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sens de indulgencié ou consacré par une cérémonie religieuse: Pain, chapelet bénit. Cette dernière forme, dont s'étonne M. Brillon, se rencontre déjà dans la première édition de la Satyre Ménippée de 1593, où se lit, dans l'Avis de l'imprimeur au lecteur, le passage suivant:

« Mais Dieu voulut qu'il fust pris par quelques Religieux du Chasteau-Verd, et mené devant le maire de Beauvais, où il eust esté déclaré de bonne prise à cause de quelque sac de doublons qui se trouva dans la valize, sinon qu'il se monstra avec une once de catholicon, réduilt en poudre, qu'il portoit en sa bourse, avec sept grains bénists, et une chemise de Chartres... >> (Nîmes.) P. c. c. : CH. L.

--

Ce ne sont pas les nouveaux Dictionnaires qui ont introduit, comme le suppose M. P.-J. Brillon, cette orthographe de pain bénit, et il s'est bien à tort, croyons-nous, accoutumé à écrire pain béni. Le Dictionnaire de l'Académie (non pas seulement le dernier, mais celui de 1762) a, en effet, indiqué clairement, depuis plus d'un siècle, dans quel cas il faut employer, avec ou sans t, le participe auquel M. P.-J. Brillon ne veut pas ajouter cette lettre. Le Dictionnaire de Littré contient à ce sujet les explications les plus détaillées; mais il ne nous paraît pas nécessaire et il serait d'ailleurs trop long de les reproduire ici. A propos de cette question, nous serait-il permis de faire remarquer combien il serait à désirer que chacun de nous, avant de s'adresser à l'Intermédiaire, voulût bien prendre la peine de chercher dans les livres qui sont à la disposition de tout le monde, s'il ne s'y trouve pas une réponse satisfaisante à sa demande. Notre publication ne serait pas alors, comme elle l'est trop souvent, dans la nécessité de retarder l'insertion de demandes offrant un véritable intérêt et de réponses réellement utiles et vivement attendues.

M. H. T.

- Remarque très-juste, en général, et que nous ne pouvons qu'appuyer. La raison, pressentie par notre honorable correspondant, se trouve de plus en plus vraie, et la queue de la poêle de l'Intermédiaire nous est, en ce moment, malaisée à tenir,- tant le poisson frais y abonde ... et tant il y fait chaud! [Réd.]

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<< Villageois » dans Shakespeare (X, 321). Je n'ai qu'à me lever de ma chaise pour prendre et ouvrir l'édition des fameux Dramatic works, donnée par Hazlett (London, George Routledge, 1851). Elle porte, elle aussi, Villageois. Où donc M. Montégut, qui a obtenu, je crois, pour sa traduction, les récompenses et distinctions académiques (ou qui les obtiendra), a-t-il lu cet étrange vocable Villiaco? Oui, étrange, et de plus étranger. Il me semble que cela doit être dans l'édition anglaise, dont il s'est servi, une sim

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ple faute typographique. Le grand poëte de l'Avon a enfanté des armées de scoliastes et soulevé des montagnes de scolies. Il suit de là que nos amis du Notes and Queries ont tout avantage à prendre ici la parole, et que je m'empresse de la leur céder... JACQUES D.

Voici comment F.-V. Hugo traduit les deux vers cités et celui qui les précède: « Déjà, au milieu de cette guerre civile, il me semble les voir se pavaner dans les rues de Londres, criant Villageois! à tous ceux qu'ils rencontrent. » Le commentaire étendu de l'édition Pagnerre ne contient à ce sujet ni réflexion ni variante. G. I.

