391 « mes. M. Beuchot n'en a jamais vu da<< vantage, mais feu Barrois l'aîné, mort il « y a environ 17 ans, le libraire le plus << instruit qu'il eût connu, lui a assuré que « les tomes 41 et 42 avaient été imprimés, « et qu'ils avaient été donnés ou retenus « en gage. Qu'est devenu ce dépôt? Se << retrouvera-t-il jamais? Depuis 60 ans « rien n'en a transpiré. » C'est en 1845 que cette note a paru; depuis cette époque ce dépôt a-t-il été retrouvé, et un collectionneur ou une Bibliothèque publique possède-t-il ces volumes 41 et 42 des Annales poétiques? UN LISEUR. Autographes de Victor Escousse et de S'il faut en croire les Auguste Lebras. marchands d'autographes, les lettres assez rares de ces jeunes gens, plus célèbres par leur suicide que par leurs écrits, sont aujourd'hui complétement délaissées par les amateurs. Le fait est-il vrai? A quelle cause peut-on attribuer ce discrédit, alors qu'il y a quelques années elles étaient recherchées par les collectionneurs ? PAUL NIPONS. Lecture expressive. On désirerait avoir les titres d'ouvrages didactiques sur la prononciation et la lecture à haute voix du français. L'Art de la lecture, de M. Legouvé, n'a servi qu'à mettre en goût. L'indication des articles de Revues sur cette matière serait reçue avec reconnaisG. G. sance. G. G. Tuer le Mandarin (III, 259, 371, 433; IX, 8, 367, 559; X, 360). Je suis confus, sincèrement confus, de survenir ici comme un rabat-joie. Mais, la main sur la conscience et avec tout le respect que je professe pour l'étonnante érudition de notre confrère, je crois que « les chiens attendent toujours ». Ce n'est chicane de ma part (Dieu veuille m'en préserver!), c'est un scrupule plus fort que moi je crois que nous n'y sommes pas encore. Ne voit-on pas bien que Chateaubriand cite vaguement et ne fait ici qu'user d'un bien tombé dans le domaine public? « J'ai entendu attribuer ce mot à Chateaubriand, » disait il y a un an le confrère N. G., et il ajoutait avec une certaine finesse de perception: « J'en conviens, c'est peu vraisemblable. » Et pourquoi l'est-ce si peu? Mon Dieu! (cela saute aux yeux) c'est qu'on ne reconnaît ici aucun des traits de la physionomie de l'illustre auteur d'Atala, et cæ ་ 392 tera. Remarquons aussi que pour tuer le Mandarin, il faut se laisser aller à une toute petite opération scélérate, qui consiste à remuer le petit doigt. C'est là précisément le côté formidable du problème philosophique, comme aussi le côté joli, narquois, souriant de la question littéraire. Or, Chateaubriand avec son mysticisme éloquent, mais un peu ampoulé, néglige tout à fait ce détail tragi-comique; il n'emprunte à «< son auteur » que ce qui convient au diapason de son œuvre. Donc, il y a un auteur qui a la priorité de l'idée et du mot. Le questionneur le pressentait bien quand il a demandé en quel coin de Rousseau le sphinx se trouvait tapi? Mais, à son tour, Rousseau ne doit être pour rien ici. La réponse la plus juste, selon moi, est celle signée F. L. Je me rallie tant et plus à ladite devinette et crois que nous avons affaire ici à ce charmant railleur Voltaire. Où?... Ah! voilà le hic, et moi aussi je vais m'y empêtrer. Est-ce que ce serait dans les Contes? JACQUES D. Armes des Colecni (IX, 9, 59; 112, 206, 271, 528, 652, 749; X, 231, 330).