761 blet dans son Glossaire, ridiculiser par la citation de ce dialogue la naïveté et l'insouciance prétendues des Picards. N. M. (Grenoble). C'est le commencement de ces mille et une facéties de chambrées ou d'ateliers, dont l'origine semble souvent défier tout le savoir des Intermédiairistes. La fin de la phrase est telle : « Qu'é que ça m'fa, j'ai le clef dans me poque!» Et tout le monde de rire. Le Picard répondra au Bourguignon: « Vas donc faire désaler ta queue! » A l'Auvergnat : « C'est le Bon Dieu de St-Flour qui t'en a remontré si long. » Etc., etc. On sait pourtant que le Picard n'est ni naïf ni indolent. LN. G. - La fin du dicton porte : « Fut-che. J'ai l' clé dins m' poche!» qui est, comme on voit bien, la réponse du Picard. C'est-àdire « Fût-ce (Quand ce serait!), j'ai la clé dans ma poche, >> circonstance merveilleuse, en effet, et qui suffit amplement à rassurer l'insouciant possesseur de la baraque! Mais, à dire vrai, je n'admets point la quiétude prêtée à mes compatriotes en de telles occasions : c'est bien plutôt du contraire que j'ai été témoin. On ne peut se figurer la terreur, l'effervescence causées, dans les villages picards, par le seul cri: Au feu! quand même ce cri serait jeté mal à propos. L'absurde stoïcisme indiqué par le dicton ne s'est jamais révélé à moi. JACQUES D. 762 employée par Saint-Simon et par J.-J. Rousseau. M. Littré nous le dit, au mot « But » de son Dictionnaire. Je suis sûr de l'avoir rencontré dans d'autres écrivains. Il y a, si je ne me trompe, dans un de nos grands ou de nos petits classiques, un morceau se terminant par ce vers : J'ai vécu, c'est assez, et mon but est rempli. L. Cette question a un air de famille avec la précédente, surtout en ce que notre collabo Ignotus emploie contre la locution vicieuse de Louis Veuillot des objections auxquelles il suffirait de répondre, comme à la question qui précède : on ne remplit pas seulement son verre, son encrier, puisqu'on remplit un espoir, un souhait, un dessein. Mais Ignotus a complétement raison quand il dit qu'un écrivain comme Veuillot devait écrire : un but à atteindre, absolument et par la même raison qu'on dit un but à viser. — Littré, qui condamne formellement remplir un but, constate cependant que J.-J. Rousseau et Saint-Simon se sont servis de cette façon de parler. N. M. - Littré dit : « Remplir le but » est une locution qu'on entend, qu'on lit tous les jours, mais elle est vicieuse; car on « atteint» un but, on ne le « remplit » pas. Cette faute, qui doit être évitée soigneusement, n'est pas récente; il y en a des exemples dans Saint-Simon : « Il avait très-industrieusement et très-frauduleusement rempli le but » (chap. 346); et dans J.-J. Rousseau: « Je ne remplirais pas le but de ce bon... confesseur. » De Saint-Simon, la faute ne m'étonne pas, car si c'est, par la force, par l'originalité de la pensée et du style, un de nos plus grands écrivains, c'est un des plus faibles au point de vue grammatical. On n'en saurait dire autant de J.-J. Rousseau; mais il est des mots mal formés que même un écrivain de génie ne saurait imposer à une langue. Remplir un but semble être dans ce cas. E.-G. P. Expression détestable, condamnée par tous les traités de cacologie, et qu'on s'étonne de retrouver sous la plume de Veuillot, qui passe pour un puriste. Il n'y a rien à ajouter aux observations trèsjustes d'Ignotus. Sa question contient la réponse. (Nimes.) CH. L. 763 nullement l'idée d'un adjectif. On disait autrefois en France: La Perrette, la une telle. Je ne saurais dire si cette forme familière est venue chez nous à la suite de nos guerres en Italie ou avec nos reines d'origine italienne (Catherine et Marie de Médicis). D'Olivet, cité par Littré, blâme cette locution: Ne dites pas le Dante. Les exemples qu'il en rapporte ne sont pas plus anciens que Scarron, qui a écrit la L'Esville, et Boileau, qui, probablement pour se moquer du provincial qu'il met en scène, lui fait dire: Le Corneille est joli quelquefois. E.