. N'est-ce pas, en dernière analyse, l'esprit d'aventures qui est l'âme des Mansfeld et des Wallenstein? Pour eux comme pour leurs mercenaires la guerre n'est qu'un jeu, une aventure; l'enjeu de la partie engagée est une haute et brillante fortune; ou bien l'entreprise aboutit à une catastrophe. La guerre de Trente ans est une guerre d'aventuriers les grands commandent, et les petits suivent leur fortune.

Si cette insatiable passion de la nouveauté est plus répandue en Allemagne au XVIIe siècle, elle avait déjà ses représentants, au XVI, dans ces vagabonds légendaires ou réels, dans ces bouffons populaires qui sont la contre-partie et la caricature des héros de la littérature chevaleresque. Eulenspiegel était un disciple aventureux de l'expérience, qui s'accommodait, selon les circonstances, de tous les états, mais sans jamais sortir des rangs

inférieurs. C'est le plébéien aventurier, qui traverse la vie en se jouant, et retourne contre les sages et les habiles de ce monde. leur sagesse et leurs principes. Seulement, au XVIIe siècle, et c'est ce qui le distingue du siècle précédent, cette passion de l'aventure est commune à toutes les classes, et les hommes les plus élevés se confondent en cela avec les infimes. Aussi (rimmelshausen n'avait qu'à jeter les yeux autour de lui sur les hommes et les mœurs de son temps, pour trouver les éléments d'un roman national qui serait le pendant des deux célèbres romans espagnols.

D'une part donc les romans espagnols, Guzman et Lazarillo, que Grimmelshausen connaissait, d'autre part l'état de la société et des mœurs allemandes au XVIIe siècle, tels sont les deux facteurs dont il faut tenir compte pour apprécier exactement le Simplicissimus, « LE PREMIER ROMAN NATIONAL ALLEMAND, » dit Wolf avec raison (1). Il est d'origine étrangère, mais admirablement naturalisé. C'est le dernier rejeton d'une famille espagnole très étendue. Alors que sa race dans son pays natal commençait à perdre de sa considération, il a émigré. L'émigré a fait fortune sur le sol allemand, où il est devenu à son tour le père d'une riche et nombreuse famille.

(1) Wolf, Allgemeine Geschichte des Romans, p. 178.

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Comme dans la plupart des romans picaresques et des romans d'aventures, le héros raconte lui-même l'histoire de sa vie.

Le Spessart.-Il entre en scène comme fils d'un pauvre paysan du Spessart. Il raconte comment il a été élevé par ses parents, son Knän et sa Meuder (1), dans l'ignorance la plus complète de toute chose, absolument comme une petite bête. « Dans ma dixième année, dit-il, j'avais déjà appris tous les principes des nobles exercices auxquels se livrait mon Knän. Mais pour ce qui est des études, je pouvais aller de pair avec le fameux Amphistides, dont Suidas rapporte qu'il ne savait pas compter plus loin que cinq..... Pour ce qui est de la théologie, je soutiens qu'il n'y avait pas alors dans toute la chrétienté un enfant de mon âge qui pût m'être comparé. Je ne connaissais ni Dieu, ni hommes, ni ciel, ni enfer, ni anges, ni diables, et je ne savais point distinguer le bien du mal. On peut aisément se figurer qu'avec cette théologie je vivais comme nos premiers parents dans le paradis terrestre..... Oui, j'étais d'une ignorance si parfaite qu'il m'était mème impossible de savoir que je ne savais rien. »

Ce coin retiré de l'Allemagne, le Spessart, était resté jusquelà à l'abri des incursions militaires et des ravages de la guerre

(1) Knän et Meuder, deux mots du dialecte du Spessart, pour Vater et Mutter.

