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XXXV

SERMON POUR UNE VÊTURE

17 octobre 1620 (1)

(INÉDIT)

L'honneur que la sainte Eglise a tousjours porté à la sacrée Vierge a esté cause qu'outre les festes qu'elle solemnise le long de l'année, elle en fait encores une particuliere qui est celle que nous celebrons aujourd'huy; je veux dire que l'Eglise, pour monstrer le grand honneur et amour qu'elle professe pour cette sainte Dame, luy dedie le samedi de chaque semaine quand en iceluy il n'escheoit point de feste double.

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Or, à la sainte Messe de ce jour on recite pour l'ordinaire l'Evangile* où il est dit qu'une bonne femme Lucæ, x1, 27, 28. oyant parler Nostre Seigneur s'escria : Bienheureux est le ventre qui t'a porté et les mammelles qui t'ont allaitté. Mais le Sauveur, par un saint contreschange luy respondit: Bienheureux sont ceux qui escoutent la parole de Dieu et la gardent. Voyez-vous par où commence cette femme qui veut louer Nostre Seigneur? Par le ventre qui l'a porté et par les mammelles qui l'ont allaitté; comme si elle eust voulu dire, poussée de la grande estime qu'elle avoit conceüe de la grandeur et excellence de nostre divin Maistre O qu'heureux

(1) La date du jour est précisée par le Manuscrit, dans lequel ce sermon est précédé de ce titre Pour la veille de saint Luc. Or, comme la seule cérémonie de Vêture (celle des Sœurs Paule-Jéronyme et MargueriteScholastique Favrot) qui ait eu lieu à Annecy le 17 octobre se rencontrait en 1620, il n'y a pas de doute que cette allocution ait été prononcée pour la circonstance. (Voir l'Année Sainte, tome V, p. 70, et tome XII, p. 340.)

P. 347.

sont le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées! et par consequent, que la Dame qui a esté esleüe pour ta mere est bienheureuse!

Et nostre Sauveur approuvant son dire: O femme, luy respond-il, il est vray; car quel Cherubin ou autre Esprit celeste se peut vanter qu'il ayt esté dit de luy : *Heb., 1,5. Cf. supra, Celuy-cy est mon Fils*? Il n'y en a pas un duquel ayt esté prononcée cette parole amoureuse. De mesme il n'est pas de Seraphin ni de creature quelle qu'elle soit, hormis Nostre Dame, à qui le Sauveur ayt dit Vous estes ma Mere. O non certes, ces paroles: Celuy cy est mon Fils, ne sont dites ni pour Cherubin ni pour Seraphin, ains seulement pour nostre Sauveur, qui est luy seul vray et legitime Fils du Pere eternel. Et le tiltre de Mere de Dieu est reservé à la sacrée Vierge qui l'a porté dans ses chastes entrailles où il prit chair humaine. Voyla pourquoy, o femme, il est vray ce que tu dis; mais d'autant que le sein et les mammelles que tu loues n'ont point d'intelligence et par consequent ne meritent point de louanges, je t'asseure que bienheureux sont ceux qui entendent la parole de Dieu et la gardent. Et quoy que ma Mere soit bienheureuse d'estre Mere de Dieu, neanmoins elle l'est en quelque façon davantage pour avoir entendu cette parole et l'avoir gardée.

Or, bien que le texte de cet Evangile soit fort court, neanmoins si je me voulois arrester sur toute l'histoire d'iceluy je serois extremement long. J'ay desja plusieurs *Vide supra,pp.90- fois, et mesme en ce lieu icy, parlé sur ce sujet *, mais il me reste quelques choses à dire qui me semblent bien

92, 181, 231, 232.

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propos touchant l'action que nous allons faire à present. Laissant donques les premieres paroles prononcées par Nostre Seigneur pour considerer la derniere, je diviseray ce mien discours en trois points au premier nous verrons que c'est qu'ouyr la parole de Dieu; au second, comme il la faut garder; au troisiesme, comment sont bienheureux ceux qui l'oyent et qui la gardent.

