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l'étendue de fes connoiffances, par la pureté de fes maximes, par la rigidité de fa vie, par la régularité de fes mœurs, & fur tout par une haine déclarée de toute diffimulation & de toute flaterie. Il n'étoit pas né pour la Cour, où il faut avoir un efprit fouple, pliant, accommodant; quelquefois même fourbe & perfide; mais au moins diffimulé & flateur. Il fe trouvoit rarement à la table du Roi, quoiqu'il y fût fréquemment invité; & quand il gagnoit fur lui de s'y rendre, fon air trifte & taciturne étoit une improbation ouverte de tout ce qui s'y difoit, & de tout ce qui s'y paffoit. Avec cette humeur un peu trop fauvage, ç'auroit été un tréfor ineftimable pour un Prince qui auroit aimé la vérité : car parmi tant de milliers d'hommes qui environnoient Alexandre, & qui lui faifoient la cour, il étoit le feul qui eût le courage de la lui dire. Mais où trouve-t-on des Princes qui connoiffent le prix d'un tel tréfor, & qui fachent en faire usage? La vérité perce bien rarement ces nuages que forment l'autorité des Grands, & la flaterie de leurs Courtifans. Auffi, par ce terrible exemple, Alexandre mit tous les gens de bien hors d'état

de lui repréfenter fes véritables intérêts. Depuis ce moment, on n'entendit plus dans fes Confeils aucune parole libre: ceux-mêmes qui avoient le plus de zêle pour le bien public & pour fa perfonne, fe crurent difpenfés de le détromper. La flaterie feule déformais écoutée, prit fur lui un afcendant qui acheva de le corrompre, & le punit justement d'avoir facrifié à la folle ambition de fe faire adorer par les peu ples le plus homme de bien qu'il eût à fa fuite.

Je le répéte avec Sénéque: la mort a de Callifthéne eft Alexandre un pour reproche éternel, & un crime ineffaçable, dont nulle belle qualité, nulle action guerriére quelque éclatante qu'elle puiffe être, ne peut couvrir la honte. Si l'on dit d'Alexandre, il a tué des milliers de Perfes, il a détrôné & fait périr le plus puiffant des Rois de la terre, il a fubjugué des provin

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a Hoc eft Alexandri | dit Darium, penès quem crimen æternum quod tunc magnum regnum nulla virtus, nulla bel- erat; opponetur, & Calforum felicitas redimet.lifthenem. Quotiens di Nam quotiens quis di&tum erit, omnia ocea xerit, occidit Perfarum no tenus vicit, ipfum multa millia; opponetur, quoque tentavit novis & Callifthenem. Quo-claffibus & imperium tiens dictum erit, occi- ex angulo Thraciæ ufque

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2.Curt, lib. 8. cap. 9.

ces & des peuples fans nombre, il a pénétré jufqu'à l'Océan, & porté les bornes de fon empire depuis le fond de la Thrace jufqu'aux extrémités de P'Orient: Oui, dit Sénéque en répondant à chacun de ces faits, mais il a tué Callifthere, & la grandeur de ce crime étoufe celle de toutes les actions.

§. XV..

Alexandre part pour les Indes. Digreffion fur ce Pays. Il attaque & prend plufieurs villes qui paroiffoient imprenables, & court rifque fouvent de sa vie. Il paffe le fleuve Indus, puis l'Hydafpe, & remporte une célébre victoire contre Porus, qu'il rétablit dans fon roiaume.

ALEXANDRE, pour arréter les murmures qui s'élevoient dans fon armée, prit la route des Indes ; & il avoit luimême befoin d'action & de mouvement, perdant toujours dans le repos quelque chofe de la gloire qu'il acqueroit dans les combats. Un excès de va

nité & de folie le porta à entreprendre cette expédition : projet très inutile en ad orientis terminos pro- rit ex his quæ fecit, tulit; dicetur, fed Calli- nihil tam magnum erit, fthenem occidit. Omnia quàm fcelus Callifthenislicet antiqua ducum re- Šence, nat, Quaßt, lib, 6• gumque exempla tranfie- | cap, 23.

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Tui-même, & très dangereux pour les fuites. Il avoit lu dans les vieilles fables des Grecs, que Bacchus & Hercule, tous deux fils de Jupiter comme lui avoient pénétré jufques-là. Il ne voulut pas en faire moins qu'eux; & il ne manquoit pas de flateurs qui entretenoient cette vifion & cette extravagance.

Voila ce qui fait la gloire & le mé-rite de ces prétendus héros, & ce que bien des gens encore, éblouis par un faux éclat, admirent dans Alexandre: une folle envie de courir le monde, de: troubler le repos des peuples qui ne lui devoient rien, de traiter comme enne- mi quiconque refufoit de le reconnoi-tre pour maître, de ravager & d'exterminer tous ceux qui ofoient défendre feur liberté, leurs biens, leurs vies contre un injufte aggreffeur qui venoit du bout du monde les attaquer gratuitement. Ajoutez à cette injuftice criante le deffein imprudent & infenfé de fubjuguer avec grande peine & de grands dangers beaucoup plus de peuples qu'il n'en pouvoit tenir dans l'obéiffance, & la trifte néceffité de fe voir continuellement obligé à les fou mettre de nouveau, & à les punir de

Arrian, de

1328.

feur revolte. C'eft un abrégé de ce que la conquête des Indes va expofer à nos yeux, après que j'aurai dit un mot de la fituation, des mœurs, & de quelques raretés du pays.

Ptolémée divife l'Inde en deux par. ties: l'Inde en deça du Gange, & l'Inde au de-là du Gange. Alexandre n'a point paffé au de-là de la premiére, & il n'a pas même été jufqu'au Gange. Cette premiére partie eft renfermée entre deux grands fleuves : l'Inde qui lui donne fon nom, & le Gange. Le même Ptolémée lui donne pour bornes du côté de l'Occident, le pays de Paropamife, l'Arachofie, & la Gédrofie, qui font partie, ou font voifines du roiaume de Perfe: du côté du Septentrion, le mont Imaüs, qui appartient à la grande Tartarie : du côté de l'Orient, le Gange: du côté du Midi, l'Océan ou la mer de l'Inde,

Tous les Indiens font libres, dit ArIndic. p. 324- rien, & il n'y a point d'efclaves parmi eux, non plus que parmi les Lacédémoniens. Toute la différence qu'il y a, c'eft que ceux-ci fe fervent d'efclaves étrangers, & que les Indiens n'en ont point du tout. Ils ne dreffent point de monumens aux morts, & croient que

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