-

On se souvient des discussions sur « la dent d'or » et sur « la carpe qui ne faisait pas déborder l'eau dans un seau complétement plein »; il en est de même de la présence du mot villageois dans le Henri VI de Shakespeare, et la réponse sera bien simple : VILLAGEOIS ne s'y trouve pas. Je n'ai sous la main que quelques éditions de Shakespeare, et il serait sans fin de citer toutes celles où on le lit comme dans celle toute récente de John Dick, p. 328; mais dans une édition tout aussi récente, celle de Charles Knight (London, Georges Routledge, 1868, in-12, p. 372). on lit Viliaco. Pour cette divergence, faut recourir aux anciens textes, et la chose est maintenant facile, depuis la réimpression textuelle faite à Londres, en 1864, grand in-80 à 2 col. de 889, de la première édition collective publiée en 1623 par Jaggard, Blount, Smithwecke et Aspley, l'un des oiseaux rares de la bibliophilie. Dans l'original, il y a trois paginations. A la page 142 de la seconde (p. 478 de la réimpression moderne), il n'y a ni villageois, ni viliaco, mais :

Grying: Villiago unto all they meete. » En traduisant goujat, M. Montégut a donc été dans le vrai sens, vigliaco, en italien, voulant dire poltron et lâche. Ávec le g du texte, ne serait-ce pas plutôt au même mot en espagnol que nous aurions affaire? Les souvenirs du mariage de Marie Tudor avec Philippe II, et ceux de l'Armada étaient bien de nature à avoir fait passer quelques mots espagnols dans l'usage de la langue populaire anglaise. Le texte étant certain, il serait possible de le traduire en français d'une façon plus exacte encore, car le mot a existé dans notre langue. Il m'étonnerait qu'il ne fût pas dans Brantôme ou dans d'Aubigné; mais, puisqu'il s'agit d'un grand poëte dramatique, il vaut mieux se borner à ce passage de Corneille,dans l'Illusion comique (actell, Sc. 2), qui est de 1636. Le mot est dans la bouche du Matamore, le capitan gascon, se fâchant tout rouge de ce que Clindor a l'air de croire qu'il peut avoir besoin d'une armée:

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Et tu n'oses parler cependant d'une armée; Tu n'auras plus l'honneur de voir un second [Mars;

Je vais t'assassinant un seul de mes regards, Veillaque.

De plus, on peut savoir depuis quand villageois a pris la place de villiago. Toumeisen, à Bâle, a imprimé, en 1801, un Shakespeare en 25 volumes in-8°. Le papier est vilain, les caractères sont laids, le texte n'est pas bon, et les notes ne sont pas meilleures; mais elle a cet avantage de réunir les notes des différents commentateurs du XVIIIe siècle. Voici celle de Malone sur le point qui nous occupe : Old copy: Villiago. Corrected by M. Theobald. La vieille impression avait villiago. Villageois est une correction faite par M. Theobald. Celui-ci a publié deux éditions de Shakespeare en 1733 et en 1740. C'est donc à partir de 1733 que la fausse leçon villageois a été introduite, de force, dans le texte de Shakespeare.

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Camelote (X, 322). Un Diction. de Wailly, d'après Richelet (1790), ne donne pas encore Camelote, mais bien « Camelotier, sorte de papier très-commun. » Ces livres, dont parle la question étaient sans doute imprimés sur ce papier. Le camelot (primitivement, étoffe en poil de chameau) était, je crois, une étoffe assez grossière pour avoir produit ce mot camelote. Le même Diction. cite : « Il est comme le camelot, il a pris son pli: proverbialement, il est incorrigible.»>

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O. D.

Camelote n'est pas un autre mot que camelot. Voyez, aux mots Camelotum, Camelinum, le Glossaire de Du Cange, qui rapproche la forme italienne ciambelotto. Au sens primitif, c'était une étoffe de poil de chameau, puis par extension une étoffe commune fabriquée à Cambrai. Dans toutes les industries, on a désigné et on désigne encore, sous le nom de camelote, les articles courants, dont la fabrication n'exige pas des soins particuliers. Dans la librairie, cette catégorie est depuis longtemps représentée par la presque totalité des livres d'église. A un siècle et demi de distance, la phrase signalée par M. P. Clauer pourrait encore s'écrire sans y rien changer. Je ne crois donc pas qu'on puisse en tirer aucune instruction chronologique. La librairie avait emprunté le mot à la draperie et aux industries circonvoisines. G. I.

