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époux la liberté, on a reconnu son innocence; il faut donc qu'il soit rétabli dans ses honneurs et dans ses biens.

Madame, lui dit Tibère, ce serait vous préparer une surprise trop cruelle, que de vous flatter sur sa situation. Il n'a dû sa délivrance qu'à l'amour du peuple. C'est à la crainte d'un soulèvement qu'on a cédé; mais en y cédant, on a renvoyé Bélisaire aussi, malheureux qu'il était possible.

N'importe, ma mère, il est vivant, reprit la sensible Eudoxe; et, pourvu qu'on nous laisse ici un peu de terre à cultiver, nous ne serous pas plus à plaindre que tous ces villageois que je vois dans les champs. O ciel! la fille de Bélisaire, s'écria le jeune homme, serait réduite à cet indigne état! Indigne! et pourquoi? lui dit-elle. Il n'était pas indigne des héros de Rome vertueuse et libre. Bélisaire ne rougira point d'être l'égal de Régulus. Ma mère et moi, depuis notre exil, nous avons appris les détails et les petits travaux du ménage; mon illustre père sera vêtu d'un babit filé de ma main.

Tibère ne pouvait retenir ses larmes, et voyant la joie vertueuse et pure qui remplissait le cœur de cette aimable fille. Hélas! disait-il en lui-même, quel coup terrible va la tirer de cette douce illusion! et les yeux baissés, il restait devant elle dans le silence de la douleur.

CHAPITRE VI.

BÉLISAIRE, en ce moment même, entrait dans la cour du château. Le fidèle Anselme le voit, s'avance, reconnaît son maître, et transporté de joie, court au-devant de lui. Mais tout à coup s'apercevant qu'il est aveugle: O ciel, dit-il, ô mon bon maître ! est-ce pour vous revoir dans cet état que le pauvre Anselme a vécu! A ces paroles entrecoupées de sanglots, Bélisaire reconnaît Anselme, qui, prosterné, embrasse ses genoux. Il le relève, il l'exhorte à modérer sa douleur, et se fait conduire vers sa femme et sa fille.

Eudoxe, en le voyant, ne fait qu'un cri, et tombe évanouie : Antonine, qu'une fièvre lente consumait, comme je l'ai dit, fut tout à coup saisie du plus violent transport. Elle s'élance de son lit avec les forces que donne la rage, et s'arrachant des bras de Tibère et de la femme qui la gardait, elle veut se précipiter. Eudoxe, ranimée à la voix de sa mère, accourt, la saisit, > et l'embrasse. Ma mère, dit-elle; ah, ma mère ! ayez pitié de moi. Laissez-moi mourir, s'écriait cette femme égarée. Je ne vivrais que pour le venger, que pour aller leur arracher le cœur. Les monstres! voilà sa récompense! Sans lui, vingt fois ils auraient été ensevelis sous les cendres

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de leur palais. Son crime est d'avoir prolongé leur odieuse tyrannie... Il en est puni; les peuples sont vengés... Quelle férocité! Quelle horrible bassesse!... Leur appui! leur libérateur!.... Cour atroce! conseils de tigres!... O ciel! est-ce ainsi. que tu es juste? Vois qui tu permets qu'on opprime; vois qui tu laisses prospérer.

Antonine, dans ses transports, tantôt s'arrachait les cheveux et se déchirait le visage; tantôt ouvrant ses bras tremblants, elle courait vers son époux, le pressait dans son sein, l'inondait de ses larmes; et tantôt repoussant sa fille avec effroi Meurs, lui disait-elle, il n'y a dans la vie de succès que pour les méchants, de bonheur que pour les infames.

De cet accès, elle tomba dans un abattement mortel; et ces violents efforts de la nature ayant achevé de l'affaiblir, elle expira quelques heures après.

Un vieillard aveugle, une femme morte, une fille au désespoir, des larmes, des cris, des gémissements, et pour comble de maux, l'abandon, la solitude et l'indigence, tel est l'état où la fortune présente aux yeux de Tibère une maison trente ans comblée de gloire et de prospé rité. Ah! dit-il, en se rappelant les paroles d'un sage, voilà donc le spectacle auquel Dieu se complaît, l'homme juste luttant contre l'adversité, et la domptant par son courage!

Bélisaire laissa un libre cours à la douleur de

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