-G. P. - J'ai entendu un Italien s'écrier, avec un peu de colère, que ceux qui, en parlant de l'auteur de la Divine Comédie, disaient le Dante, étaient aussi ridicules que ceux qui, en parlant de nos grands poëtes, Hugo, Lamartine, Musset, diraient le Victor, l'Alphonse et l'Alfred. JACQUES DE MONTARDIF. Vignette (X, 707). Ce nom de vignette dérive, suivant Littré, du mot vigne, parce qu'autrefois, dans les dessins qui ornaient la première page d'un livre ou d'un chapitre, les pampres et les ceps figuraient généralement. Larousse donne la même étymologie. A. NALIS. - Ce nom a été primitivement donné à des encadrements ou à des culs de-lampe, en forme de feuilles de vigne, de grappes de raisin, de ceps. Ensuite on l'a étendu abusivement aux estampes qui ornent un livre et qui contiennent des personnages. Littré se borne à constater l'usage par extension du mot vignette, sans l'approuver ni le blâmer. Le Dictionnaire de l'Académie ne signale pas cette extension, que je serais tenté de rejeter, non-seulement à cause de son silence, mais aussi parce qu'elle répugne aux choses auxquelles on l'applique. E.-G. P. 764 Au col Chansons de collége (X, 708). lége, de mon temps, c'est-à-dire vers 1830, on attribuait à Casimir Delavigne la paternité de la chanson: V'là c'que c'est qu' d'êt' lycéen! Je regrette de ne pouvoir satisfaire entièrement l'auteur de la demande; mais voici quelques couplets que ma mémoire me fournit à grand'peine, et qui sont, je crois, le commencement et la fin de l'ouvre en question. A peine fait-il petit jour, Qu'on entend le son du tambour: Il nous représente Alors il faut nous voir bâiller, Entre ses dents marmotte : << Ah! mon Dieu! je dormais si bien !... » Mais cinq heur' et d'mi' ont sonné Ici lacune dans ma mémoire. La récréation arrive, et l'on joue aux barres : « Tu dis qu' je ne l'ai pas pris! « Ça n'est pas vrai ! - T'en as menti! » Il lui donne une claque. Ne croyez pas qu'il en vienne un Chacun les invite, Chacun les excite : 765 la Vénerie, de la Volerie de la Maison du Roi, c'est-à-dire de l'équipage ou plutôt des officiers de la chasse au Vol. Après avoir été très-importante sous Louis XIII, elle a subsisté, avec des diminutions, sous Louis XIV, même sous Louis XV, et elle n'a été supprimée que par Louis XVI. A. M. Le Roi avait plusieurs Vols, c'est-àdire plusieurs Equipages pour la chasse au Vol. Il y avait sans doute un équipage plus restreint, qui était le Vol du Cabinet. Voir Littré (qui ne donne pas le mot, mais qui explique très-bien le sens du Vol, terme de Fauconnerie) et le Complément au Dict. de l'Académie. E.-G. P. Dans Piganiol de la Force, tome Ier, p. 130 : « Du Cabinet du Roi ». H. V. verra qu'il y avait : « Un capitaine général des fauconneries du Cabinet du Roi, qui ne relève en aucune façon du grand fauconnier. Il prend l'ordre du Roi et nomme à toutes les charges de ses quatre Vol. Il a aussi l'honneur de présenter les têtes (lesquelles?) à Sa Majesté, même en présence du grand fauconnier, et a le choix de tous les oiseaux dont on fait présent au Roi. LN G. Marat-sur-Oise (X, 710). — M. P. Ponsin trouvera la réponse à sa question dans un petit travail lu à la Société historique de Compiègne, le 18 janvier 1872, par M. Alexandre Sorel, juge au tribunal civil de la même ville. Ce travail est intitulé: Notice sur le changement de noms de la ville, de Compiègne, de ses rues et de ses localités voisines, pendant la période révolutionnaire; il a été