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Dans le passé, la corruption des races enorgueillies de leur prospérité s'est présentée habituellement avec les mêmes caractères. Les chefs de la hiérarchie sociale, n'ayant plus le talent et la vertu de leurs ancêtres, ont perdu l'ascendant que ceux-ci exerçaient sur les autres classes. Leur richesse et leur pouvoir sont devenus l'objet du mépris des populations. Ainsi déconsidérées dans la personne de leurs chefs, les autorités publiques, divisées entre elles par la perte du sens moral, ont déchaîné le fléau des guerres civiles et plongé les peuples dans un état de souffrance. Ceux-ci toutefois conservaient les éléments de bonheur émanant du Décalogue et de l'autorité paternelle. Les pères de famille, pour résister aux calamités qu'amenait la lutte des gouvernants, possédaient au moins le concours de leurs enfants et de leurs serviteurs même pendant la guerre des armées, ils avaient toujours la paix des esprits dans le foyer domestique et l'atelier de travail. Aujourd'hui, cette compensation aux maux de la vie publique est détruite pour les populations désorganisées de l'Occident. Les unités naturelles de toute société humaine, les familles, sont divisées autant que les pouvoirs complexes, opposés aux dangers de la discorde par les sages de tous les temps. J'ai en vain demandé aux historiens compétents de me signaler quelque exemple d'une situation aussi cruelle et aussi dangereuse. Le mal actuel de l'Occident dépasse donc probablement tout ce

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siècles, le principe fondamental de la science sociale. Elle conservera ce rôle bienfaisant si trois calamités sociales peuvent être évitées si les Européens ne corrompent pas directement, par la conquête, les Chinois ruraux; si les lettrés chinois, qui viennent maintenant puiser des idées fausses et de mauvaises mœurs dans les villes de l'Occident, ne se chargent pas eux-mêmes d'accomplir cette œuvre de corruption; enfin, si les speculateurs de l'Europe, qui exploitent les nouveautés dangereuses de notre temps, ne sont pas autorisés à corrompre, au moyen de leurs dangereux engins, les races heureuses et réformatrices de la Mongolie et de la Mandchourie

qui a été connu dans le passé; ou bien, si un tel mal a existé, les races qui l'ont subi ont été désorganisées à ce point que l'histoire n'a pu en garder la mémoire (VI, In. 1). Un fait aussi extraordinaire porte en lui-même son enseignement à cette division sans précédent des esprits et des intérêts, il faut opposer tous les moyens d'union que peut offrir la tradition du passé, contrôlée par l'expérience et la sagesse des contemporains. C'est la connaissance et l'emploi de ces moyens qui deviennent, en Occident, le but principal de la science sociale et impriment un caractère spécial à la méthode d'observation.

S 6.

LES CAUSES DE LA SOUFFRANCE ET LES DIFFICULTÉS
DE LA RÉFORME.

Les différences, que cet ouvrage signale souvent entre les anciens régimes de paix et les nouveaux régimes de discorde, se résument surtout dans le contraste que présentent les idées maîtresses des deux époques.

Au sein des races prospères de tous les temps, la paix sociale était assurée par « les deux fondements » de la constitution essentielle (v, 2). Le Décalogue, accepté comme loi suprême, condamnait les inclinations vers le mal, qui s'incarnent dans chaque nouveau-né et tendent ainsi à envahir ou à ruiner le domaine du bien créé à grand'peine par les générations antérieures. Chez les races simples, les pères avaient l'autorité nécessaire pour réprimer dans les enfants ces tendances vicieuses, et pour dresser l'âge mûr, comme la jeunesse, à perpétuer le règne de la stabilité et de la paix. Chez les races compliquées, les pères de famille étaient paralysés en partie, dans cette haute mission, par les difficultés croissantes attachées à la conquête du pain

quotidien; mais deux nouvelles forces morales suppléaient alors à cette impuissance de l'autorité paternelle. Les ministres de la religion et de la souveraineté, avec le concours des pères placés en tête de la hiérarchie des familles, venaient conjurer la désorganisation de la société. Unis sous l'autorité de la loi suprême, ils se concertaient pour accomplir leur double mission: pour repousser l'invasion du vice originel; pour conserver « la paix de Dieu » et « la paix du souverain ».

Dans tous les temps, les peuples prospères ont compris que leur bonheur émanait des quatre forces morales de la constitution essentielle. Ils y sont restés soumis tant que les ministres de la paix sociale ont fait leur devoir; et souvent même cette soumission traditionnelle a survécu aux défaillances des pouvoirs. Cependant la résistance a commencé lorsque tout espoir d'amélioration a été perdu; et, quand l'attente avait été trop longue, l'esprit de réforme s'est malheureusement exagéré jusqu'à la révolte. C'est ce qui est arrivé en France pendant la seconde moitié du siècle dernier (v, 4).