- Nous avons une peine terrible à en sortir! Que je consulte ou ne consulte point M. Yriarte, la lecon du collabo Nimois donne un « écu partagé en deux moitiés dans sa longueur...; » et nous l'estimons parti, quand bientôt on nous parle de moitié supérieure, » ce qui correspond à coupé. Au surplus, M. Ch. L. la déclare, cette dernière, « écartellée en deux parties,» autre singularité qui surprendrait, si l'on ne s'était pas défendu d'être héral diste? La description, d'après le héraut très-reconnaissant de l'Intermédiaire (sous la caution A. St.), nous donne un écu tiercé en pal, puisqu'il y a, selon la formule A. St. un 1er, un 20, et un 3e au milieu. On est très-précis, très-clair, trèsrigoureux dans la langue héraldique, et alors le 1er de M. A. St. restera er, son 3e deviendra 2o, puisqu'il est au milieu, et réciproquement. H. DE S. : Attributs des quatre évangélistes (IX, 68, 125, 242). En désignant ces attributs bien connus, on a oublié d'en indiquer clairement l'origine, aujourd'hui révélée par les travaux de G. Smith, de Fr. Lenormant et des autres savants qui se sont occupés de l'origine des religions, d'après les récents travaux de l'Epigraphie. Dans une_sphère inférieure aux grands dieux de Babylone et de l'Assyriè figuraient quatre classes de génies protec 393 teurs : le Sed ou Kiroub (en accadien Alad), taureau à face humaine; le Lamas (en accadien Lamma), lion à tête d'homme; l'Oustour, d'apparence entièrement humaine. Et la Nattig à tête d'aigle, dont le prophète Ezéchiel a adopté les types comme ceux des quatre êtres symboliques qui, dans ses visions, supportent le trône de Jéhovah et qui, de là, sont passés dans l'art chrétien, par l'intermédiaire de l'Apocalypse, comme les emblèmes des quatre évangélistes. A.-D Je ne chante que pour Sylvie (IX, 417, 595; X, 365). L'allée de Sylvie est dans le tome I de l'Elite de poésies fugitives (Londres, 1769), p. 45, sous le nom de J.-J. Rousseau de Genève. E.-G. P. De Henry ou d'Henry? (X, 3, 145.) — M. Saint-René Taillandier, dans ses Drames et Romans de la vie littéraire (Paris, 1870, in-12), cite très-souvent les noms de Henri Stieglitz et de Henri de Kleist, et celui de Henri Heine, sans l'aspiration de l'H. « Au milieu des défaillances d'Henri Stieglitz... Il assistait aux premières incartades d'Henri Heine... Les découragements d'Henri. Voilà, ce me semble, la folie d'Henri de Kleist qui com<< Wieland mence,» etc., etc. Mais il écrit : « s'amusait des singularités de Henri de Kleist...,» et d'après Wieland: « Si les esprits d'Eschyle, de Sophocle et de Shakspeare se réunissaient pour composer une tragédie, cette tragédie ressemblerait au Robert Guiscard « de » Henri de Kleist. » Passons à l'élision de l'E dans le mot que: « Et tout en causant ainsi, le chirurgien-major apprend qu'Henri de Kleist n'a point de passeport. » Sans élision : « On ne peut s'empêcher de conclure, avec les principaux chefs de la critique moderne, que Henri de Kleist doit être placé parmi les premiers artistes de l'Allemagne. » L'euphonie ne joue-t-elle pas son rôle dans les aspirations et dans les élisions? DE L'ISLE. H. Bourreaux (X, 6, 82). Le roman de Walter Scott n'a aucune valeur historique. Dans le cours du siècle dernier, le bourreau était encore couvert d'un tel mépris à Colmar, qu'un médecin de la ville ayant été élu membre du Magistrat (échevins), son élection fut cassée par le Conseil souverain parce qu'il était fils de l'exécuteur des hautes-œuvres. D'après Richelet, on était moins sévère en France. « Les gens de qualité, dit-il, font gloire d'aller faire débauche avec lui, et des plus beaux esprits de l'Académie françoise lui dédient des livres. » A. B. 394 Arabesques mythologiques (X, 72, 122). Les deux volumes des Arabesques mythologiques contiennent les 78 planches gravées, d'après les dessins coloriés de madame de Genlis; mais les gravures sont en noir et non coloriées. Ils sont du format in-12, tandis que Quérard parle d'exemplaires, en papier vélin, du format in-8°, avec figures coloriées. Encore un desideratum, outre tant d'autres Quant au 3 volume, que ne cite pas Quérard, il a été annoncé par l'auteur, à différentes fois, dans le 2. 