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de sa théologie mystique. Mais surtout quand mourut ce grand homme, tout chargé de l'admiration et de l'ingratitude de ses contemporains, il voulut être enseveli avec l'habit du tiers ordre et dans l'église de Saint-François. Durant les orages de sa vie, il avait beaucoup péché ; mais il pensa chrétiennement que le jugement de Dieu lui serait plus doux, s'il s'y présentait sous les livrées de l'humilité, et que la foudre, qui n'épargne pas les lauriers du poëte, respecterait le vêtement du pauvre.

A.-F. OZANAM.

SALON DE 1850-1851.

Peut-être va-t-on nous accuser d'humeur noire et de pessimisme; mais, à la vue de ce qui se passe en France dans le domaine des arts, nous ne pouvons nous défendre d'un profond découragement. Et ce qui accroît notre tristesse (pourquoi ne l'avouerions-nous pas ?), c'est que la situation actuelle de la politique et de la littérature ne paraît pas moins sombre aux hommes d'État et aux écrivains. Partout se montrent les symptômes, si ce n'est les effets, d'une décadence que rien ne peut arrêter. Faut-il dire aussi de la France? La France s'en va; et l'existence de notre pays serait-elle sur le point de se mesurer, non plus par siècles, mais par années?

Un des caractères les plus graves de cette situation, c'est, on l'a dit ailleurs, que ceux même qui en voudraient sortir y sont comme retenus par je ne sais quel involontaire attrait. Ou si, arrachant leur cœur du milieu des affections déréglées de leur temps, ils font un suprême effort pour remonter vers les saines doctrines, ils tournent en effet le dos à l'abîme; mais c'est presque la seule différence qu'il y ait entre eux et ceux dont ils se séparent; les uns et les autres, emportés par la même pente, sont destinés à la même chute.

Cependant l'œuvre de destruction se poursuit. Les chefs d'école ont été dépassés et, pour nous renfermer dans le sujet de cet article, à M. Eug. Delacroix a succédé M. Couture, à M. Couture M. Courbet, à celui-ci peut-être succédera M. Jean-François Millet. D'abord la passion et la couleur, dégagées de tout frein, nous voulons dire de la suprématie du dessin et du style; puis la sensualité brutale, puis le réalisme systématique, puis le chaos.

Descendrons-nous maintenant dans les genres secondaires? Nous y trouverons les mêmes aberrations. Le sentiment, en d'autres termes, ce qu'il y a au monde de plus individuel et de plus fugitif, substitué à l'observation, l'accident à la règle, et, presque toujours, une désespérante

mollesse de touche ou, du moins, une absence totale de modelé, sous prétexte de légèreté et de vaguesse. En ce peu de lignes, nous venons de caractériser les travaux de MM. Eug. Isabey, Diaz, Théod. Rousseau, Troyon, Daubigny, Ad. Leleux, Longuet, Hédouin et Fromentin. Non que nous n'établissions entre eux aucune différence et que nous les frappions tous du même blâme. De M. Diaz et même de M. Ad. Leleux, que restera-t-il dans une cinquantaine d'années? A peine un souvenir. De M. Eug. Isabey, au contraire, malgré sa touche de pure convention et ses abus de palette, il restera peut-être une vingtaine de charmants tableaux. M. Troyon, aussi, fera valoir, non sans espérance de succès, la vérité de son coloris et la justesse de ses effets. M. Théod. Rousseau même pourrait survivre à la débâcle finale qui emportera la plupart de nos coloristes actuels; mais dans quel profond et impitoyable oubli il lui faudrait d'abord plonger tout son passé! De même il serait encore temps pour M. Daubigny de revenir sur ses pas et de quitter l'école cotonneuse où il s'est jeté depuis deux ou trois ans. Mais cette école, toute molle qu'elle est dans ses procédés matériels, est bien impérieuse dans ses doctrines, et les jeunes critiques sur lesquels elle s'appuie sont tous bien violents et bien absolus.

On s'étonnera peut-être de ne pas nous voir joindre, aux noms qui précèdent, celui de M. Corot. Le style empreint dans ses paysages et une certaine fleur poétique dont ils sont parfumés, voilà notre excuse.

Au nombre des portraitistes à ranger parmi les coloristes furieux, se présente M. Marcel Verdier. M. Chaplin, par ses petits tableaux et par son portrait de madame P..., appartient à la classe des peintres cotonneux. Il a tenté une route plus ferme dans son portrait de madame F...; mais il ne nous paraît guère y avoir obtenu que des carnations blafardes. Avant d'en finir avec les coloristes purs, il est bon de parler des imitateurs que Rembrandt et Rubens comptent dans les galeries du PalaisNational. Nous ne trouvons guère à citer que les noms de MM. Ricard et Fernand Boissard. Malgré le défaut d'originalité qui se remarque dans les huit portraits de M. Ricard, on ne peut contester qu'ils ne témoignent d'un vif sentiment de ressemblance et d'un bon maniement de pinceau, Nous n'en pourrons dire davantage tant que l'auteur ne nous aura pas offert des productions plus personnelles.