Vers 1750, les esprits commencèrent à s'égarer dans les académies littéraires et dans les salons parisiens où se réunissaient les lettrés, les nobles et les financiers. Les institutions entravaient alors la libre émission des idées. Se voyant empêchés de réclamer la réforme des pouvoirs publics, les sages laissèrent la parole aux impatients et aux égarés. Ceux-ci, empêchés également d'aborder la véritable question du jour, furent conduits à la déplacer et à pervertir par leurs sophismes l'esprit de leurs contemporains. Ne pouvant réformer par de justes critiques les autorités traditionnelles, ils conçurent l'idée étrange de démontrer que celles-ci, choisies même parmi des saints, resteraient non seulement inutiles, mais nui

sibles. Les sophistes d'Angleterre et d'Allemagne, servis par l'éloquence entraînante de J.-J. Rousseau, fondèrent leur entreprise sur l'affirmation d'un fait absolument faux. Contrairement à l'opinion de tous les sages' et à l'évidence constatée journellement sur leurs babys par les mères et les nourrices, ils enseignèrent que l'enfant vient au monde avec une inclination absolue vers le bien. Enfin la logique appliquée à cette « erreur fondamentale » inculqua aux esprits les conclusions suivantes, d'où découlent, comme conséquence fatale, la ruine de toute société qui les adopte « Le mal n'est pas dans la nature humaine; il est dans les quatre forces morales (v, 2), qui dépravent l'enfant dès sa naissance. Les désordres sociaux proviennent surtout de deux causes de la contrainte prescrite par le Décalogue et exercée par le père de famille; des hiérarchies civiles, religieuses et politiques, qui aggravent l'action coercitive de l'autorité paternelle. Il faut donc abolir ces contraintes et ces hiérarchies; et si les gouvernants tardent trop à remplir cette tâche, il faut les renverser. »

1. « Je trouve que nos plus grands vices prennent leurs plys dès notre plus tendre enfance. C'est passe-temps aux mères de voir un enfant tordre le col à un poulet, et s'esbattre à blesser un chien et un chat. Et tel père est si sot de prendre à bon augure d'une âme martiale, quand il voit son fils gourmer injurieusement un paysan ou un laquais qui ne se défend point, et à gentillesse quand il le voit affiner son compagnon par quelque malicieuse deloyauté et tromperie. Ce sont pourtant les vrayes semences et racines de la cruauté, de la tyrannie, de la trahison. Elles se germent là, et s'élèvent après gaillardement, et profistent à force entre les mains de la coustume.» (MONTAIGNE: Essais, I, XXII.) « Qui n'est pas accoutumé à soumettre sa raison à la raison des autres pendant qu'il est jeune aura beaucoup de peine à écouter les conseils de sa propre raison, et à les suivre, lorsqu'il sera en âge de s'en servir; et il n'est pas difficile de prévoir ce que sera un tel homme.» (LOCKE: De l'Éducation des enfants, § 37.)

2. Dès les premiers mots de la « Déclaration des droits... » de 1789, cette erreur se manifeste en ces termes : « Les représentants du peuple français, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics..., ont résolu d'exposer dans une déclaration solennelle ces droits..., afin que..... ».

Cette doctrine a été propagée dans les esprits, en 1762, par deux livres fameux, Emile et Le Contrat social. Elle a été introduite dans les lois, en 1789, sous la pression des trois faux dogmes qui en dérivent la liberté systématique, l'égalité providentielle et le droit de révolte. Depuis lors, ces trois faux dogmes n'ont pas cessé de semer la discorde, de proche en proche, jusque dans les régions extrêmes de l'Occident1. Jamais le danger social n'a été aussi grand qu'aujourd'hui, car jamais les gouvernants n'ont été aussi enclins à voir la cause de la souffrance dans les forces morales. Dans tous les temps, au contraire, ces forces ont été considérées comme les vraies sources du bien. L'expérience et la raison s'accordent donc pour démontrer la difficulté comme la nécessité de la réforme.

$ 7.

IMPUISSANCE MOMENTANÉE DES GOUVERNANTS TOUCHANT L'ŒUVRE DE LA RÉFORME.

A toutes les époques de prospérité, les gouvernants ont eu pour mission de ramener au vrai les égarés; et ils ont atteint ce but en donnant leur appui aux chefs légitimes de la vie privée, à ceux que le fondateur de la démocratie américaine, Thomas Jefferson, nommait « l'aristocratie naturelle » (VI, In, 8). Aujourd'hui, sous la pression des erreurs qui ont déchaîné les maux dont nous souffrons, ces

4. «Qu'est-ce que la liberté sans la sagesse et sans la vertu? C'est le plus grand de tous les maux possibles; car c'est à la fois la déraison, le vice et la folie, sans limites et sans frein. » (BURKE : Réflexions sur la révolution de France, trad. sur la 3 édition; Paris (s. d.), p. 530.) - «Dans les mêmes positions, les devoirs ne sont pas les mêmes pour tous les hommes, et il est demandé davantage à celui qui a le plus reçu. » (Esprit de M. de Bonald, par M. le docteur DE BEAUMONT, § 148.) — « Le prince peut se redresser lui-même quand il connaît qu'il a mal fait; mais, contre son autorité, il n'y a de remède que son autorité.» (BOSSUET: Politique tirée de l'Écriture sainte, IV, 4.)

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