1o Dans la préface, p. ij: Le troisième et dernier volume qui contiendra les Métamorphoses... » 2o Page 30, en note, à propos de Philomèle et de Progné, il est dit : « On verra leur histoire dans le volume des Métamorphoses. » 30 Page 72, en note, à propos de Jason et du dragon: « On verra une fable à peu «près semblable dans le dernier volume « consacré aux Métamorphoses, dans l'hisatoire de Cadmus. » 4° P. 102, en note, « On trouvera l'horrible histoire de Pélops << dans le volume des Métamorphoses. » Jamais volume complémentaire n'a été plus annoncé. Il est possible qu'il n'ait pas été publié, puisque Quérard n'en parle pas, mais il n'y a pas une certitude assez grande pour que je ne continue pas mes recherches par l'intermédiaire... de l'Intermédiaire. E.-G. P. Portraits de Napoléon le Grand (X, 164, 212, 273). Si celui de « Buonaparte, « l'intègre, le modeste, le généreux, l'éton«nant, le fortuné libérateur en chef de « l'Etat, le principal domptateur de l'Au« triche, l'organe imperturbable mûris«sant la paix et les triomphes éclatants a de la patrie, » peut prendre place à côté de ceux de Napoléon le Grand, je vous l'indiquerai. Il est même accompagné de celui de « Sa bien-aimée épouse RoseJoséphine, née de la Pagerie. » C.-L. (officier blessé de l'armée) fecit. A Bologne, chez Avalos, rue Vagia. Un génie ailé, coiffé d'un bonnet phrygien, surmonte les deux médaillons et tient, d'une main, une couronne de chêne au-dessus de Buonaparte, et, de l'autre, une couronne de roses suspendue sur la tête de sa bienaimée épouse. L. N. G. Jésus-Christ savait-il lire ? (X, 131, 185.) M. Renan (Vie de Jésus, chap. III) a répondu, d'après les Evangiles et d'autres témoignages contemporains, à cette question, irrévérencieuse ou indiscrète pour beaucoup de gens: « Il apprit à lire et à « écrire; l'idiome propre de Jésus était le dialecte syriaque mêlé d'hébreu qu'on parlait alors en Palestine. M. Renan assure que Jésus-Christ ne connaissait ni le latin, ni le grec. Cette assertion est-elle bien fondée? V. de V. 395 P. S. La collection d'autographes acquise de Vrain Lucas, par l'infortuné M Chasles, ne contenait-elle pas des lettres de Jésus-Christ? Grec (X, 226). — Je me rappelle avoir lu, dans quelque journal, un article de Génin, qui faisait remonter au temps des croisades tous les dictons défavorables aux Grecs. En effet, les premiers croisés avaient eu à s'en plaindre. Ce n'est pas que les torts n'eussent au moins été réciproques; mais, en France, les croisés, de retour, parlaient sans contradiction. Génin, après avoir prouvé, par des citations, qu'au moyen âge on disait Grivois pour Grec, faisait dériver de ce mot, grivois, grive (oiseau qui s'enivre), gris, dans le double sens d'ivre et de couleur incertaine entre le noir et le blanc, par conséquent couleur sans vérité, comme étaient, disait-on, les Grecs. De là à faire du nom des Grecs le synonyme du mot tricheur il n'y avait plus qu'un pas. Mais une explication plus simple, et que pour cela je préférerais, c'est qu'il a toujours été assez rare de bien savoir le grec, et qu'il en résultait une haute opinion de la science de ceux qui y parvenaient : témoin la présentation de Vadius chez Philaminte. De là cette locution, que je trouve dans un ancien dictionnaire : « être grec en quelque chose; y être fort habile. »> Puis, comme souvent le mot habile luimême, le mot grec aura été pris en mauvaise part. O. D. Dès la plus haute antiquité, les Grecs ont été considérés comme