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Sainte-Menehould (X, 323). On n'a jamais écrit Sainte-Manehould. La pièce à laquelle M. Pierre Clauer fait allusion n'aura pas été corrigée par le prote. L'imprimerie de Gabriel Deliège avait au surplus un caractère quasi clandestin, car cet imprimeur eut des démêlés assez sérieux avec la justice, pour avoir publié une relation de l'abbé Phélipeaux sur l'affaire du Quiétisme à Rome. (Consulter à ce sujet l'Hist. gén. de l'Eglise pendant le XVIIIe siècle, de l'abbé Guillon de Montléon, t. I.) La date de 1706 est-elle exacte? J'ajouterai que des lettres patentes de 1478 portent: que les terres et seigneuries de Sainte-Menehould, Vassi, Passavant, Château- Thiéry, Châtillon-surMarne sont érigées en comté de SainteMenehould et données à Antoine, bâtard de Bourgogne, pour en jouir par lui, ses hoirs mâles et femelles. (Voir Brillon : Dictionnaire des arrêts ou Jurisprudence universelle des parlemens de France. Paris, 1727, tome VI, p. 10.) Un Cartulaire de 1247 porterait S.-Meneldis urbs, et l'on écrivait aussi S. Menehildis.

UN LISEUR.

A Sainte-Menehould même, et dans toute la Champagne, on n'a pas cessé de prononcer Sainte-Ménou. G. I.

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Les diamants de Charles le Téméraire (X, 323). Si cela est bien vrai? Dame! on n'a qu'à consulter l'Histoire de la Confédération suisse, de Muller. L'auteur, dans lequel on a tant puisé, s'est entouré de documents de toutes sortes. Etterlin, Fussli, la Chronique de Neufchâtel, le Saint-Gallais, May, Etlibach, Guillimann, Bonstetten, Haffner, Munster, Blarru, Bullingen, Schelling, Dunod, Meyer, Melchior Russ, Jean de Troyes, Comines, etc., tous s'accordent à vanter la richesse inouïe du camp de Charles. Melchior Russ, en parlant de la petite partie du butin, distribuée légalement entre tous et que Guillimann estime ne former que le centième de la totalité, l'évalue à 300,000 florins du Rhin; Bonstetten l'évalue à 500,000 florins d'or (aureos); Haffner et Munster parlent de 3,000.000 et de 5,000,000 de couronnes. bach, en parlant du trône d'argent massif doré, l'estime à 600,000 florins. Ne rentrons pas dans les détails donnés dans le Journal des Débats du 26 (non du 27) mai dernier, sur les diamants. Ce serait une redite, quoique ces renseignements soient un peu écourtés. Disons seulement, en parlant du second diamant qui fait partie du trésor de Vienne, qu'Antoine Fugger, qui le tenait de Jacques Fugger, le vendit à Henri VIII, dont la fille Marie l'apporta à Philippe II. Il faisait partie du

Etli

375 collier du Téméraire, et collier et chapeau à la forme italienne recouvert de pierreries également, que Soliman et CharlesQuint auraient bien voulu posséder, étaient entre les mains des riches Fugger. - Le troisième, inférieur à celui-ci, appartenait au roi de Portugal et fut acheté par Nicolas de Harlay, à Antoine Prieur de Crato, neveu illégitime du roi Manoel. C'est le Sancy qui, ayant appartenu depuis Louis XIV à la France, appartient à cette heure à la famille Demidoff. Du reste, M. R. n'a qu'à se reporter au tome VIII de de Muller, il y trouvera une foule de détails intéressants et le récit de la bataille de Granson, écrit avec ce style noble et pur qui a fait, avec juste raison, donner à l'auteur le nom de Tacite helvétique. A. NALIS.