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de Trente ans. C'est une contrée montagneuse et boisée où les loups se disent le bonsoir », dit Simplex, arrosée à l'Est, au Sud et au Nord par le Mein, se rattachant du côté du Nord au Rhængebirge. Simplex entra sur la scène du monde vers la fin de la période suédoise de la guerre de Trente aus, peu après la bataille de Nordlingen. Jusque-là les paysans perdus dans ce désert de forêts avaient été épargnés et n'avaient rien su de la guerre. Mais un jour que Simplex gardait les moutons de son Knän, il voit venir une troupe de soldats. La maison est mise au pillage et brûlée, et ses parents sont maltraités. Ici se place la description d'une de ces scènes horribles, si fréquentes, hélas! pendant cette funeste guerre. Grimmelshausen nous fait un tableau des mœurs des soldats et des révoltants excès de brutalité auxquels ils se livraient. Simplex raconte la chose avec l'indifférence d'un enfant ignorant et presque stupide.

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L'ermitage. Epouvanté, il s'enfuit dans la forêt, sans savoir où diriger ses pas. Egaré au milieu du bois, il entend une voix vers laquelle il se dirige. C'était la voix d'un ermite. Simplex, qui jamais n'avait vu d'autre homme que son Knän, le prend pour le loup, dont celui-ci lui avait souvent parlé, et tombe évanoui. L'ermite l'accueille avec bonté, et, voyant son ignorance profonde, essaie de l'instruire, lui apprend à lire, lui donne les notions élémentaires sur Dieu et la religion chrétienne. Mais l'ermite hospitalier meurt avant d'avoir pu compléter l'éducation de son fils adoptif, et Simplex est de nouveau rejeté dans la solitude et le dénûment.

Ce pauvre enfant (il avait à peine quatorze ans) fait connaissance avec les hommes dans de pénibles circonstances. Sa solitude est troublée de nouveau par des scènes de pillage et de meurtre. Le village du pasteur où son ermite le menait aux offices religieux est brûlé, son ermitage dévasté.

Simplex à Hanau.- Simplicius s'enfuit au hasard et arrive aux avant-postes de Hanau. On le prend pour un espion. Il est con

duit au commandant de la place, qui l'examine sévèrement et le fait mettre en prison. Mais le pasteur de son ermite, qui était à Hanau, le reconnaît et le fait délivrer. Il se trouve que le commandant est le beau-frère de l'ermite. Celui-ci, après la bataille de Höchst, avait perdu sa femme, et depuis s'était retiré du monde. En souvenir de son beau-frère, le gouverneur de Hanau traite fort bien Simplicius; il en fait même son page.

Mais sa nature à demi bestiale, sa naïveté et sa complète ignorance du monde et des hommes font de lui un être élrange et incompris. Lui, de son côté, tombe d'étonnements en étonnements, au milieu de cette espèce de cour militaire, de ce monde corrompu et mal élevé; et il raconte ses surprises avec une naïveté humoristique. A cette corruption il oppose tantôt sa bêtise, tantôt sa finesse et son bon sens naturel. Il joue plus d'un tour à la fois plaisant et ridicule au maître et à ses hôtes. Ce sont de véritables espiègleries dans le sens historique et étymologique du mot. Cette simplicité mêlée de malice lui attire de vilains désagréments.

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Simplex fou (Narr.) Son maître conçoit l'idée bizarre de faire de Simplex son fou! Pour achever l'œuvre qu'il croyait commencée par la nature et lui faire perdre complètement la raison, il le soumet à un traitement violent, en lui faisant jouer par ses valets des tours fantasmagoriques. N'est-il pas désolant pour l'humanité qu'on ait pu concevoir cette idée atroce de tuer la raison chez un être innocent pour s'amuser ensuite de sa folie? Et pourtant ces meurtres intellectuels étaient fréquents, ces hideuses pratiques très répandues encore au XVIII siècle. Mais grâce aux conseils du pasteur devenu son Mentor, Simplex résiste à cette criminelle tentative et conserve sa raison. Il laisse croire toutefois au commandant et à son entourage qu'il a réelìement perdu l'esprit. Il revêt le costume de bouffon; mais il profite de ses fonctions pour dire au commandant et aux autres de dures vérités, et cela avec une franchise d'autant plus grande qu'il est assuré de l'impunité.

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