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dit-il, je me vois au bout de mon terme. Ce n'est pas tout, repartit le bon Pere, il faut entreprendre encores un autre exercice pour autres trois ans si vous voulez estre parfait. Vous avez bien et fidellement fait ce que je vous ay commandé ces trois années, il est vray, mais il ne faut pas s'arrester là. O Dieu, dit le pauvre garçon, quoy, n'est-il pas encores fait ? faut-il encores recommencer? est-il requis de faire si souvent des noviciats ? trois ans ne suffiront-ils pas? Helas, je pensois estre parfait en le voulant, et cependant il y a encores tant à faire ! Apres qu'il eut bien fait ses plaintes, le bon maistre ne s'en estonnant pas beaucoup, commença à l'encourager disant que puisqu'il avoit desja tant fait il failloit poursuivre, que la perfection estoit un si grand bien qu'il ne failloit pas regretter la peine ni le temps que l'on employe à l'acquerir.

En fin le pauvre novice fut si bien persuadé qu'il promit de faire encores ces trois ans ce qu'il luy diroit. La prattique que le Pere luy recommanda fut de recevoir si bien les mortifications, mespris, corrections et humiliations que jamais il ne manquast de faire quelque service ou quelque present à ceux qui les luy procureroyent, et cela tout promptement; et s'il n'avoit rien autre chose à donner, qu'il fist des bouquets pour leur presenter, ou des stolles, ou telles et semblables choses. Ce qu'il promit d'accomplir, et le fit fort fidellement, bien qu'il ne manquast pas d'exercice; car le bon Pere donna le mot du guet aux Religieux pour l'esprouver comme il failloit, si qu'à tous propos il estoit en peine de faire des presens, d'autant que les mespris, mortifications et humiliations ne luy manquoyent point.

Or, le second noviciat estant parachevé il vint rendre compte à son maistre, plein du desir de sçavoir s'il estoit parfait. Mais le Pere luy dit: Mon fils, il n'appartient qu'à Dieu de juger si vous l'estes ou non; mais si vous voulez, nous en ferons bien une petite espreuve. Le Pere donques le fit tout barbouiller et le mena dans une ville qui estoit proche de là, à la porte de laquelle il y avoit des soldats qui n'avoyent pas autre chose à faire qu'à

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regarder les passans et prendre d'eux sujet de rire, de maniere que si tost qu'ils virent ce pauvre jeune homme ils commencerent à se mettre apres luy qui le brocardoit de parolles, qui venoit jusques aux coups, d'autres l'injurioyent; bref, ils s'en jouoyent tout ainsy que s'il eust esté fol. Et ce qui leur faisoit prendre opinion qu'il l'estoit, fut que tandis que ces soldats le traittoyent comme j'ay dit, il avoit une joye telle dans le cœur qu'elle paroissoit sur sa face, et à mesure qu'on luy disoit plus d'injures il sembloit estre plus joyeux et content. Ce qui surprenoit fort les assistans et contentoit grandement le bon Pere qui le regardoit pendant cette espreuve.

L'un des soldats retournant en fin son esprit sur la contenance de ce pauvre novice, plein d'estonnement, se print à l'interroger, luy demandant comment il pouvoit rire (il ne rioit pas d'un grand ris, ains se sousrioit seulement), ne comprenant pas qu'un homme peust demeurer aussi insensible aux injures comme il le sembloit estre. Voyez-vous, Nostre Seigneur permet tousjours que les vertus de ses vrays amis et serviteurs soyent reconneues par quelques-uns. Lors le bon novice respondit : Certes, il me semble que j'ay bien rayson de rire et d'estre content, car je possede la paix en mon ame parmi toutes les attaques et risées que vous me faites; mais de plus, j'ay un grand sujet de contentement, car en verité vous m'estes bien plus doux et gracieux que n'a pas esté mon maistre que vous voyez là, lequel m'a icy amené; car il m'a tenu trois ans en telle sujetion, qu'il failloit que je fisse quelque present à tous ceux qui me maltraittoyent pour recompense de l'offence qu'ils m'avoyent faitte. Et cependant, vous taschez de me tourmenter et affliger, et vous ne m'obligez point à vous en recompenser.