- Le Magasin pittoresque (1839, chapeau p. 404) donne le dessin du perdu par le duc de Bourgogne à la bataille de Granson (gravure tirée de la collection Hennin). Le trésor du duc était si riche que le partage s'en fit sans compter ni peser, mais en mesurant à pleins chapeaux. Le Sancy fut ramassé sous un chariot et vendu un écu, etc. A. B.

- Michelet (Précis de l'Hist. moderne): « Le camp du duc, ses canons, ses trésors tombèrent entre les mains des vainqueurs. Mais ceux-ci ne savaient pas tout ce qu'ils avaient gagné. L'un d'eux vendit pour un écu le gros diamant du duc de Bourgogne; l'argent de son trésor fut partagé sans compter, et mesuré à pleins chapeaux. On dit que ce diamant est celui que l'on nomme aujourd'hui le Sancy.

O. D.

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De la valeur de l'argent, au XVIe siècle. Quand on essaye de faire de ces appréciations, on oublie assez souvent qu'outre l'avilissement réel et graduel de l'or et de l'argent, il faut encore tenir compte des variations fréquentes de la monnaie, opérées d'autorité par les rois qui fixaient, à leur caprice, ou plutôt à leur intérêt, la valeur du marc. M. Mignet a sans doute voulu dire seulement que ce qui s'appelait, sous François Ier, par exemple, un écu, répondait à un poids d'argent cinq fois plus considérable que celui des trois pièces d'un franc qui aujourd'hui nous représentent ce même mot: un écu. Il serait alors très-possible que son évaluation se trouvât à peu près d'accord avec celle de M. Pierre Clément qui aurait, lui, indiqué le résultat complet des deux causes de dépréciation. O. D.

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nois...;

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Bailly, Hist. financ. de la France...;-Leber, Essai sur l'appréciation de la fortune privée au moyen âge.... Etablir le rapport de la livre tournois, monnaie de compte, avec le franc actuel est un problème insoluble. Les calculs présentés par ces estimables auteurs reposent soit sur le prix du setier de blé, soit sur la valeur du marc d'argent. Mais il faut tenir compte des événements qui ont pu accroître ou diminuer le numéraire, de l'abondance ou de 'la disette des substances alimentaires. Et cette évaluation n'est pas possible d'une manière absolue. Leber, qui a fait valoir pour diverses époques le pouvoir de l'argent, évalue à 20 francs la livre tournois du commencement du XVIe siècle; Bailly reporte cette évaluation à 12 francs. Ces évaluations sont, la première fort exagérée, la seconde trop restreinte. Je pense qu'il faut prendre la moyenne des données de ces deux savants, et qu'on se trouvera plus près d'une solution suffisante à l'étude des docudifficultés ments historiques. D'autres inextricables subsistent: elles naissent de la proportion entre les métaux précieux, de la diversité des monnaies de compte et de la grande variété de l'aloi des monnaies de cours. Dans la région lyonnaise, on a supputé au moyen de la livre viennoise, de la livre parisis, de la livre tournois, du florin, du gros et même (sous le règne des derniers Valois) de l'écu et du ducat. De 1501 à 1550, on comptait (à Lyon) par livre tournois, et c'est sous Henri IV que l'on revint à cette coutume nationale délaissée pendant l'invasion des modes italiennes. Ce serait un travail fort utile que de refondre toutes les données de nos auteurs et de les présenter sous forme de tableaux raisonnés. Il y aurait à dresser un bien curieux inventaire des valeurs monétaires et des prix des étoffes, des bijoux, des objets d'art, des denrées, des animaux et de la main-d'œuvre de chaque quart de siècle, depuis le XIIIe siècle jusqu'à la fin du XVIIIe, au moyen des diverses comptabilités du Domaine, des Villes et Châtellenies, des Seigneurs féodaux, des Bourgeois et des ruraux. Cette énumération devrait s'étendre à plusieurs provinces tant du nord que du centre et du midi de la France. Les publications des archivistes départementaux et municipaux seraient la base fondamentale d'une publication dont la grande utilité est indiscutable. V. DE V.