adroits, subtils, rusés et même perfides: Timeo Danaos et... Aussi les Romains appelaient-ils la tromperie Ars Pelasga. Au XIIIe siècle, le recueil de proverbes, connu sous le nom de Dit de l'Apostoile, atteste cette qualification par ce dicton : Si plus traiteurs sont en Gresce. Je pense que c'est là l'origine du mot Grec, appliqué à celui qui triche au jeu, car je me défie de l'anecdote racontée par Larousse, d'abord parce qu'il n'indique pas où il l'a puisée, ensuite parce que sous Louis XIV, où l'on jouait beaucoup, comme chacun sait, les grands seigneurs et les dames de la cour ne se faisaient aucun scrupule de voler au jeu, et le monarque, qui aimait les gros joueurs, fermait les yeux et tolérait la mauvaise foi des courtisans, qui se dédommageaient ainsi de leurs pertes. On peut à cet égard consulter Saint-Simon sur le duc de C... et le duc de Grammont, « grand escroc et grand faiseur de dupes au jeu »>, BussyRabutin et Lemontey, qui (dans son Essai sur l'établissement monarchique de Louis XVI) raconte que, « lorsque la dévotion fut devenue une mode à la cour, les joueuses, en se quittant, prononçaient une formule par laquelle on se faisait un don réciproque de ce qui aurait pu, dans la 396 partie, ne pas être légitimement gagné. Cet art de frauder Dieu, pratiqué par tant de pieuses harpies jusque dans les cabinets de Mme de Maintenon, m'a paru le trait le plus éminemment caractéristique. » Est-il probable qu'en présence d'une pareille tolérance on aurait envoyé aux galères le seigneur Apoulos? Quant à l'époque où cette épithète a été généralement adoptée, j'avoue que je l'ignore; mais je la crois plus moderne que ne l'indique M. Pinson." A. D. Péronnelle (X, 226, 282, 336, 367). J'ai des doutes sur l'étymologie italienne de ce nom. Je ne me rappelle pas avoir vu, dans les auteurs italiens, le nom de speronella employé pour signifier une femme gentille, étourdie et galante, et je crois qu'on le chercherait vainement dans tous les Dictionnaires consacrés à la langue d'au delà des Alpes. On peut lire, sur ce nom, une note détaillée dans les Chansons du XIe siècle, publ. par M. G., Paris, p. 41. Je me souviens aussi d'une assez longue mention dans le Dictionnaire de Trévoux, et, à propos de Mme Pernelle du Tartufe, d'une note dans l'édition de Molière d'Aimé-Martin, POGGIARIDO. - « J'ai lu dans quelque endroit, » qu'à la suite de sa malencontreuse entrevue avec Charles le Téméraire, le roi Louis XI, rentrant dans Paris, fut salué par les cris de « Péronne! Péronne!» répétés à satiété sur son passage par des oiseaux parleurs dressés malignement à cette intention. A la longue, la plaisanterie tourna à la « scie, » comme de nos jours « Ohé! Lambert!» On appela péronnelles ces pies bavardes, et comme c'était justement un nom de femme très-répandu, le beau sexe hérita de l'épigramme et du surnom. E. B. Un joli trait du joli marquis (IX, 647). - «De Sade, l'abominable auteur du plus horrible des romans, a passé plusieurs années à Bicêtre, à Charenton et à SaintePélagie. Il soutenait sans cesse qu'il n'avait point composé l'infernale J...; mais M. de G..., jeune auteur qu'il attaquait souvent, le lui prouva de cette manière: « Vous avouez les Crimes de l'amour, ouvrage presque moral, qui porte votre nom; vous ajoutez à ce titre: par l'auteur d'Aline et Valcour; et, dans la préface de cette dernière production, pire encore que J..., vous vous déclarez l'auteur de cet infâme ouvrage; résignez-vous. »> Considéré sous des rapports physiologiques, la tête de ce peintre du crime peut passer pour une des plus étranges monstruosités que la nature ait jamais produites. On assure qu'il a