Quant au premier, Dieu a coustume de nous enseigner sa volonté et faire entendre sa parole en trois façons. La premiere c'est par le moyen des hommes qui ont

l'intelligence et connoissance de la Sainte Escriture, comme les docteurs et predicateurs qui journellement nous preschent et annoncent la divine parole, la laideur du vice et la beauté de la vertu. Certes, nous les devons escouter avec beaucoup de reverence et attention, comme aussi nos Superieurs et toutes personnes inspirées et esclairées de l'Esprit de Dieu, par lesquelles il nous signifie ses volontés et son bon playsir. Mais ces paroles, quoy qu'inspirées de Dieu, sont paroles d'hommes, et pour l'ordinaire ne demeurent pas dans les cœurs, ou au moins fort peu. Ce n'est pas que l'on n'entende bien les semonces qui nous sont faites tant par les predicateurs que par les Superieurs; l'on en est mesme quelquefois touché, mais pour la pluspart des Chrestiens ces enseignemens ne font que passer par une oreille et sortir par l'autre.

O Dieu, d'où vient qu'ils produisent si peu de fruits? car nous sommes Chrestiens, disons-nous, et comme tels nous escoutons de la voix des hommes la parole divine*. Il est vray que nous sommes Chrestiens, mais ⚫I Thess., II, 13. helas, nous nous contentons d'en porter le nom sans ouyr comme tels cette parole sacrée, car nous y apportons si peu d'attention, de foy et de devotion qu'elle ne peut faire ses effects dans nos cœurs. Pourtant nous croyons ce qu'on nous dit. Sans doute, ce nom de Chrestien veut que nous y croyions; cependant cette croyance et cette foy est toute endormie; voyla pourquoy ce qu'on nous presche et enseigne ne nous proffite point. De plus aussi, ces sacrées semonces sont proferées par les hommes qui ne peuvent pas donner à leurs discours la force et vertu qu'ils desireroyent. Ils ont beau crier, exhorter, se peiner, si la vertu de Dieu ne les anime et que de vostre costé vous n'y apportiez quelque disposition, rien ne vous en demeurera dans le cœur.

Dieu a encores une autre façon de parler à ses creatures c'est par le ministere des Anges. Cette-cy est plus relevée et fait dans les ames de merveilleux effects. Toute la Sainte Escriture en est pleine. Ces bienheureux Esprits annoncent aux hommes les divins vouloirs avec une telle force que leurs paroles sont en quelque façon

* Judic., XIII, 20; Tob., XII, 16; Dan., X, 9, 16, 17.

*

XXII, 8.

operatives et apportent quant et elles un certain respect et reverence. En tesmoignage dequoy tous ceux que la divine Majesté a tant favorisés en leur enseignant ses volontés et son bon playsir par le moyen de ces glorieux messagers, se sont tousjours grandement humiliés, les uns se jettant par terre en signe de profond abaissement, les autres escoutant avec crainte et tremeur ce qui leur estoit dit par iceux *. Voire, il y en a qui les ont voulu adorer *, pensans voir Dieu mesme qui leur parloit, tant Apoc., XIX, 10, estoit grande la majesté de ces celestes Esprits et merveilleux les effects que leurs paroles operoyent dans les cœurs, le Seigneur s'en servant pour fidelles interpretes * Exod., xxxIII, 11; de ses volontés. Il est escrit que Dieu parla à Moyse sur la montagne de Sina cœur à cœur, bouche à bouche; toutefois il est dit aussi ailleurs que Dieu ne parla jamais à aucun homme. Cependant saint Hierosme *, fidelle interprete de la Sainte Escriture, tient que ce fut vrayement Dieu, mais par le ministere des Anges. Que s'ils parlerent à Moyse, suivant l'opinion de ce Docteur, o Dieu, combien grans furent les effects que leurs paroles

Num., XII, 8.

