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XX

SERMON DE VÊTURE

POUR LA FÊTE DE SAINTE ANNE

26 juillet 1618 (1)

Simile est Regnum cœlorum homins negotiatori quærenti bonas margaritas; inventa autem una pretiosa margarita, abiit et vendidit omnia quæ habuit et emit eam.

Le Royaume des cieux est semblable à un marchand qui cherche des perles; et en ayant trouvé une de grand prix, il va, vend tout ce qu'il a et l'achete.

MATT., XIII, 45, 46.

C'est certes tres à propos que Nostre Seigneur dit que le Royaume des cieux est semblable à un marchand, lequel cherchant des perles en trouve en fin une d'un prix et d'une valeur si excellente au dessus de toutes les autres, qu'il va et vend tout ce qu'il a pour l'acheter. Il veut nous faire entendre par cette similitude que les negociateurs du Ciel sont semblables à ce marchand; car, si vous y prenez garde, ils font un mesme negoce, je veux dire, ils negocient de mesme façon. Voyez-vous ce marchand? Il cherche des perles, mais

(1) Ce sermon, déjà mentionné plus haut (note (1), p. 39), a été prèché pour la Vêture des Sœurs Françoise-Jacqueline de Musy et Marie-Françoise Bellet (voir l'Année Sainte, tome Ier, p. 768, et tome II, p. 58). On a peine à s'expliquer la bévue par laquelle Migne l'a inséré deux fois dans son tome IV. Il figure d'abord (col. 1535) d'après le texte de 1641, comme ayant été prononcé pour la Profession de quelques Religieuses de la Visitation, et un peu plus loin (col. 1624), on le retrouve parmi les pièces inédites sous son vrai titre : Pour la fête de sainte Anne.

en ayant trouvé une, il s'arreste à cause de son prix et de son excellence; il vend tout ce qu'il a pour se la rendre sienne. De mesme en font tous les hommes, car chacun cherche la felicité et le bonheur, neanmoins personne ne le trouve que celuy qui rencontre cette perle orientale du pur amour de Dieu, et qui l'ayant trouvée, vend tout ce qu'il a pour l'avoir.

Le malheur est que les hommes constituent la felicité chacun en ce qu'il ayme: les uns aux richesses, les autres aux honneurs; mais ils se trompent bien, car tout cela n'est point capable d'assouvir et contenter leur cœur. Saint Bernard le dit fort bien*: Ton ame, o homme, est de grande estendue, et nulle chose ne la peut remplir ni satisfaire que Dieu seul. On en voit l'experience en Alexandre qu'on appelle le Grand, lequel apres avoir assujetti à son empire presque toute la terre, ne fut neanmoins pas satisfait; car un fol philosophe luy ayant fait accroire qu'il y avoit encores d'autres mondes que celuy cy, il se mit à pleurer dequoy il croyoit ne les pouvoir conquerir *. Or pensez, de grace, si celuy qui a possedé si eminemment les biens et les richesses de la terre par dessus tout autre n'est pas content, qui donc le

pourra estre ?

Serm. IV in Festo Omnium SS., § 5, sermo 1 in Dedic. Eccl., § 2.

Plutarc., De Tran

quill. Animi, c. IV. (Cf. Tr. de l'Am. de Dieu, 1. III, c. x.)

Dieu, 1. V, c. vII.

Certes, non seulement les choses terrestres ne sont pas capables de satisfaire nos cœurs, mais non pas mesme les celestes; et cecy nous le voyons tres bien en la Magdeleine *. La pauvre Sainte, toute esprise de Cf. Tr. de l'Am.de l'amour de son Maistre, retourna pour le chercher devant que nul autre, apres qu'il fut mort et mis dans le sepulcre; mais ne l'ayant trouvé, ains des Anges, elle ne se peut contenter, bien qu'ils fussent tres beaux et habillés à l'angelique *. Les hommes, pour grans qu'ils soyent Joan., xx, 1, 12, 13. et pour magnifiquement ornés qu'ils puissent estre, ne sont rien aupres des Anges, leur lustre n'a point d'esclat et ne sont pas dignes de comparoistre en leur presence; aussi voit-on que jamais ils n'ont apparu aux hommes sans que ceux ci ne soyent tombés dessus leur face*, n'estans pas capables de supporter la splendeur et l'esclat x, 16; Dan., x, 9. de la beauté angelique. La tres sainte Vierge, laquelle a

Gen., XVIII, 2;

Judic., XIII, 20; Tob.,

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des sureminences si grandes, et qui est si particulierement gratifiée au dessus de tous les Anges, s'estonne neanmoins à la veüe de saint Gabriel qui l'estoit venu trouver pour parler avec elle du tres sacré mistere de l'Incarnation *.

Magdeleine ne s'amuse point autour de ces celestes Esprits, ni à la beauté de leur visage, ni à la blancheur de leurs vestemens, ni moins encores à leur maintien plus que royal. Elle va, elle tourne tout autour d'eux, et ils l'interrogent: Femme, pourquoy pleures-tu? et que cherches-tu? Ils m'ont prins mon Maistre, respond elle, et je ne sçay où ils l'ont mis. Les Anges luy demandent : Pourquoy pleures-tu? comme s'ils eussent voulu dire: N'as-tu pas bien sujet de te resjouir et d'essuyer tes larmes en nous voyant? Quoy, la splendeur et beauté de nos faces, l'esclat de nos vestemens, nostre magnificence plus grande que celle de Salomon, n'est-elle pas capable de t'apaiser? O certes non, mon cœur ne se peut contenter à moins que de Dieu. Magdeleine ayme mieux son Maistre crucifié que les Anges glorifiés.