fait lui-même les essais de plusieurs déréglements qu'il a décrits avec une épouvantable énergie. Il était gros d'horreurs, et son odieuse fécondité lui imposait le 397 besoin d'en enfanter jusque dans les prisons où l'on voulait étouffer son infernal génie. Des inspecteurs de police avaient la mission de visiter fréquemment les lieux qu'il habitait, et d'enlever tous les écrits qu'ils y trouveraient et qu'il cachait quelquefois de manière à rendre les recherches très-difficiles. Le sieur V...t, chargé souvent de faire ces visites, a dit, à plusieurs personnes, que, malgré les glaces de l'âge, il sortait encore, à travers les feux de cette imagination véritablement volcanique, des productions plus abominables encore que celles qui ont été livrées au public. est possible que les cartons du Bureau des Moeurs de la préfecture de police servent de catacombes à ces infâmes enfans d'une dépravation qu'on ne saurait qualifier; mais il est aussi à désirer qu'ils rentrent dans le néant d'où ils n'auraient jamais dû sortir» (Hist. gén. des prisons de Paris sous le règne de Buonaparte. Paris, 1814, in-8°, p. 75). P. c. c.: A. B. Je cherche inutilement, depuis deux ou trois mois, les notes que j'avais écrites, il y a quarante ans, sous la dictée de mon vieil ami L. F. H. Lefébure (voyez son article dans la France littéraire de Quérard), au sujet du marquis de Sade. Lefebure avait été, dans sa jeunesse, fort lié avec ledit marquis, et je réponds que, malgré toute fâcheuse supposition, cette liaison avait toujours été honnête. Lefépure était un original de génie, mathématicien, musicien, botaniste, surtout philosophe. Je raconterai peut-être un jour son histoire, mais, en attendant que je retrouve mes notes, je vais consigner ici quelques-uns des détails très-curieux et peu connus, dont Lefébure m'avait garanti l'authenticité. Je regrette seulement d'être obligé de me borner à de simples et vagues souvenirs." Au moment où les députés du Tiers se mirent en état de révolte, à l'Assemblée nationale, contre les ordres du Roi, en juillet 1789, le marquis de Sade était prisonnier à la Bastille, mais il y jouissait d'une demi-liberté, recevant sans cesse des visites, ayant livres et journaux, pouvant communiquer par lettres avec le dehors et sachant par conséquent tout ce qui se passait à Versailles. Je dirai, une autre fois, le déplorable usage qu'il faisait de cette demi-liberté. Il ne manquait pas d'argent et il n'en était pas avare; aussi, geôliers, employés, soldats de la garnison, officiers mêmes, tout le monde avait pour lui une sorte de tolérance, dont il abusait quelquefois. Quand il apprit, par les journaux, et surtout par ses correspondants, les événements qui s'étaient passés à Versailles et qui avaient à Paris un contre-coup d'émotion populaire, il résolut d'en profiter pour hâter sa délivrance. Il fit des placards écrits en lettres capitales teintées en rouge et portant pour inscriptions: Peuple, viens détruire l'infâme Bastille! Citoyens, venez secourir l'infortune! - Aux armes, braves Français! Venez en aide aux victimes de la tyrannie! Les prisonniers vous appellent et sont prêts à vous recevoir! Après avoir préparé pendant la nuit ces placards séditieux, il alla, pendant sa promenade ordinaire sur la plate-forme de la citadelle, les attacher aux bouches des canons. Les yeux étaient alors toujours tournés vers la Bastille; on aperçut les placards, on les signala, on les lut au moyen de lunettes d'approche, et leur lec. ture émut vivement la population du faubourg St-Antoine. Des groupes se formèrent, la foule se rassembla, en manifestant des sentiments et des projets hostiles. Le