Vous auriez pu leur en épargner la façon! (X, 325.)- L'archevêque de Reims était surtout connu pour brutal; mais il est à supposer que le fils de son père et le frère de son frère ne pouvait pas manquer d'esprit. Pour sa brutalité, prenez la lettre de Mme de Sévigné, du 5 février 1674 :

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377 L'archevêque de Reims revenait hier fort vite de Saint-Germain; c'était comme un tourbillon. Il croit bien être grand seigneur, mais ses gens le croient encore plus que lui. Ils passaient au travers de Nanterre, tra, tra, tra! ils rencontrent un homme à cheval : gare, gare! Ce pauvre homme veut se ranger; son cheval ne veut pas, et enfin, le carrosse et les six chevaux renversent, cul par-dessus tête, le pauvre homme et le cheval, et passent par-dessus, et si bien par-dessus, que le carrosse en fut versé et renversé. En même temps, l'homme et le cheval, au lieu de s'amuser à être roués et estropiés, se relèvent miraculeusement, remontent l'un sur l'autre, et s'enfuient et courent encore, pendant que les laquais de l'archevêque, et le cocher, et l'archevêque même se mettent à crier : Arrête! ar

rête ce coquin! qu'on lui donne cent coups! L'archevêque, en racontant ceci, disait « Si j'avais tenu ce maraud-là, je lui aurais rompu les bras et coupé les oreilles ! » O. D.

Artillerie (X, 326). chelet

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Je lis, dans RiBATARDE, « troisième sorte de pièce d'artillerie du calibre de France, « longue d'environ, neuf piés et demi, « avec trois pouces dix lignes de calibre. »> Les mots bretheuil et breteuilz n'y sont pas, et ne figurent ni dans Ménage ni dans les autres glossaires ou lexiques que j'ai sous la main. · « Sur les canons dont on « se sert sur mer, dit Richelet, voyez le « Dictionnaire maritime d'Aubin, où il explique fort au long tout ce qui peut «< concerner cette matière. » Ménage cite le mot breteux, mais sans lui donner sa signification; il se borne à le faire dériver de brette, sorte d'épée de Bretagne.

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UN LISEUR.

Breteuil. Espèce de canon. Couleuvrine ou fauconneau (Dict. d'Oudin). P. c. c.: P. NIPONS.

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Procès du général Moreau (X, 326). C'est une tache à la memoire de Napoléon. Jamais Réal ne put prouver, malgré tous ses faux témoins, que Georges Cadoudal eût jamais vu Moreau. Le jury fut suspendu et le général dut comparaître devant des juges. Chaque jour, à la fin de la séance, les prisonniers étaient reconduits à leurs prisons, entre deux haies de soldats. Lorsque Moreau passait, les soldats presentaient les armes, et plusieurs lui dirent à l'oreille : « Mon général, voulezvous de nous? Non, repondait-il, je n'aime pas le sang! » C'etait l'opinion générale, qu'il n'avait qu'à dire un mot, et Bonaparte tombait.

Avant que son avocat prît la parole, il prononça un discours qui électrisa l'assem

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blée. Tout le monde se leva et battit des mains. Le grand juge Régnier, duc de Massa-Carrara, fils d'un petit charcutier de Blamont, envoyait régulièrement à Bonaparte un résumé de la séance. On lui dit que le discours de Moreau était assez mauvais et plus propre à faire du tort au général qu'à le servir. Là-dessus, le grand juge en ordonne l'impression et la distribution. S'étant rendu à Saint-Cloud, il y trouva Murat qui manifesta son étonnement de voir les paroles du général imprimées. Bonaparte, voyant que Régnier avait commis une telle bévue, se precipita sur lui et il l'aurait assommé, si quelques personnes charitables ne l'eussent retiré des mains de son maître. On raconte qué Régnier était étendu sur un canapé et qu'il se laissait battre sans faire la moindre résistance. Ses vêtements furent déchirés. Le général Lecourbe et le banquier Tourton, qui avaient distribué le discours de Moreau, furent exilés. Tourton ne le fut que trois ans.

