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monstra bien par cette action. Si nous choisissons en cette vie la couronne d'espines, indubitablement nous aurons celle d'or apres nostre mort, en l'eternité des Bienheureux, où nous jouirons pleinement de l'amour de ce cher Sauveur, qui ne desire rien tant que de nous voir brusler de ce feu sacré duquel il a dit qu'il l'a apporté en terre et qu'il ne l'a fait sinon à fin qu'il brusle *. Amen.

* Lucæ, XII, 49.

VII

SERMON POUR LE TROISIÈME DIMANCHE DE CARÊME

22 mars 1615 (1)

Saint Bernard, duquel la memoire est douce à ceux Ubi supra, p. 28. qui ont à parler de l'oraison, escrivant à un Evesque * luy mandoit que tout ce qui luy estoit necessaire estoit de bien dire (s'entend d'enseigner, de parler), puis de bien faire en donnant bon exemple, en fin de vacquer à l'oraison. Et nous, addressant cecy à tous les Chrestiens, nous arresterons au troisiesme point qui est l'oraison.

Remarquons d'abord en passant que, si bien nous condamnons certains heretiques de nostre temps qui tiennent que l'oraison est inutile, nous ne pretendons pas neanmoins, avec d'autres heretiques, qu'elle est seule suffisante pour nostre justification. Nous disons seulement qu'elle est tellement utile et necessaire que sans icelle nous ne sçaurions parvenir à aucun bien, d'autant qu'au moyen de l'oraison nous sommes enseignés à bien. faire toutes nos actions.

J'ay donques approuvé le desir qui m'esmeut à parler

(1) La date de ce sermon est écrite par l'Auteur sur le Sommaire autographe publié dans le tome précédent sous le no CV. En outre, les mots : « Nous traitterons donques ces quatre Dimanches suivans... » prouvent que les trois sermons donnés ci-après remontent également au Carême de 1615; c'est ce que confirment diverses allusions contenues dans celui du Dimanche des Rameaux (voir pp. 65, 66, 69). A l'appui de notre assertion peut encore être citée une lettre de sainte Jeanne-Françoise de Chantal, écrite au printemps de la même année, dans laquelle il est question de ces discours sur l'Oraison. L'éditeur de 1641 a jugé bon de réunir ces quatre sermons, bien qu'ils soient distingués soigneusement dans les Manuscrits, et de les donner comme ne formant que deux pièces, confusion qui a été maintenue dans les éditions postérieures. Par une inconsidération que l'on a peine à s'expliquer, Vivès et Migne attribuent à ces deux pièces le titre suivant : « Sermon de l'Orayson, pouvant se rapporter au cinquiesme » et « au sixiesme Dimanche apres Pasques, n

C. XXXI.

de l'oraison, bien que ce ne soit pas mon dessein d'expliquer chaque espece d'icelle, parce que l'on en sçait plus par experience qu'il ne s'en peut dire. Aussi importe-t-il peu d'en sçavoir les noms, et je voudrois que jamais l'on ne demandast ni le nom ni quelle oraison l'on a; car s'il est vray, comme le dit saint Anthoine *, que *Cassian., Coll.IX, l'oraison en laquelle on s'apperçoit que l'on prie est imparfaite, aussi celle que l'on fait sans sçavoir comment on la fait et sans refleschir sur ce que l'on demande, monstre assez que l'ame est fort occupée en Dieu, et par consequent cette oraison est fort bonne. Nous traitterons donques ces quatre Dimanches suivans de la cause finale de l'oraison, de la cause efficiente, de celle qui ne se peut pas proprement appeller materielle, ains de son objet, et de la cause effective ou de l'oraison en elle mesme. Pour maintenant je ne parleray que de la cause finale; mais avant que d'entrer dans le sujet de l'oraison, il faut que je dise trois ou quatre petites choses qu'il est bon de sçavoir.

Quatre actions appartiennent à nostre entendement : la simple pensée, l'estude, la meditation et la contemplation *. La simple pensée est lors que nous allons courant sur une grande diversité de choses, sans aucune fin, comme font les mouches qui se vont posant sur les fleurs sans en pretendre tirer aucun suc, ains s'y posent seulement parce qu'elles s'y rencontrent. Ainsy nostre entendement passant d'une pensée à une autre, bien que ces pensées soyent de Dieu, si elles n'ont une fin, loin d'estre bonnes elles sont inutiles et nuisibles et apportent un grand empeschement à l'oraison.

Une autre action de nostre entendement est l'estude, et celle cy se fait lors que nous considerons les choses seulement pour les sçavoir, pour les bien entendre et pour en pouvoir bien parler, sans avoir autre fin que de remplir nostre memoire; et en cela nous ressemblons aux hannetons qui se vont posant sur les roses, non pour autre fin que pour se saouler et se remplir le ventre. Or, de ces deux actes de nostre entendement nous n'en dirons pas davantage, parce qu'ils ne font pas à nostre propos.

