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cela, car cette façon d'agir est insupportable à ceux qui sçavent tant soit peu que c'est que la devotion. Venez y à fin d'y vivre en une profonde humilité et entiere resignation, pour y recevoir d'un cœur esgal les desolations comme les consolations, les douceurs et les tribulations, les secheresses et les degousts. Que si Dieu vous donne des consolations ou grains de dragées, baysez-luy la main et le remerciez tres humblement, mais ne vous arrestez Cf.Introd. a la Vie point à cela, ains passez outre et vous humiliez *. devote, Partie IV,

C. XIII.

*Cant., 1, 3.

Certes, c'est une grande pitié que l'on voye Nostre Seigneur tant souffrir, se soustraire à tous les playsirs et consolations qu'il pouvoit recevoir parmi ses souffrances, ne se servant que de ce dont il ne se pouvoit priver, et que nous autres nous soyons tant amateurs de ces gousts qu'il semble que l'on ne travaille que pour en avoir! Pour peu qu'on en ayt l'on s'amuse tant à les regarder et les sentir que l'on ne fait rien qui vaille. Ces douceurs ne servent que d'amusement à certaines ames trop avides et desireuses de telles choses. Helas! elles ne sont pas necessaires, vous n'en estes pas meilleures pour cela; Dieu ne les accorde pas seulement aux justes ains aux pecheurs, car il en donne bien quelquefois à des ames qui sont en estat de peché et hors de sa grace: pourquoy donques vous y arrestez-vous tant? Considerez, je vous prie, ce petit nouveau né dans la creche de Bethlehem, escoutez ce qu'il vous dit, regardez l'exemple qu'il vous donne. Il a choisi les choses les plus aspres et souffreteuses qui se puissent imaginer pour le temps de sa Nativité. O Dieu, qui pourroit demeurer aupres de cette creche tout le long de cette octave il se fondroit d'amour, voyant ce petit Enfant en si pauvre lieu, pleurer et trembler de froid. Oh, avec quelle reverence la glorieuse Vierge vostre Mere alloit regardant ce cœur qu'elle voyoit tout palpitant d'amour dans sa poitrine sacrée, comme alloit-elle essuyant ces douces larmes qui couloyent si suavement des doux yeux de ce beni Poupon ! Comme couroit-elle à la suave odeur de ses vertus * !

Voyla donques ce Dieu incarné. O que c'est une belle chose à considerer que le mystere tres haut et tres

profond de l'Incarnation de nostre Sauveur! Mais tout ce que nous en pouvons entendre et comprendre par le discours n'est rien, et pouvons bien dire à ce propos ce que disoit un sage qui lisoit un livre tres haut et obscur d'un ancien philosophe (je ne me souviens pas de son

nom *); il advoua franchement : Ce livre est si docte *Vide supra, p.40. et difficile que je n'y entens presque rien; le peu que je comprens est extremement beau, mais je crois que ce que je n'entens pas l'est plus encores. Il eut rayson de parler ainsy. Nous nous pourrons bien servir de ces paroles considerant le mystere de l'Incarnation, et dire : Ce mystere est si haut et si profond que nous n'y entendons rien; tout ce que nous en sçavons et connoissons est extremement beau, mais nous croyons que ce que nous ne comprenons pas l'est encores davantage. En fin nous le sçaurons un jour là haut, où nous celebrerons avec un contentement incomparable cette grande feste. de Noël, c'est à dire de l'Incarnation; là nous verrons clairement tout ce qui s'est passé en ce mystere, et benirons sans fin Celuy qui estant si haut s'est tant abaissé pour nous exalter *. Dieu nous en fasse la grace. Ainsy Cf. Philip., 11, 6, 7; soit-il, amen, ainsy soit-il.

Heb., 11, 9.

XLII

SERMON SUR LE PREMIER VERSET

DU CANTIQUE DES CANTIQUES (1)

Meliora sunt ubera tua vino, fragran

tia unguentis optimis. Vos mammelles sont meilleures que le vin, et respandent des odeurs plus suaves que les onguens les plus exquis. CANT., I, I, 2.

Le Saint Esprit ne resout point si ces paroles du Cantique des Cantiques sont de l'Espoux à l'Espouse ou de l'Espouse à l'Espoux, ou bien des compagnes de l'Espouse à la maistresse Espouse; c'est pourquoy les Docteurs ne l'ont pas aussi voulu resoudre, mais ils disent qu'elles se peuvent entendre en toutes ces manieres. Or, avant que de dire comment, il faut sçavoir que par les mammelles sont representées les affections, parce qu'elles avoisinent le cœur et sont assises sur iceluy, et que du cœur sortent les affections de douceur, de mansuetude et de charité vers les pauvres, les infirmes et les petits enfans; aussi donne-t-on premierement la mammelle aux petits enfans,

(1) On lit dans l'Histoire inédite du 1er Monastère de la Visitation d'Annecy, qu'au début de la fondation de l'Institut le Cantique des Cantiques servait fréquemment de thème aux instructions de saint François de Sales à ses Religieuses. Néanmoins l'indication est trop vague pour permettre d'assigner une date à ce sermon; c'est ce qui a porté les éditeurs à le reléguer à la fin de ce volume.