Après une procédure qui dura quatorze jours, les juges se retirèrent à neuf heures du soir et tout était préparé pour condamner Moreau; mais, grâce à la résistance de cinq juges: Martineau, vice-président, Lecourbe, Clavière, de la Guillomie et Rigaud-Roquefort, il échappa à la mort. Ces juges dirent que, si Moreau était declaré coupable, ils protesteraient contre la décision de la Cour, et, quoiqu'ils fussent la minorité, ils ne souffriraient pas qu'on allât aux voix sans proclamer hautement leur opinion. Murat prévint de suite la cour de SaintCloud de cet incident. Napoléon s'emporta et déclara que jamais Moreau ne serait remis en liberté. Le général Moncey lui dit qu'un esprit de mécontentement regnait dans la gendarmerie... « — Si je croyais cela, je la casserais sur-le-champ.

Si vous faites cela, répondit Moncey, ils mettront le feu aux quatre coins de Paris. » Tous les rapports envoyés à SaintCloud étaient unanimes pour déclarer que l'opinion publique était pour Moreau et que sa mort serait vue avec horreur. Les juges eurent ordre de ne pas prononcer la peine capitale.

Lorsque le jugement fut prononcé (deux ans de detention) à quatre heures du matin, la populace, qui était restée là toute la nuit, cria: Vive Moreau! car ce n'était que pour Moreau qu'on prenait intérêt au jugement de la prétendue conspiration. Le jour que Moreau fut absous, on donna au Théâtre Français la tragédie des Templiers, dans laquelle un des Templiers dit

La torture interroge, et la douleur répond.

Les spectateurs applaudirent ce vers, et le firent répéter trois fois à l'acteur, ce qui mit Napoleon, qui était présent, dans une telle fureur qu'il sortit de la salle.

Malgré que Moreau eût été absous du

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crime de haute trahison, on saisit sa maison de ville et ses meubles et sa maison de campagne de Grosbois, qu'il avait achetée de Barras 400,000 francs (depuis au maréchal Berthier).

Après sa condamnation, il voulait en appeler au tribunal de cassation; ses amis l'en dissuadèrent, craignant que la sentence ne fût encore plus injuste. Ils lui conseillèrent de demander de se retirer en Amérique, car s'il était envoyé en prison, jamais peut-être il n'en sortirait vivant. Bonaparte fut enchanté de pouvoir se débarrasser de son rival; il consentit à changer sa prison en un exil perpétuel. Quatre gendarmes accompagnèrent donc Moreau et sa femme en Espagne, où ils devaient s'embarquer. Avant le départ, le fisc lui fit payer tous les frais de la procédure.

Le général Lecourbe se conduisit en homme d'honneur; tous les jours il accompagna la générale Moreau à l'audience; plusieurs généraux de l'ex-armée du Rhin témoignaient publiquement leur admiration pour le vainqueur d'Hohenlinden, ils furent tous disgraciés. Gouvion Saint-Cyr ne devint marechal que bien plus tard; Klein, grâce à son compatriote Régnier, obtint un siége au Sénat. Lecourbe fut proscrit. Son frère, le juge, vint un an après, aux Tuileries, prier l'Empereur de lever les arrêts de son frère. Dès que Napoléon le vit, il se précipita sur lui et, sans s'informer du motif qui l'amenait, s'écria en présence de tous les courtisans et des membres du Corps diplomatique : « Comment osez-vous, juge prévaricateur, venir souiller mon palais par votre présence; sortez aussitôt ou je vous f....... par la croisée. » On pense bien que M. Lecourbe n'attendit pas d'autres explications pour se retirer. Peu de temps après il fut suspendu de ses fonctions.