* Cf. supra, p. 338, * Comm. in Galat.,

lin. 4.

ad II, 19.

* Exod., XXXIV, 29; opererent en iceluy *!

II Cor., III, 7.

* Cf. Osee, II, 14.

*

*

Mais la troisiesme façon par laquelle Dieu se fait entendre aux hommes est tres admirable et familiere : ses effects sont tout autres, car il leur parle interieurement*. Il entretient Moyse cœur à cœur et luy enseigne ce qu'il doit faire touchant la conduite des Israëlites, et en tant d'autres choses desquelles il l'instruisoit si clairement et confidemment, tantost par ses Anges, comme nous avons dit, et tantost par luy mesme. Il apprit à Salomon *Cf. III Reg., v, 12; comme il devoit bastir le Temple*; il a aussi parlé à tant d'autres saints personnages, et ses paroles ont operé ce qu'elles disoyent.

I Par., XXVIII, 19.

Mais, mon Dieu, que cette divine parole est admirable! elle s'escoule dans l'ame avec tant de douceur, elle la penetre, l'embrase et demeure en icelle. Certes, il est tres vray que le fond du cœur est reservé à Dieu seul et qu'il n'y a que luy qui le puisse penetrer. Ce sont ces advertissemens que Nostre Seigneur a prononcés en cent endroits de la Sainte Escriture: Va, vens tout ce

Ibid., XVI, 24.

que tu as et me suis*. Et ailleurs: Quiconque veut Matt., XIX, 21. venir apres moy, qu'il renonce à soy mesme, prenne sa croix et me suive*. Puis aussi en d'autres endroits : Bienheureux sont les pauvres d'esprit, car le Royaume des cieux est à eux; bienheureux les debonnaires, car ils possederont la terre*. Et plusieurs tels enseigne- Ibid., v, 2, 3. mens sortis de la divine bouche de nostre cher Sauveur, lesquels estans entendus de grand nombre de personnes ont fait et font encores aujourd'huy de si merveilleux effects. Ils ont penetré et sondé le fond de leur cœur, et leur ont fait quitter tout ce qu'elles avoyent pour suivre Nostre Seigneur où il les appelloit; et ce contre l'esprit et jugement du monde qui condamne et tient pour folie le tiltre de bienheureux que nostre divin Maistre donne aux pauvres d'esprit*. Bienheureux sont ceux Cf. supra, p. 344. qui escoutent la parole de Dieu et la gardent.

Un jour le grand saint Antoine ayant receu des lettres de l'Empereur et voyant ses Religieux tout estonnés de l'honneur que ce prince luy faisoit, il les reprint en leur monstrant leur aveuglement. Et quoy, dit-il, vous vous estonnez que l'Empereur qui n'est qu'un homme comme un autre m'ayt escrit et envoyé un de ses ambassadeurs, et vous ne vous estonnez point que Nostre Seigneur nous parle dans la Sainte Escriture? Voire, non content de cela, il nous envoye ses messagers, qui sont ses Anges, pour nous faire entendre ses volontés, et de plus il vient encores luy mesme s'incarner et demeurer sur cette terre pour nous enseigner en propre personne *. Helas! qui est-ce qui nous couvre les yeux de fange, pour n'admirer point ces merveilles et pour nous estonner si fort de ce que font les hommes à l'endroit de leurs semblables? Cet estonnement de saint Antoine ne procedoit d'autre cause sinon de la connoissance qu'il avoit du grand bien et honneur qui nous revient d'entendre la parole de Dieu. Bienheureux donc ceux qui l'escoutent et la gardent.

Or, voyci mon second point. Plusieurs oyent cette divine parole; mais ce n'est pas assez, il la faut garder, et pour la garder il la faut mascher et avaler. Qu'est-ce

*S. Athan., Vita S. Ant., § 81. Cf. In

trod. a la Vie dev.,

Partie II, c. XIII.

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