gouverneur de la Bastille fut averti; on enleva les placards et l'on fit une enquête pour savoir qui les avait affichés sur les tours. Personne ne dénonça le marquis de Sade. Lui, recommença le même jeu; à sa nouvelle promenade, nouveaux placards plus incendiaires. Le faubourg était dans une agitation croissante. C'était l'instant où le jardin du Palais-Royal devenait le tumultueux rendez-vous des agents secrets de la conspiration révolutionnaire. Dans ses placards, le marquis de Sade disait au peuple: 500 malheureux prisonniers vont périr, si vous tardez à venir à leur secours. On commençait à crier: Aux armes ! dans les rues de Paris. Mais le siége de la Bastille n'eut lieu que le lendemain. Dans la soirée, M. de Launay, qui avait reçu l'ordre de faire évacuer les prisonniers sur différentes prisons, jugea prudent de ne pas conserver le marquis de Sade, qu'il avait mis aux arrêts dans sa chambre et qui faisait un vacarme infernal; criant, hurlant, brisant tous ses meubles, essayant d'y mettre le feu, au risque d'être brûlé vif. Le gouverneur avait reçu, à l'égard de ce détenu, pleins pouvoirs d'user des dernières rigueurs, pour le tenir en respect: il ne voulut pas, par considération pour sa famille, le faire conduire dans un cachot; l'envoya, dans une voiture fermée, sous la conduite de deux gardiens, au donjon de Vincennes; mais la foule empêcha la voiture de passer, et force fut de changer son itinéraire. C'est à Charenton que les gardiens du marquis de Sade le conduisirent bien garrotté, en le menaçant de lui casser la tête, s'il bougeait: le voyage fut long et difficile. Le directeur de l'hospice ne reçut qu'avec beaucoup de répugnance le nouyel hôte qu'on lui adressait au nom du roi, et il exigea un ordre en forme du gouverneur de la Bastille, que les deux émissaires de M. de Launay s'engagèrent à lui apporter. Pendant ce temps-là, le siége de la Bastille devenait inévitable: le peuple était armé et il croyait que la forteresse renfermait un grand nombre de prisonniers d'Etat. On répandait le bruit que l'on y avait amené la nuit le comte de Mirabeau 399 et la plupart des députés rebelles. La copie des placards du marquis de Sade passait de mains en mains, lorsque l'émeute du Palais-Royal se dirigea sur la Bastille, pour en faire le siége. On sait le reste. La Bastille prise, ou plutôt rendue au peuple en vertu d'une capitulation, qui fut noyée dans le sang du malheureux gouverneur, on chercha les prisonniers et on en trouva deux qui avaient été oubliés dans leur prison. Le jour même, le marquis de Sade, qui n'était pas écroué à Charenton, sortit librement et rentra dans la vie privée. Peu s'en était fallu qu'il n'eût été porté en triomphe par les vainqueurs de la Bastille. Voici maintenant les renseignements que nous fournit la Bastille dévoilée (Paris, Desenne, 1789), recueil précieux, quoique rempli d'erreurs, rédigé à la hâte par Charpentier, qui s'est trompé certainement sur les dates à propos du marquis de Sade, qu'il fait sortir de prison un mois avant la prise de la Bastille: c'est un jour ou une nuit, et non un mois, qu'il aurait dû dire. Au reste, cet ouvrage présente des différences notables dans certains exemplaires où des pages ont été réimprimées, et nous croyons avoir vu un exemplaire dans lequel l'auteur disait, en propres termes, que le marquis de Sade avait eu une triste participation aux événements du 14 juillet 1789. Il faut remarquer, en outre, que l'article qui le concerne (3o livraison, pages 64 et 65) est placé justement au milieu des faits relatifs à la prise de la Bastille, et après la notice sur le comte de Solages, qui était resté dans sa