Etienne Clavier, de l'Institut, le beaupère de Paul-Louis, fut aussi un des juges de Moreau. Aussi distingué par son caractère moral que par son érudition, il montra beaucoup de courage. Murat l'ayant pressé de condamner le général, en l'assurant que l'Empereur ferait grâce: « En! qui nous ferait grâce nous?» dit M. Clavier. Bonaparte ne pardonna pas, il le destitua en 1811.

Madame Moreau, au bout de quelques. années, demanda la permission de se rendre à Paris; il lui fut répondu que, si elle ne quittait point Bordeaux à l'instant, elle serait conduite à Paris et renfermée aux Madelonnettes. Sous la Restauration, elle obtint le titre et le rang de maréchale de France. Lecourbe, le juge, a publié : Opinion sur la conspiration de Moreau, Pichegru et autres, 1814, in-8. A. B.

Perfectionnistes (X, 327). Signalons Signalons d'abord : « Hand- Book of the Oneida

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Community; with a Sketch of its Founder, and an Outline of its Constitution and Doctrines. Wallingford, Conn. 1867, » pamphlet publié par la Communauté, dans lequel, comme porte le titre, sont expliquées les règles et doctrines de la secte, et où se trouve une notice biographique de M. John Humphrey Noyes. Il y a dans le « Dictionary of Sects, Heresies, etc., London, 1874, » une courte notice sur les Perfectionists; mais les détails les plus amples et piquants sur les Bible Communists ou Free Lovers, et sur d'autres sectes américaines, se trouvent dans deux ouvrages de M. Hepworth Dixon: «New America, » et « Spiritual Wives. » M. Dixon est resté quelque temps dans l'Oneida Community, et a eu tous les moyens de bien étudier son sujet. APIS.

(London.)

Satyre Ménippée (X, 328). D'après Brunet (Manuel du libr., t. V, col. 113), la première édition de la Ménippée serait celle de Paris, 1593, petit in-8 de 255 pages, précédées de 2 ff. pour le titre et l'avis de l'imprimeur. Cependant les bibliographes ne sont pas d'accord sur ce point, car d'aucuns prétendent que la plus ancienne est celle sans indication de lieu (Tours), 1593, in-8 de 255 pages, laquelle est décrite au no 533 du Catalogue des livres composant la bibliothèque de M. J. Taschereau, 1875. Pour être parfaitement renseigné sur les anciennes éditions de ce pamphlet célèbre, il faut consulter le catalogue Leber, t. II, p. 238 et 239.

P. PONSIN. La première édition a été imprimée à Tours en 1583, par Jamet Metayer. H. I.

Mon exemplaire de MDXCIII est en tout conforme à celui que décrit M. Z. A. E. sous la date M. D. XCIII; le titre, coupé de la même façon: «255 pages. Ces indications concordent également avec celles de Brunet, relatives au contenu du volume: L'Imprimeur au Lecteur, 2 pages; La vertu du Catholicon. L'abrégé des estats de la Ligue.- Epistre du sieur d'Engoulevent, et quelques pièces de poésie. Il semblerait résulter des observations de Brunet, que ces deux editions n'en font qu'une aurait-on pris déjà l'habitudę au XVIe siècle de tirer deux éditions en même temps? Rien ne semble interdire d'ailleurs l'inscription manuscrite de Première édition, ajoutée à l'exemplaire de la Bibliothèque nationale. Je possède, en outre, un très-bon exemplaire d'une édition de MDXCV, toute differente et qui porte Nouvelle edition augmentee à la fin de plusieurs notables recherches et observations qui descouvrent de plus en plus les secrets de la Ligue, c'est celle que

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