L'Espouse, au Cantique des Cantiques *, dit que son Bien-Aymė ayant frappé à sa porte passa outre; et elle, ayant ouvert et ne le trouvant pas, s'en va apres luy pour le chercher, puis rencontrant les gardes de la ville elle leur demande si elles ont point veu son BienAymé: Hé, de grace, si vous le rencontrez, annoncezluy que je languis d'amour. Et apres, elle adjouste que les gardes de la ville l'ont toute blessée. Tous ceux qui prattiquent l'amour sacré sçavent que ses blesseures sont diverses et qu'il blesse les cœurs en plusieurs façons, dont l'une est d'estre arresté et empesché de demeurer en ce qu'il ayme *. L'amante sacrée dit que les gardes l'ont blessée parce qu'elles l'ont arrestée, car rien ne blesse tant un cœur qui ayme Dieu que de se voir retenu loin de Dieu. Tout cecy n'est que pour servir de preface à ce discours.

Le Royaume des cieux, dit Nostre Seigneur, est semblable au marchand qui vend tout ce qu'il a

pour acheter la perle inestimable qu'il a trouvée. Le pur amour de Dieu est cette perle pretieuse que les negociateurs du Ciel trouvent, et pour laquelle acheter il faut qu'ils vendent tout ce qu'ils ont. Nous voyons que ces anciens Chrestiens qui ne se contentoyent pas d'observer les commandemens de Dieu, mais aussi se mettoyent à la prattique exacte de ses conseils *, quittoyent *Vide supra, p.153. tout sans reserve; si que l'on pouvoit veritablement bien asseurer qu'ils n'avoyent qu'un cœur et qu'une ame*, *Act., iv, 32-35. car le mot de tien et de mien n'estoit jamais entendu parmi eux.

**

Mais escoutez, je vous prie, le maistre de tous et le Prince des Apostres : Voicy, dit-il à Nostre Seigneur, que nous avons tout quitté ; quelle recompense en aurons-nous *? Sur quoy le grand saint Bernard luy parle en ces termes : O pauvre saint Pierre, comme vous pouvez-vous ainsy vanter d'avoir tout quitté, et quelle rayson avez-vous d'exagerer l'abandonnement que vous avez fait, disant que vous avez quitté toutes choses, puisque vous n'estiez qu'un pauvre pescheur et n'aviez quitté qu'une petite barque et des rets? A quoy il respond luy mesme : C'est assez tout quitter et abandonner que de ne se reserver point de pretentions au monde, et qui plus est, de se quitter et abandonner soy mesme. Les Religieux et Religieuses ont esté de tout temps fort loués et estimés à cause de ce parfait abandonnement de toutes choses; mais laissons les Religieux et ne parlons que des Religieuses, puisqu'il est plus à mon propos.

Le grand saint Augustin* fait reproche aux Manicheens dequoy en leur religion ils n'ont rien de semblable ni qui approche tant soit peu la vertu des vierges renfermées dans les monasteres, lesquelles sont pures comme des colombes et font vœu d'une perpetuelle chasteté; mais sur tout il extolle ce renoncement de toutes choses, disant qu'elles ont tellement quitté tout ce qu'elles avoyent qu'elles n'ont rien en particulier, et que jamais les mots pernicieux de mien et de tien ne s'entendent parmi elles. Le bienheureux saint Ignace,

Matt., XIX, 27.

**In verba Ecce nos

reliquimus; post S. Greg. Mag., hom. v

*Cf. Enarrat. in Ps. CXXXII; Epist. CCXI.

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escrivant à un de ses amis*, luy recommande expressement les vierges et les vefves congregées dans les monasteres; les vierges comme consacrées à Dieu, et les vefves comme l'autel. Il les recommande tant les unes que les autres, à cause du grand renoncement qu'elles ont fait de tout ce qui est sur la terre, tant de ce qu'elles possedoyent comme des pretentions qu'elles pouvoyent avoir, comme aussi à cause de leur parfait renoncement à elles mesmes.

C'est à ce renoncement parfait que vous estes appellées maintenant, mes tres cheres filles. C'est une pretention bien haute que de conquerir le pur amour de Dieu, qui est la perle pretieuse que vous cherchez et que vous. avez trouvée, laquelle neanmoins ne se peut acheter qu'au prix de toutes choses. Si vous la voulez avoir il est en vostre pouvoir, mais aussi il faudra faire l'abandonnement parfait de tout, et ce qui est encores plus, il vous faudra quitter vous mesme, le pur amour de Dieu ne pouvant souffrir aucun compagnon. Il ne veut pas seulement estre exempt de rival, mais il veut estre seul dans nos cœurs et y regner paisiblement; car quand il cesse de regner, il cesse quant et quant d'estre *.

Nous avons deux nous mesmes lesquels il faut renoncer et abandonner totalement et sans aucune reserve pour estre vrays Religieux. Nous avons ce nous mesme exterieur que saint Paul* appelle viel homme; nous avons encor l'autre nous mesme, qui est nostre propre jugement et nostre propre volonté, et en ce nous mesme icy consiste le noeud de l'affaire. Il faut voirement bien renoncer et mortifier le corps, mais ce n'est pas assez, il faut mortifier sur tout l'esprit. Escoutez l'Espouse au Cantique des Cantiques *, laquelle dit que si quelqu'un donne toute sa substance pour Dieu, pour son pur amour, il ne l'estimera rien, croyant de n'avoir gueres donné pour une perle si pretieuse. La pretention de tous les Religieux n'est point moindre que de se transformer tout en Dieu, pretention digne certes d'un cœur genereux, et pretention que nous devrions tous avoir. Mais resouvenons-nous que ceux qui entreprennent de

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