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propres qu'à lasser et fourvoyer ceux qui voyagent; il les faut donques redresser et esgaliser pour la venue de Nostre Seigneur. Il faut redresser tant d'intentions. sinistres et obliques, pour n'en avoir qu'une, celle de plaire à Dieu en faisant penitence; ce doit estre le but auquel nous devons viser. Tout ainsy que le marinier, quand il conduit sa nacelle a tousjours l'œil sur l'aiguille marine, et que ceux qui conduisent ces petites barques tiennent tousjours le timon, de mesme devons-nous avoir sans cesse l'œil ouvert pour embrasser les actes de la penitence et pour nous y exercer. Mais il se trouve des personnes lesquelles ne veulent point regarder la penitence jusqu'à ce qu'elles n'en puissent plus. Oh, disent elles, Dieu est si bon et misericordieux, nous nous arrangerons bien avec luy; donnons-nous seulement du bon temps, puis à l'heure de la mort nous dirons un bon peccavi et Dieu nous pardonnera. Qu'est-ce que cela *II Reg., xii, 13. sinon une grande presomption de la part de ces ames qui prennent occasion de la bonté divine pour croupir dans leurs pechés? Hé! ne sçavent-elles pas qu'encores que Dieu soit infiniment misericordieux, aussi est-il infiniment juste, et que quand sa misericorde est irritée elle provoque sa justice *?

*

* Cf. Rom., II, 4, 5.

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Redressez les chemins du Seigneur, c'est à dire, esgalez vos humeurs par la mortification de vos passions, inclinations et aversions. Cette esgalité d'humeur est la plus aggreable vertu qui soit en la vie spirituelle et pour laquelle on a tousjours à travailler *. Mon Dieu, que Cf. supra, p. 414. c'est une chose merveilleusement suave que de considerer la vie de nostre cher Sauveur et Maistre, car l'on y voit reluire cette parfaite esgalité parmi tant de divers accidens ! Certes, personne ne l'a euë en telle perfection que luy et la sacrée Vierge nostre Mere, qui seule, apres son Fils, a esté sans peché. Tous les autres Saints ont bien travaillé en l'acquisition de cette perfection, mais quoy qu'ils ayent fait, il n'y en a pas un qui n'ayt esté quelque peu raboteux; leur esgalité n'a point esté si esgale qu'il ne s'y soit trouvé quelqu'inesgalité, non pas mesme en saint Jean Baptiste, car il avoit,

selon l'opinion de quelques Docteurs, commis des pechés *Vide tamen supra, veniels *.

P. 160.

O Dieu, que ce seroit une chose amiable et suave de voir en un homme cette esgalité d'humeur ! Nous en sommes tant esloignés, nous sommes si variables et inconstans! L'on trouvera des personnes qui estans de bonne humeur sont encores d'une conversation aggreable; mais tournez la main, vous les trouverez chagrines et inquietes. Vous en verrez d'autres à qui il faut parler à cette heure d'une façon, et devant qu'il soit une heure il leur faudra parler d'une autre. Tel aura maintenant le cœur en douceur, mais pour peu que vous attendiez il sera aigre et aspre. En somme, qu'est-ce que l'on voit parmi nous? Rien autre chose que bigearrerie et inesgalité.

Ce sont les chemins que nous devons redresser pour l'avenement de Nostre Seigneur ; et pour le bien faire, il nous faut aller à l'escole du glorieux saint Jean Baptiste, et nous mettre, ou plustost le prier de nous recevoir, au nombre de ses disciples; car voyez-vous, ce grand Saint les envoya au Sauveur pour estre instruits de luy, il les remit entre ses mains et Nostre Seigneur les garda, car apres la mort de saint Jean ils furent ses disciples. Si donques ce glorieux Precurseur nous reçoit, il nous remettra entre les mains de nostre Sauveur, qui à son tour nous remettra entre celles du Pere eternel, lequel nous louerons à toute eternité avec iceluy et le Saint Esprit. Amen.

XLI

SERMON POUR LA VEILLE DE NOEL

24 décembre 1620 (1)

V-VIII.

Nous faisons aujourd'huy la feste de l'attente de l'enfantement de la glorieuse Vierge, c'est à dire nous attendons la venue et naissance de nostre cher Sauveur et Maistre. Or, mon dessein est de vous faire un petit catechisme auquel je vous veux parler de l'Incarnation, car cecy n'est pas une predication ni une exhortation. Tous sont obligės, selon saint Thomas *, d'entendre les IIa IIa, qu. 11, art. mysteres de la foy et de sçavoir ce qu'ils doivent croire; non pas comme les theologiens pour en disputer, o non, je ne dis pas cela, mais en la façon qui convient aux simples fideles. Plusieurs s'efforcent de les prescher et bien faire saisir, mais il y en a peù qui les croyent et les entendent bien. De là vient que lors qu'on considere ces mysteres l'on fait souvent des erreurs; car, comme pouvons-nous mediter ce que nous ne connoissons pas ? C'est pour cela qu'en ces maysons l'on enseigne le catechisme aux novices*, à ce qu'elles sçachent ce qu'elles doivent croire et comme elles doivent entendre ce qu'elles meditent. Je ne parleray pas doctement en ce lieu du mystere de l'Incarnation, ains tout simplement à fin que l'on me puisse facilement comprendre. Pour ce faire, je diviseray mon discours en trois points: au premier nous verrons qui a fait le mystere de l'Incarnation; au second,

(1) D'après la rédaction, ce sermon doit remonter à la dernière période de la vie de saint François de Sales, et comme en 1620 le saint Evêque a prêché l'Avent à ses Religieuses, il est vraisemblable que cette allocution fait partie de la même station.