inséré dans le tome I des Mémoires de la Société historique, et un tirage à part en a été publié chez A. Aubry, libraire à Paris. Dans cette notice, M. Alexandre Sorel raconte que, dès le 18 novembre 1793, le président de la Société des Amis de la République de Compiègne proposa de donner à cette ville le nom de Marat-sur-Oise, et que cette proposition fut immédiatement convertie en motion. On chargea le président d'aller, avec deux membres, porter à la Convention le vœu de la Société, en même temps qu'on y conduirait tous les objets trouvés dans les églises. « Cette proposition, ajoute M. Sorel, ne paraît pas avoir été suivie avec autant d'empressement qu'on avait mis d'enthousiasme à la voter, car, le 13 nivôse an II (2 janvier 1794), plusieurs membres de la Société populaire se plaignirent de l'absence d'exécution de l'arrêté relatif au changement de nom de Compiègne, et demandèrent à nouveau l'envoi de commissaires à la Convention, pour présenter la pétition. La Société fit droit à cette réclamation, et désigna deux de ses membres. » 766 Mais, trois jours après, à la séance du 16 nivôse, les deux membres nommés se démirent de la mission qui leur avait été confiée. La Société proposa alors de faire présenter cette pétition aux Jacobins par deux compatriotes dont le républicanisme et les talents lui étaient bien connus, Mathieu, député, et Scellier, juge au tribunal révolutionnaire. «En attendant l'autorisation de la Convention, les membres de la Société populaire de Compiègne s'empressèrent de consacrer entre eux la nouvelle dénomination de la ville. C'est ainsi que, dans le procès-verbal de la séance du 30 pluviôse (18 fév. 1794), figure le passage suivant : « On donne lecture d'une lettre fraternelle de la Commune de Paris. Celle de Marat-sur-Oise y est reconnue par cette mère-patrie comme étant bien véritablement à la hauteur des grands principes du républicanisme, et comme n'ayant jamais dévié, depuis le commencement de la Révolution. » (Archives de la Préfecture de l'Oise.) Le 20 ventôse (10 mars 1794), Mathieu, député de l'Oise, écrivit à la Société populaire que sa demande était renvoyée au comité de la Convention; puis, quelque temps après, Scellier annonça, à son tour, qu'il éprouvait des difficultés à faire admettre cette pétition. Le temps se passa ainsi, et le 9 Thermidor arriva. Alors tout changea de face, et la Société populaire fut la première à demander à la Municipalité de faire disparaître le nom de Marat, que portait encore une des rues de la ville. «Grâce à cette circonstance, dit en terminant M. A. Sorel, l'antique cité de Compiègne (dont la devise est: Regi et Regno fidelissima) ne fut point officiellement débaptisée, et son noble blason, au lion d'azur, ne se vit pas terni par le contact impur du sanglant bonnet rouge, qui était alors l'emblème de cette démagogie effrénée, dont Marat fut l'un des héros. »> ROGER. Proverbes (X, 711).-Nous n'avons pas encore une étude comparée des Proverbes des langues Indo-Européennes. L'ouvrage principal, en français, où l'on trouve des recherches sur les Proverbes de différents peuples de l'Orient et de l'Europe, porte ce titre : « Histoire générale des proverbes, « adages,sentences, apophthegmes dérivés « des mœurs, des usages, de l'esprit et de « la morale des peuples anciens et mo«dernes,» par C. de Méry, 3 vol. (Paris, 1828-29). Quant aux collections différentes de Proverbes chez tous les peuples, on doit l'étude la plus complète au livre de G. Duplessis : « Bibliographie Parémiologique » (Paris, 1847). (Oxford.) H. K. N° 231.] L'INTERMÉDIAIRE DES CHERCHEURS ET CURIEUX. 