Grande estoit la paix que ce jeune homme possedoit en son ame, puisque les injures, les moqueries et les risées d'une trouppe desbauchée ne l'avoyent nullement esbranlé. C'est la vraye paix, mes cheres ames, que je vous desire, qui se conserve, ains qui s'accroist emmi la guerre et les tourbillons des vents des persecutions,

humiliations, mortifications et contradictions que nous rencontrons en cette vie mortelle, afflictions et peines qui seront en fin suivies des consolations et repos eternel, pourveu que nous les ayons souffertes avec paix interieure à l'imitation de ce bon Religieux. Or, telle paix ne s'acquiert en cette vie que par l'union de l'entendement, de la memoire et de la volonté avec l'esprit, ainsy que nous avons monstrẻ tantost; de plus, elle ne se peut trouver hors de la sainte Eglise, ainsy que l'experience nous l'enseigne tous les jours, et en fin finale elle ne se rencontrera jamais qu'en l'obeissance du saint Evangile lequel n'est que paix *. Amen.

*Vide supra, p.286.

XXXI

SERMON DE VÊTURE

POUR LE DIMANCHE DE QUASIMODO

26 avril 1620 (1)

(Inédit)

Gen., xx1, 8.

Cf. supra, p. 128, et tom.præced.huj. Edit., p. 142.

En la primitive Eglise on celebroit la feste d'aujourd'huy fort solemnellement, parce que c'estoit la feste des nouveaux convertis et catechisės; c'est pourquoy on l'appelle le Dimanche blanc, d'autant que les nouveaux baptizės se revestoyent à tel jour de robes toutes blanches. Jadis, en l'ancienne Loy, l'on n'avoit pas accoustumė de faire feste à la naissance des enfans, comme on fait en beaucoup de lieux, ains seulement quand on les sevroit, ainsy que nous apprenons en l'histoire d'Abraham, lequel ne fit pas de festin à la naissance d'Isaac son cher fils, ains au jour qu'on le retira de la mammelle et qu'on le sevra *. Les Chrestiens ne doivent pas solemniser le jour de leur naissance, ains celuy de leur renaissance, qui est celuy de leur Baptesme*; c'est pour cette cause que le grand saint Louys roy de France ne vouloit pas estre appellé Louys de France, mais Louys de Poissy, parce que c'estoit le lieu où il avoit esté baptizė et celuy de sa naissance spirituelle.

La grace que nous recevons au jour de nostre Baptesme est certes grande, car nous sommes rendus enfans de Dieu. Mais grande est aussi la grace que Dieu nous fait au jour où il nous reçoit pour estre entierement dediés

(1) Vêture des Sœurs Marguerite-Agnès de Rajat et Claude-Cécile de Châtel. (Pour cette dernière, voir l'Année Sainte, tome IV, p. 106.)

S.Anton., c.xXXVII,

à son service, car c'est une nouvelle renaissance spirituelle en laquelle, comme la pluspart des Peres tiennent*, Vid.S.Athan.,Vita nous sommes remis en l'innocence premiere; c'est à dire, qu'au mesme instant où ceux qui se dedient tout à fait au service de Nostre Seigneur font cette offrande d'eux mesmes, ils sont rendus purs comme des enfans qui viennent d'estre baptizės.

Ce n'est donques pas sans juste rayson que l'on a accoustumé de faire des grandes solemnités en la reception ou Profession des Religieux et Religieuses, puisque ce n'est pas seulement le jour où ils sont sevrés et retirés de la mammelle, de la jouissance des consolations terrestres et perissables, à fin d'estre sustentés de viandes plus solides et qui les nourrissent à l'immortalité, le bon Pere celeste les fortifiant petit à petit par l'exercice des vertus appartenantes aux plus forts, telles qu'elles se trouvent en Religion. Ce n'est pas non plus seulement pour ce que c'est le jour de leur naissance spirituelle auquel ils reçoivent la grace divine et renouvellent les promesses qu'ils ont faittes, ou que l'on a fait pour eux en leur Baptesme, de vivre selon les commandemens de Dieu; mais ils solemnisent beaucoup plus parfaittement et se resjouissent davantage en cette journée, d'autant que c'est celle de leur renaissance. En effect, ils ne se contentent pas de renouveller les vœux, à sçavoir les promesses d'observer les commandemens de Dieu, ains se resolvent d'entreprendre la prattique des conseils de Nostre Seigneur et de vivre selon la perfection du saint Evangile. Ce que pour mieux faire, ils embrassent la vie religieuse en laquelle ils peuvent plus facilement qu'en nulle autre, demeurer inviolables en leurs resolutions.

Grande donques, pour toutes les raysons que nous venons de dire, doit estre la joye de ces ames qui se presentent aujourd'huy à fin d'estre dediées au service amoureux de la divine Bonté. Cependant, la Religion est un continuel exercice de mortification, de renoncement et despouillement de soy mesme; il faut crucifier la chair avec toutes ses sensualités*, la propre volonté avec tous ses desirs, renoncer au monde et à toutes les

et notas ad illum locum apud Ros

weydum, in Vitis Patrum.

Galat., v, 24.

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