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n'avait pas été libre; mais que la peine était légale et applicable, suivant les principes de l'Église, qui faisait profession de soumettre également tous les chrétiens à ses décrets, et qui, dans le cas particulier, poursuivait dans la personne de l'empereur l'infracteur des constitutions qu'il avait faites et le violateur des serments qu'il avait prêtés'.

Lorsque les pénitents avaient passé par toutes les épreuves prescrites par les canons, les canons, ils étaient absous le jeudi saint, et réconciliés avec l'Église par l'évêque, à qui seul appartenait de régler tout ce qui concernait la pénitence publique2. Cette institution, dont le principe était juste et vrai, et le but moral et saint, agissait avec force sur l'imagination des peuples. Cette longue file de pécheurs qui venaient sous le cilice et la cendre crier miséricorde devant les fidèles, et qui mettaient sept ans et plus pour arriver de la porte du temple jusqu'au pied de l'autel, faisait vivement sentir à tous le prix de la jouissance des droits religieux et le malheur d'en être privé; chacun, témoin des austérités que les coupables enduraient également, soit qu'ils fussent de la condition la plus élevée ou de la plus humble3, restait frappé de la puissance de l'Église et saisi de crainte pour ses

arrêts.

Excommunication.

8. Quant à l'excommunication, je n'en dirai qu'un mot. Celui que l'évêque excommuniait régulièrement tombait aussitôt dans la disgrâce du prince; l'accès du palais lui était interdit, et, dans certains cas, sa succession était déclarée ou

1 On doit convenir que plusieurs des griefs reprochés par ses juges à ce prince avaient un fondement réel, ainsi que le démontrent la confession qu'il fit publiquement de ses fautes à l'assemblée d'Attigny (Astron., Vita Ludov. P., c. xxxv; dans Bouq., t. VI, p. 104 c; et Eginh., An

nales, a. 822; ibid., p. 181 d-182 a) et l'acte même de sa déposition, dit exauctoratio (ibid., p. 243-246).

Voy. Grancol., Les anc. liturg., t. III, p. 483-6.

8 Capitul. V, 138, dans Bal., t. I, col. 851.

verte'. Enfin, dans les grandes calamités, ou lorsque les églises étaient menacées soit dans leurs ministres, soit dans leurs biens, soit dans leurs priviléges, les prêtres avaient recours aux imprécations publiques; les temples étaient tendus de noir, des fagots d'épines en obstruaient les portes, les images des saints et les reliques étaient déposées à terre, l'office divin restait interrompu, et les populations émues, alarmées, intervenaient pour sauver leur culte et leurs plus chères institutions.

Les églises ouvertes aux usages profanes. Acclamations.

9. Nous venons d'examiner comment le peuple était attiré dans l'église et vers les ministres de la religion par les cérémonies du culte ; en le voyant maintenant se porter de lui-même dans les temples pour d'autres motifs que ceux de la piété, et souvent y pratiquer autre chose que des actes de dévotion, nous aurons occasion de reconnaître comment les institutions ecclésiastiques, non moins que le culte, contribuaient à la popularité du clergé.

De même que le peuple excédait par ses croyances la foi qui lui était demandée, de même il excédait par ses actes, dans les temples, les pratiques consacrées à la religion; là, comme ailleurs, il faisait plus qu'on n'exigeait de lui, et allait plus loin qu'on n'aurait voulu. Mais souvent l'Église se prêtait complaisamment aux penchants, aux mœurs, à l'esprit, aux besoins des populations, et savait se départir à propos en leur faveur de son austérité et même de sa gravité. Les choses profanes pénétraient dans les choses saintes, et les passions du monde dans le calme de la religion. Ainsi les acclamations avaient passé du théâtre dans la maison du Seigneur, et l'on applaudissait de la voix, des mains, des pieds et de la manière la plus bruyante les prédicateurs dans

1

Voy. Decretio Childeb. reg., art. 2; Bal., t. I, col. 17.

2

Voy. Mart., De antiq. eccl. ritib., III, 3, t. II, col. 896-903.

la chaire, comme on avait applaudi jadis les acteurs sur la scène'. Souvent le soin des affaires publiques venait interrompre les offices sacrés. Le roi Sigebert reçoit à la messe, le jour de Pâques, un messager qui lui dit : « Il t'est né un fils, » et, par hasard, dans le même moment, le diacre proférait les mêmes mots en lisant l'évangile du jour. Aussitôt le peuple s'écrie, et mêle par ses acclamations les joies du siècle à celles de la religion2. Une autre fois, c'est le roi Gontran qui prend la parole après la lecture de l'évangile, à la messe solennelle d'un dimanche, pour adjurer les assistants de lui rester fidèles, et de ne pas attenter à sa vie3. C'est la reine Frédégonde qui, recevant un message dans une église de Paris, y fait dépouiller le messager de ses armes et de ses vêtements, et le chasse de sa présence'.

Les prêtres eux-mêmes donnaient lieu, dans les temples, à des scènes qui seraient regardées aujourd'hui comme des profanations. Le prêtre Caton voulant enlever l'épiscopat à Cautin, évêque de Clermont, fit crier dans l'église par une femme contrefaisant l'énergumène, que le prêtre Caton était un grand saint, et que l'évêque Cautin n'était qu'un misérable, couvert de crimes indigne du siége épiscopal3.