767 Tout individu un peu au fait des choses littéraires sait que ce très-scandaleux roman est l'œuvre d'Henri-Joseph Dulaurens, qui, après avoir été admis fort jeune chez les chanoines de la Trinité, jeta le froc aux orties, mena en Hollande et en Allemagne la vie d'un misérable aventurier, et mourut dans le couvent de Marienbaum, après une longue détention, à laquelle il avait été condamné comme auteur d'ouvrages irréligieux et immoraux. La Biographie Didot confirme l'assertion de Philarète Chasles; elle avance que le Compère Mathieu « est un des ouvrages « qui ont obtenu le plus de succès, à la fin « du dernier siècle et au commencement « de celui-ci. » La première édition de cette ignoble production parut en 1766, sous la rubrique de Londres; une édition de luxe, accompagnée de gravures, vit le jour en 1796, à l'époque du Directoire, lorsque les ouvrages les plus licencieux se vendaient avec une entière publicité. Nous avons vu une traduction espagnole qui a été, en presque totalité, expédiée en Amérique. T. B. Trouvailles et Curiosités. Une puce canonnière. Lémery dit avoir vu une puce de médiocre grosseur, enchaînée à un petit canon d'argent qu'elle traînait. Ce canon était long comme la moitié de l'ongle, gros comme un ferret d'aiguillette, creux, mais pesant quatrevingts fois plus que la puce. Il était soutenu de deux petites roues en un mot, il avait exactement la figure d'un canon dont on se sert à la guerre. On y mettait quel 768 [25 déc. 1877. quefois de la poudre et on l'allumait : la puce intrépide n'était ni épouvantée, ni alarmée de la détonation de cette artillerie. Sa maîtresse la gardait, dit Lémery, dans une petite boîte veloutée, qu'elle portait dans sa poche, et elle la nourrissait aisément en la mettant tous les jours un peu de temps sur son bras, où la puce suçait quelques gouttes de sang, sans se faire presque sentir. L'hiver fit mourir cette puce guerrière. Croyez-le... ne le croyez pas... (Valmont-Bomare, Dict. d'hist. nat.) P. c. c.: O.D. Un fils de Danton. Il est mort dernièrement, à Pilsen, un lieutenant en retraite nommé George Danton, qui habitait cette ville de Bohême depuis plus de vingt ans, et se trouvait dans une situation assez médiocre pour que sa ménagère dût se livrer accessoirement au métier de blanchisseuse. Une feuille de Pilsen prétend que cet homme était un fils de notre Danton. Rappelons que Danton laissa, à sa mort, arrivée le 5 avril 1794, deux fils d'un premier mariage avec AntoinetteGabrielle Charpentier, qui était morte le 10 février 1793. En juiñ de la même année, Danton se remaria avec Sophie Gély, qu'il laissa grosse au moment de sa mort. Les biographes ne savent rien du résultat de cette grossesse. Les deux fils du premier mariage moururent en 1848 et en 1858. La deuxième femme de Danton se remaria avec un M. Dupin et n'avoua jamais, plus tard, son premier mariage. Il serait donc possible que le lieutenant de Pilsen fût bien un fils de Danton, lequel aurait atteint l'âge de quatre-vingt-trois P. R. ans. Une métaphore corsée de M. E. de Girardin. Paul-Louis Courier s'est écrié bien plaisamment : Seigneur Jésus, préservez-nous de la métaphore! Qu'aurait-il dit, en lisant, dans la France, du 1er décembre, cette phrase si peu française: «< Ainsi se dénoue d'elle-même, parla main de la majorité, sans atteinte portée à aucune liberté, et sous le pied d'un grand citoyen, une très-dangereuse étincelle de guerre civile. » En voyant cette étincelle qui se dénoue sous un pied de grand citoyen, lequel pied est voisin de la main de la majorité, Paul-Louis Courier serait tombé raide, et, en se relevant, il aurait sans doute renouvelé son exclamation: Seigneur Jésus, préservez-nous de la métaphore, mais surtout de la métaphore d'Emile de Girardin ! »> IGNOTUS. Le gérant, FISCHBACHER. Paris. Imp. de Ch. Noblet, 13, rue Cujas. — 5768. |