Cf. Tr. de l'Am.de Dieu, 1. VI, cc. I, II.

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Venons à la meditation. Pour sçavoir que c'est que meditation il faut entendre les paroles du roy Ezechias lors que la sentence de mort luy fut prononcée, laquelle fut despuis revoquée par sa penitence: Je crieray, dit-il, comme le poussin de l'arondelle, et mediteray comme la colombe* au plus fort de ma douleur. Il vouloit dire : Lors que le petit de l'arondelle est tout seul et que sa mere est allée querir l'herbe chelidoine pour luy faire recouvrer la veuë *, il crie, il piole, d'autant qu'il ne sent plus sa mere proche de luy et qu'il ne voit goutte. Ainsy moy, ayant perdu ma mere qui est la grace, et ne voyant venir personne à mon secours, je crieray. Mais il adjouste: Et mediteray comme la colombe. Il faut sçavoir que tous les oyseaux ont accoustumé d'ouvrir le bec lors qu'ils chantent ou gazouillent, hormis la colombe, laquelle fait son petit chant ou gemissement retenant sa respiration au dedans d'elle, et par le groulement et retour qu'elle fait de son haleine sans la laisser sortir, en reussit son chant. De mesme, la meditation se fait lors que nous arrestons nostre entendement sur un mystere duquel nous pretendons tirer des bonnes affections, car si nous n'avions cette intention ce ne seroit plus meditation, ains estude. La meditation se fait donques pour esmouvoir les affections, et particulierement celle de l'amour; aussi la meditation est elle mere de l'amour de Dieu, et la contemplation, fille de l'amour de Dieu.

Mais entre la meditation et la contemplation il y a une petition qui se fait, lors que apres avoir medité la bonté de Nostre Seigneur, son amour infini, sa toute puissance, nous entrons en confiance de luy demander et le prier de nous donner ce que nous desirons. Or, il y a trois sortes de demandes, lesquelles se font differemment la premiere se fait par justice, la seconde se fait par authorité et la troisiesme se fait par grace *. La demande qui se fait par justice ne se peut pas appeller priere, bien que nous usions de ce mot, parce que nous demandons une chose qui nous est deüe. Celle qui se fait par authorité ne se doit non plus appeller priere; aussi voit-on que si une personne qui a beaucoup d'authorité

dessus nous, comme sont peres, seigneurs ou maistres, use de ce mot de priere, nous luy disons incontinent : Vous pouvez commander, ou : Vos prieres me servent de commandement. Mais la vraye priere est celle qui se fait par grace, lors que nous demandons une chose qui ne nous est point deüe, et que nous la demandons à quelqu'un de fort sureminent par dessus nous, comme est Dieu.

La quatriesme action de nostre entendement est la contemplation, laquelle n'est autre chose que se complaire au bien de Celuy que nous avons conneu en la meditation et que nous avons aymé par le moyen de cette connoissance. Cette complaisance fera nostre felicité là haut au Ciel.

Il nous faut donques parler de la cause finale de l'oraison. Nous devons sçavoir premierement que toutes choses sont créées pour l'oraison, et que lors que Dieu crea l'Ange et l'homme il le fit à fin qu'ils le louassent eternellement là haut au Ciel, bien que ce soit la derniere chose que nous ferons, si derniere se peut appeller ce qui est eternel. Ce que pour mieux entendre, nous dirons que quand nous voulons faire quelque chose, nous regardons tousjours à la fin premier qu'à l'œuvre. Par exemple, si nous faisons bastir une eglise et que l'on nous demande pourquoy nous la faisons faire, nous respondrons que c'est pour nous y retirer, et là dedans chanter les louanges de Dieu; neanmoins ce sera la derniere chose que nous ferons. Une autre similitude : si vous entrez en la chambre d'un prince, vous y verrez une voliere de divers petits oyseaux qui sont dans une cage bien colorée et bien accommodée; et si vous voulez sçavoir la fin pour laquelle on les y a mis, c'est pour donner du playsir à leur maistre. Si vous allez regarder en un autre lieu, vous y verrez des esperviers, faucons et tels oyseaux de proye qui sont chaperonnés, et ceux là sont pour prendre la perdrix et autres oyseaux pour nourrir delicatement le prince. Mais Dieu qui n'est point carnassier, ne tient pas de ces oyseaux de proye, ains seulement des petits oyselets qui sont enfermés dans la voliere pour luy donner du playsir. Par ces petits oyselets

SERM. III

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