Les églises tenaient lieu d'hôtels de ville et de théâtres.

10. Les ventes, les donations et tous les actes publics ou privés des citoyens étaient passés et mis en écrit dans les églises. C'était au coin de l'autel que les affranchissements étaient célébrés; de manière que le serf, après avoir trouvé dans le temple

1 Saint Jean Chrysostome, saint Cyrille d'Alexandrie, saint Augustin, etc., étaient applaudis dans les églises par leurs auditeurs. Voy. Ferrarius, De veterum acclamationib. et plausu. Le livre V est entièrement consacré aux acclamations ecclésiastiques. Voy. aussi Jean-Nic. Funck (Funccius), De veterum acclamationibus et plausu,

in-4°, 1755; et particulièrement H. Gottl.
Richterus, De veteri orationibus sacris ap-
plaudendi more, 1744.

Voy. Grég. de Tours, VIII, 4.
3 Id., VII, 8.
Id., VII, 15.
" Id., IV, 11.

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un asile contre l'emportement de son maître, venait encore y recevoir le bienfait de la liberté. Les églises servaient d'archives publiques. On en faisait aussi, surtout dans les campagnes, la grange ou le grenier du village: Théodulf, évêque d'Orléans, défend d'y serrer les foins et les blés'. La même défense fut répétée bien longtemps après par le quatrième concile de Milan 2.

On allait donc au temple non-seulement pour les offices, mais pour ses affaires. Un maître s'y rendait pour réclamer son esclave qui s'y était réfugié ; les prêtres lui faisaient jurer qu'il ne le maltraiterait pas, et son esclave lui était remis; mais le maître était souvent parjure et l'esclave puni cruellement3.

Voulait-on se purger d'une accusation, on allait à l'église avec ses cojurateurs, et l'on y prononçait, sur l'autel, le serment d'usage*. Les ordalies, ou épreuves judiciaires, étaient accompagnées de cérémonies religieuses, et l'église devenait ainsi une espèce de tribunal ou de champ clos. C'était souvent une arène de querelles et de combats. On y entrait en armes, on s'y battait, on s'y égorgeait, on s'y livrait à toutes sortes d'emportements et d'attentats. Ce fut à l'autel que l'évêque Prétextat fut égorgé par l'ordre de Frédégonde"; et le grand nombre de dispositions que les capitulaires contiennent contre ceux qui commettent des meurtres dans les églises, atteste suffisamment la fréquence de

ces meurtres.

On allait encore à l'église pour y consulter les sorts dans les livres saints'; on y allait pour recouvrer la santé. Les malades et

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les infirmes s'y faisaient transporter et souvent y restaient plusieurs mois, livrés à diverses sortes de pratiques dont ils attendaient leur guérison'; ils y passaient même les nuits. Qui ne sait le concours des fidèles aux tombeaux des saints, et leur empressement à se prosterner devant tous les nouveaux objets qu'on exposait à leur vénération. Quelqu'un annonçait-il avoir apporté ou découvert de nouvelles reliques, aussitôt les habitants du pays, et même ceux des lieux éloignés, se pressaient à l'envi pour être les premiers à profiter de la vertu miraculeuse du saint qui n'avait pas encore servi. La crédulité provoquait la fraude, et souvent il se trouvait des gens qui feignaient d'éprouver des effets surnaturels par l'influence de ces restes vénérés.

Amulon, archevêque de Lyon, reprochait, en 854, à des marchands de reliques, et même à des ecclésiastiques, d'avoir recours à ces impostures par esprit de cupidité. C'est pourquoi, dans son désir d'éclairer les fidèles, il leur conseillait de rester dans leurs paroisses et de s'en tenir à leurs églises, aux lieux où ils avaient été baptisés, où ils entendaient la messe, où ils recevaient de leurs curés la pénitence de leurs fautes, des secours dans leurs maladies, et la sépulture à leur mort; aux lieux enfin où la parole de Dieu leur était annoncée, et où ils apprenaient ce qu'ils devaient faire et ce qu'ils devaient éviter; plutôt que d'aller sans nécessité loin de chez eux, et de courir comme des insensés après des reliques inconnues ou suspectes. Quelquefois les évêques faisaient arrêter les convulsionnaires, et les forçaient, à coups de verges, de confesser publiquement leur charlatanisme®. Alors les chefs de la religion n'avaient pas besoin de répandre

1

Voy. Amulonis, archiep. Lugdun., Epistola ad Theobald., episc. Lingon.; dans Agobardi opera, t. II, p. 135-147, edit. a. 1665.-Grégoire de Tours rapporte un exemple curieux d'une supercherie du meme genre, dans son Hist., IX, 6.

3 Voy. Greg. Tur., V, 6. Cette coutume des malades de coucher dans les temples, remonte à l'antiquité païenne. Voy. Meibom (Henri), De incubatione in fanis deorum, medicinæ causa, olim facta. Helmstadt, 1659, in-4°.

2 Voy. le même, VIII, 16.

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