prison et qui fut délivré par les assiégeants. Je citerai donc, sans aucun commentaire, le passage, plus ou moins altéré, qui fait figurer le marquis de Sade parmi les héros du 14 juillet. « Le marquis de Sade, détenu à Vincennes d'abord et ensuite à la Bastille, pour des expériences inhumaines qu'on l'accuse d'avoir faites en Provence sur des individus vivants. Si la prise de la Bastille eût eu lieu un mois plus tôt, il aurait été mis en liberté comme tous les autres prisonniers qu'on y a trouvés. Il n'y avait pas plus de trois semaines qu'il avait été transféré à Charenton, à la suite d'une scène qu'il eut avec les officiers de l'étatmajor. Voici comment le nommé Lossinote, son porte-clefs, nous l'a racontée. A une heure réglée, le marquis de Sade avait la promenade des tours. Les troubles de Paris, qui croissaient chaque jour, obligèrent le gouverneur à redoubler de précautions et à faire charger les canons, et par suite à interdire les tours à tous les prisonniers. M. de Sade ne fut pas content de ces raisons, s'emporta et jura de faire un tapage affreux, si le nommé Lossinote ne lui rapportait pas une réponse favorable à une requête de parler, à cet effet, de sa part, au gouverneur. M. de Launay persiste dans 400 son refus; M. de Sade alors prend un long tuyau de fer-blanc, à l'une des extrémités duquel était un entonnoir qu'on lui avait fait faire pour vider plus commodément ses eaux dans le fossé. A l'aide de cette espèce de porte-voix qu'il adapte à sa croisée, qui donnait sur la rue St-Antoine, il crie, il assemble beaucoup de monde, se répand en invectives contre le gouverneur, invite les citoyens à venir à son secours, dit qu'on veut l'égorger. Le gouverneur, furieux, dépêche un courrier à Versailles; on obtient un ordre et le lendemain, dans la nuit, M. de Sade est transféré à Charenton. Sa femme, qui existe encore, venait quelquefois le voir à la Bastille. Les divers habits galonnés, brodés et même de caractère, qu'on a dû trouver à la Bastille, lui appartenaient. Il les avait apportés, avec lui, de Vincennes; nous n'avons pu savoir l'usage qu'il en faisait. Ce prisonnier avait fait tapisser et meubler sa chambre à la Bastille. » Il est incontestable que le récit de Charpentier est, sauf la date, absolument conforme à celui de Lefébure, qui n'avait probablement pas lu la Bastille dévoilée et qui tenait du marquis de Sade lui-même les circonstances précises qu'il m'a rappelées avec la plus grande précision. Il en résulte donc que le marquis de Sade, le trop célèbre auteur de Justine et de Juliette, mérite bien de partager la gloire de Camille Desmoulins qui criait dans le jardin du Palais-Royal: «Citoyens! aux armes! Allons assiéger la Bastille et délivrer les prisonniers d'Etat ! » P. L. Bibliophile JACOB. - Beaux vers d'un jeune poëte inconnu (X, 129). Le poëte en question a nom Louis-Marc-Emile Saussine, né à Paris le 14 mars 1814, mort en 1833. – L'édition belge de la Servitude volontaire, d'Etienne de la Boëtie, a été préparée par Charles-Antoine Teste (né à Bagnols, le 27 mai 1782, mort à Paris, le 30 août 1848, frère cadet de l'avocat célèbre, ministre sous Louis-Philippe, qui a si mal fini. La préface et les notes sont de Charles Teste qui a fait, de ses nom et prénom, l'anagramme de Rechastelet, sur le titre du volume. Les vers ne sont pas antifrançais, mais anti-napoléoniens, ce qui était chose hardie au temps où Béranger, Hugo, Barthélemy, chantaient << le grand homme. » Le jeune poête avait un sens plus juste de l'histoire que la plupart de ses contemporains. Les événements de ces derniers temps lui ont donné complétement raison. (Bruxelles.) F. D. |