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X V.

Examen fi ce qu'on appelle ame n'eft pas une faculté qu'on a prife pour une fubftance.

J'AI le don de la parole & de l'intonation, de forte que j'articule & que je chante; mais je n'ai point d'être en moi qui foit articulation & chant. N'eft-il pas bien probable qu'ayant des fenfations & des penfées, je n'ai point en moi un être caché qui foit à la fois fenfation & pensée, ou pensée sentante nommée ame.

Nous marchons par les pieds, nous prenons par les mains; nous penfons, nous voulons par la tête. Je fuis entièrement ici pour Epicure & pour Lucrèce, & je regarde fon troisième livre comme le chef-d'œuvre de la fagacité éloquente. Je doute qu'on puiffe jamais dire rien d'auffi beau ni d'auffi vraisemblable.

Toutes les parties du corps sont susceptibles de fenfation; à quoi bon chercher une autre substance dans mon corps, laquelle fente pour lui? pourquoi recourir à une chimère quand j'ai la réalité ?

Mais, me dira-t-on, l'étendue ne fuffit pas pour avoir des fenfations & des idées. Ce caillou eft étendu, il ne fent ni ne pense. Non; mais cet autre morceau de matière organifée poffède la fenfation & le don de penfer. Je ne conçois point du tout par quel artifice le mouvement, les fentimens, les idées, la mémoire, le raisonnement fe logent dans ce morceau de matière organisée; mais je le vois, & j'en fuis la preuve à moi-même.

Je conçois encore moins comment ce mouvement, ce fentiment, ces idées, cette mémoire, ces raisonnemens

fe formeraient dans un être inétendu, dans un être fimple qui me paraît équivaloir au néant. Je n'en ai jamais vu de ces êtres fimples; perfonne n'en a vu; il eft impoffible de s'en former la plus légère idée ; ils ne font point néceffaires; ce font les fruits d'une imagination exaltée. Il eft donc, encore une fois, très-inutile de les admettre.

Je fuis corps, & cet arrangement de mon corps, cette puiffance de me mouvoir & de mouvoir d'autres corps, cette puissance de sentir & de raisonner, je les tiens donc de la puiffance intelligente & néceffaire qui anime la nature. Voilà en quoi je diffère de Lucrèce. C'est à vous de nous juger tous deux. Dites-moi, lequel vaut le mieux de croire un être invifible, incompréhensible, qui naît & meurt avec nous, ou de croire que nous avons feulement des facultés données par le grand être nécessaire? ( 2 )

(2) Dans cet ouvrage, & dans les deux précédens, M. de Voltaire femble regarder l'ame humaine plutôt comme une faculté que comme un être à part. Cependant il nous femble que l'idée d'exiftence n'eft réellement pour nous que celle de permanence, que le moi eft la feule chose dont la permanence nous foit prouvée par notre sentiment même & d'une manière évidente, que la permanence de tout autre être, & fon existence par conféquent, ne l'est qu'en vertu d'une forte d'analogie & avec une probabilité plus ou moins grande : il en eft de même de ma propre existence pour les inftans de la durée dont je n'ai pas actuellement la confcience; & c'eft-là, fans doute, ce que Locke a voulu dire dans fon chapitre de l'identité. Voyez ci-devant, page 122. Mon ame ou moi font donc la même chose. On ne devrait pas dire, à la vérité, j'ai une ame, c'eft une expreffion vide de fens; mais je fuis une ame, c'eft-à-dire, un être fentant, penfant, &c.

Quant au corps, il me paraît qu'il n'y en a aucune partie, confidérée comme substance, qui foit identique avec moi. Je dis comme substance, parce qu'à la vérité je ne puis nier que fi je fuis privé de mon cœur, de mon cerveau, je ne tombe dans un état dont je ne peux me former d'idée; mais je conçois très-bien que chaque particule de mon

X V I.

Des facultés des animaux.

LES animaux ont les mêmes facultés que nous. Organifés comme nous, ils reçoivent comme nous la vie, ils la donnent de même. Ils commencent comme nous le mouvement, & le communiquent. Ils ont des fens & des fenfations, des idées, de la mémoire. Quel eft l'homme affez fou pour penfer que le principe de toutes ces chofes eft un esprit inétendu? nul mortel n'a jamais ofé proférer cette abfurdité. Pourquoi donc ferions-nous affez infenfés pour imaginer cet efprit en faveur de l'homme?

Les animaux n'ont que des facultés, & nous n'avons que des facultés.

Ce ferait en vérité une chose bien comique que quand un lézard avale une mouche, & quand un crocodile avale un homme, chacun d'eux avalât une

ame.

Que ferait donc l'ame de cette mouche? un être immortel defcendu du plus haut des cieux pour entrer dans ce corps, une portion détachée de la Divinité? ne vaut-il pas mieux la croire une fimple faculté de cet animal à lui donnée avec la vie? Et fi cet infecte

corps peut être échangée contre une autre fucceffivement, qu'il peut en réfulter pour moi un autre ordre d'idées & de fenfations, fans sque l'identité du fentiment du moi en foit détruite.

Le moi fubfifte dans les animaux comme dans l'homme, & pour chacun l'existence, la permanence de fon moi, eft la feule vérité de fait fur laquelle il puiffe avoir de la certitude.

a reçu ce don, nous en dirons autant du finge & de l'éléphant; nous en dirons autant de l'homme, & nous ne lui ferons point de tort.

J'ai lu dans un philofophe que l'homme le plus groffier eft au-deffus du plus ingénieux animal. Je n'en conviens point. On achèterait beaucoup plus cher un éléphant qu'une foule d'imbécilles; mais quand même cela ferait, qu'en pourrait-on conclure? que l'homme a reçu plus de talens du grand être, & rien de plus.

X VI I.

De l'immortalité.

QUE le grand être veuille perfévérer à nous continuer les mêmes dons après notre mort; qu'il puisse attacher la faculté de penfer à quelque partie de nousmêmes qui fubfiftera encore, à la bonne heure : je ne veux ni l'affirmer, ni le nier: je n'ai de preuve ni pour ni contre. Mais c'eft à celui qui affirme une chose fi étrange à la prouver clairement; & comme jufqu'ici perfonne ne l'a fait, on me permettra de douter.

Quand nous ne fommes plus que cendre, de quoi nous fervirait-il qu'un atome de cette cendre passat dans quelque créature, revêtu des mêmes facultés dont il aurait joui pendant fa vie? cette personne nouvelle ne fera pas plus ma perfonne, cet étranger ne fera pas plus moi que je ne ferai ce chou & ce melon qui fe feront formés de la terre où j'aurai été inhumé.

Pour que je fuffe véritablement immortel, il faudrait que je confervaffe mes organes, ma mémoire, toutes

X V I.

Des facultés des animaux.

LES animaux ont les mêmes facultés q Organifés comme nous, ils reçoivent comp vie, ils la donnent de même. Ils commenc nous le mouvement, & le communiquer. fens & des fenfations, des idées, de la 1: eft l'homme affez fou pour penfer que toutes ces choses eft un efprit inétend" jamais ofé proférer cette abfurdité. ferions-nous affez infenfés pour in faveur de l'homme?

Les animaux n'ont que des f

que des facultés.

Ce ferait en vérité une

quand un lézard avale une codile avale un homme

ame.

Que ferait donc l'a' immortel descendu dr

lans ce corps, une ·

vaut-il pas mi

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