Cf. Coutumier et Directoire pour les Religieuses de la Visit., art. vi, viii.

Joan., III, 16.

C. IV.

que c'est que l'Incarnation; au troisiesme, pourquoy l'Incarnation a esté faite.

Premierement, nous sçavons que c'est le Pere qui nous a donné son Fils, car nous lisons * que Dieu a tant aymé le monde qu'il luy a donné son Fils unique. Neanmoins ce n'est pas le Pere seul qui a fait l'Incarnation, ains aussi le Fils et le Saint Esprit. Et, bien que la tres sainte Trinité soit intervenue en ce mystere, neanmoins il n'y a que la seconde Personne qui se soit incarnée. Les anciens Docteurs, particulierement saint De Vita Christi, Bonaventure *, rapportent plusieurs similitudes de cecy pour nous le faire entendre; mais pour vous le rendre plus intelligible je l'accommoderay à nostre façon. Voyla une fille à qui l'on donne l'habit: la Superieure, la Directrice ou Maistresse l'habillent, luy mettent sa robe, mais elle ne laisse pas pour cela de s'ayder. Trois personnes interviennent donc en cette action : cette fille, la Superieure et la Directrice; neanmoins il n'y en a qu'une qui soit habillée, à sçavoir celle qui prend l'habit. Ainsy en est-il de l'Incarnation le Pere fait l'Incarnation, le Saint Esprit la fait et le Fils aussi qui s'incarne luy mesme. Mais ni le Pere ni le Saint Esprit ne se sont incarnés, c'est seulement la Personne du Fils qui demeure vestue de la robe de nostre humanité.

Il y a plusieurs autres similitudes semblables à celle cy et propres à faire entendre ce mystere. Voyla un prince que l'on habille de sa pourpre ou robe royale. Ce sont deux seigneurs qui l'en revestent, et luy, qui est la troisiesme personne, reçoit la robe. Mais encores que les autres l'habillent, il ne laisse pas pourtant de faire quelque chose, il remue les bras et les mains pour s'ayder; cependant, de ces trois personnes il ne demeure que le prince d'habillé. C'est ainsy que nous pouvons entendre comment les trois Personnes de la tres sainte Trinité se sont aydées au mystere de l'Incarnation, quoy qu'il n'y ait eu que le Fils qui se soit revestu de nostre nature. Tout ce que cette adorable Trinité opere hors de soy se doit attribuer aux trois Personnes divines, car ce que fait le Pere, le Fils et le Saint Esprit le font aussi,

d'autant que bien qu'ils soyent trois Personnes ils ne sont toutefois qu'un seul Dieu, n'ayant qu'une mesme sapience, puissance et bonté. Et combien que l'on attribue la puissance au Pere, la sapience au Fils et la bonté

au Saint Esprit *, neanmoins le Pere n'est pas luy seul Cf. tom. præced. tout puissant, ains le Fils et le Saint Esprit le sont aussi. hujus Edit., p. 307. De mesme, le Fils n'est pas luy seul tout sage, mais le Pere et le Saint Esprit ont aussi la mesme sapience et sagesse, comme ce divin Esprit n'est pas non plus luy seul la toute bonté. Il n'y a donc qu'un Dieu en trois Personnes, et ce Dieu est tout puissant, tout sage et tout bon. L'on nomme encores la premiere Personne, qui est le Pere, Seigneur et « Createur du ciel et de la terre; >> ce n'est pas à dire pour cela que le Fils et le Saint Esprit ne soyent aussi bien createurs que le Pere, puisqu'ils n'ont tous trois qu'une mesme puissance avec laquelle ils ont fait et creé toutes choses. Donques, ce n'est point le Pere seul ni le Saint Esprit tout seul qui a fait l'œuvre de l'Incarnation, ains c'est le Pere, le Fils et le Saint Esprit, mais le Fils demeure incarné. Or, quand on vous demandera qui a fait ce grand mystere, vous respondrez que c'est la tres sainte Trinité, mais. qu'il n'y a que la seconde Personne qui ayt pris nostre humanité.

Le second point est Qu'est-ce que l'Incarnation? Ce n'est autre chose que l'union hypostatique de la nature humaine avec la divine, union si estroitte que bien qu'il y ayt deux natures en ce petit Enfant qui va naistre, elles ne font qu'une personne. Or, nous voyons en luy trois substances le corps, la nature divine et l'ame; mais nous ferons mieux entendre cecy par des similitudes. La manne estoit une figure de l'Incarnation du Verbe. Je sçay bien que c'estoit aussi une figure de l'Eucharistie, ainsy que le disent nos anciens Peres*; cependant, entre ce mystere et celuy de l'Incarnation il n'y a que cette difference, qu'en la Nativité l'on voit Dieu incarné en sa propre personne, et en l'Eucharistie nous le voyons en une forme plus couverte et en une façon plus obscure. C'est de part et d'autre le mesme Dieu homme

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Cf. tom. VII hujus

Edit., pp. 272, 293,

et tom. VIII, pp.23,

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