Voyons maintenant ce que sont devenus les soutiens de l'école rivale, nous voulons dire les élèves et les imitateurs de M. Ingres. Le défaut de cette école (et c'est en cela que, jusqu'à un certain point, elle peut être

accusée, comme les coloristes, de sensualisme ou du moins de naturalisme), c'est de se préoccuper surtout de la forme et, erreur plus grave, de l'envisager au point de vue individuel, sans la soumettre ensuite au contrôle supérieur du point de vue scientifique. De là, dans les ouvrages qu'elle produit, une certaine ostentation de rendu, mêlée à des incorrections choquantes dont la cause remonte à l'ignorance du dessous et de l'ensemble. De là aussi l'espèce d'indifférence qu'elle montre dans le choix du sujet et les écarts blâmables où cette indifférence la jette. Nous avons entendu des artistes s'étonner que M. Chasseriaux eût déserté l'école de M. Ingres pour M. Delacroix. Cette désertion nous a médiocrement surpris et, apparence pour apparence, une brillante surface devait plus agréer à une jeune imagination qu'une surface terne et opaque d'où se dégageaient, avec une exactitude affectée, un modelé sans largeur et des contours trop également ressentis.

M. Hipp. Flandrin est, jusqu'à présent, l'élève qui fait le plus d'honneur à M. Ingres. Il donne aussi un peu trop à l'extérieur; mais il a un bon sentiment de l'ensemble, il compose avec soin, il a de l'élévation et de l'élégance; et, sans être un coloriste, il a du moins la notion de l'harmonie. Son portrait de MM. D... est un des plus remarquables tableaux du Salon. Son frère, M. Paul Flandrin, a fait une tentative sérieuse pour améliorer sa couleur. De cendrée qu'elle était, elle est devenue briquetée. La solution que l'artiste cherchait n'est donc pas encore atteinte. Il est même tombé dans certaines crudités blessantes. Cependant, il est deux de ses paysages (Dans les bois et le Berger) qui nous ont paru dignes de très-vifs éloges.

Moins étendu que le talent de M, Hipp. Flandrin, celui de M. AmauryDuval est peut-être plus délicat et plus intime. Mais quel étrange coloris et parfois quelle singularité de lignes! Son portrait historié de madame Eugénie Guyon n'est qu'une reproduction en grand d'un médaillon qu'il avait exécuté pour la manufacture de Sèvres.

Parmi les portraits que M. H. Lehmann a exposés, nous avons surtout remarqué trois petits portraits dont l'un, particulièrement, est tout à fait hors de ligne. Il représente une dame âgée. Les autres, même celui qui porte le nom d'étude, nous ont paru de vrais tableaux de nature morte. Quant aux trois compositions historiques de M. Lehmann, nous avouons, à notre grand regret, n'y avoir rien compris. M. Lehmann aurait-il décidément perdu le sentiment de la peinture religieuse et le goût de la belle simplicité?

Au nombre des élèves de M. Ingres, il faut citer encore M. Jeanmot de Lyon, qui a exposé, cette année, deux portraits dont l'un, du général Gémeau, est en pied. Il importe de faire observer que M. Jeannot, avant d'entrer dans l'école de M. Ingres, avait reçu les excellentes leçons d'un maître beaucoup moins connu, mais pour qui, déjà, la postérité commence, nous voulons dire de Victor Orsel. Le noble peintre des Litanies de la Vierge compte encore deux autres élèves au Salon de cette année, M. Faivre-Duffer et M. Tyr. Le premier a exposé neuf portraits et une touchante et suave tête d'étude du Christ. Ses portraits, dessinés avec soin mais sans pédantisme, se recommandent par une simplicité pleine de grâce et par une rare vérité d'attitude. Les étoffes y sont bien peintes ; mais elles laissent aux carnations la suprématie qui leur est due. M. Tyr a exposé un Christ enfant, une tête de Christ mort (non cataloguée) et un portrait. Revêtu d'une tunique blanche et d'un manteau bleu clair, le Christ enfant est représenté de face. Il tient les saintes lettres dans sa main gauche et, de sa main droite, il fait un geste de bénédiction. Ce tableau, exécuté d'un pinceau chaste et savant, n'est pas indigne du maître dont les enseignements l'ont inspiré.

Avant de passer à l'examen des peintres éclectiques, épuisons la liste des peintres de style et arrêtons-nous devant le paysage de M. Aligny et devant les trois tableaux de M. Gérôme. D'une belle et grande exécution, le paysage de M. Aligny pourrait se nommer l'aridité plutôt que la solitude. L'artiste aurait dû, en outre, rompre davantage ce ton uniformément rougeâtre qu'il a répandu sur toutes les parties de sa toile. Il y a aussi de la monotonie et de l'uniformité dans les paysages de M. Desgoffe; mais il fait oublier ce défaut par la noble simplicité dont ils les empreint.

Élève de M. Delaroche, M. Gérôme semble avoir voulu raffiner sur M. Ingres, et il est arrivé à une sécheresse de contours, à une bizarrerie de lignes et d'attitudes, à une opacité de ton, à une absence de sentiment qu'on ne saurait trop blâmer. Ce sont les tableaux de ce genre qui provoquent les extravagances contraires des coloristes. Et puis les beaux sujets de composition! Un lupanar grec et Bacchus et l'Amour ivres! Êtes-vous donc si sûr de votre goût et de votre main que vous ne craigniez point de les gâter au contact de pareilles scènes? Cet abus du corps de la femme, cette grossière apothéose du sensualisme, tel est le lien qui unit depuis quelque temps les coloristes et les dessinateurs. Élève aussi de M. Delaroche, M. Gendron aime à représenter des femmes qui s'en

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