Ce discours ne se trouvant dans aucun Manuscrit, on a cru devoir le donner exactement d'après le texte de l'édition de 1643, la première qui l'ait publié, sans même en éliminer les nombreuses citations latines, qui, selon toute apparence, ne doivent être attribuées qu'à l'éditeur.

qui sont vrayement pauvres, puisqu'ils n'ont rien et ne peuvent en aucune maniere gaigner leur vie, de sorte que si on ne leur donnoit la mammelle ils mourroyent incontinent.

Premierement, si ces paroles sont de l'Espouse, c'est à dire de l'ame devote à l'Espoux, qui est Nostre Seigneur, vrayement elle a bien rayson de luy tenir ce propos; car les mammelles de Nostre Seigneur sont infiniment meilleures que le vin de tous les contentemens terrestres. Mais quelles sont les mammelles de Nostre Seigneur? L'une de ses mammelles est la longanimité, et l'autre, la debonnaireté. La longanimité nous signifie la patience avec laquelle il attend les pecheurs à penitence*; et la debonnaireté, l'amour et la compassion avec laquelle il les reçoit * lors que, pleins de contrition et de larmes, ils viennent, à l'imitation de sainte Magdeleine, luy bayser les pieds par la conversion de leur Lucæ, vi, 38. cœur et de leurs affections, c'est à dire par un veritable regret de leurs pechés.

Rom., II, 4.

S. Bern., serm. Ix

in Cant.

O que cette longanimité et debonnaireté de Nostre Seigneur reduit et ramene bien mieux les ames à leur devoir, et a beaucoup plus d'efficace et de pouvoir pour les retirer du peché que n'ont pas les corrections des hommes lesquelles sont signifiées par le vin ! Nous en avons plusieurs exemples, entre lesquels en voicy deux signalés. L'un est de l'enfant prodigue; lequel non seulement se separa de son pere, mais encores consomma tout son bien en desbauches. Vous sçavez qu'il est dit en l'Evangile *, qu'il s'en alla en un païs esloigné : *Ibid., xv, 13. Abiit in regionem longinquam. Or, quand on va loin, il faut beaucoup de temps pour retourner. Neanmoins, apres tant de desbauches et une si longue absence, lors qu'il retourna à son pere, non seulement il le receut sans se courroucer contre luy, mais qui plus est, il l'embrassa et le caressa tendrement, et l'ayant fait vestir somptueusement, il luy fit un festin en signe de la joye qu'il

avoit de son retour *, et le traitta avec tant de benignité, * Ibid., ✯✯. 20-24. d'amour et de tesmoignages de bienveuillance qu'il sembloit vouloir luy monstrer plus d'affection apres ses

*

desbauches qu'il n'avoit fait auparavant. L'autre exemple *Lucæ, xxIII, 40-43. est du bon larron *, auquel Nostre Seigneur donna semblablement la mammelle de longanimité, l'attendant à penitence jusques au dernier periode et extremité de sa vie, où il manifesta admirablement sa debonnaireté, luy donnant le Paradis de prime assaut, au premier acte de repentance qu'il fit, sans aucune sorte de mortification precedente. Voyla donques quelles sont les mammelles de l'Espoux.

Soto, Interpr. in Cant., ad locum.

Mais apres que l'Espouse luy a dit: Meliora sunt ubera tua vino; Vos mammelles sont meilleures que le vin, elle adjouste: Fragrantia unguentis optimis; car elles respandent des odeurs tres suaves, qui ne sont autres que les saintes inspirations que Nostre Seigneur va respandant dans les cœurs des fidelles, par lesquelles il les sollicite à se convertir et retirer leurs affections des choses de la terre. Car encores que les mammelles de Nostre Seigneur soyent tres douces et meilleures mille fois que le vin des delices mondaines, neanmoins nous ne nous en approcherions jamais s'il ne nous attiroit par le moyen de ses divines odeurs.

Quelques Docteurs ont encores interpreté ces paroles : Meliora sunt ubera tua, etc., en une autre maniere, entendant par les mammelles de Nostre Seigneur les consolations celestes et divines *; car qui ne sçait que les consolations divines sont infiniment meilleures que le vin des consolations de la terre? Aussi n'est-ce pas merveille si les unes sont comparées au lait et les autres au vin, d'autant que le vin, comme vous sçavez, se tire du raisin. Prenez un raisin et l'espraignez pour la premiere fois vous en tirerez du vin; mais retournez-y la seconde, il le faudra bien presser, et si, vous n'en tirerez plus qu'un peu de suc bien aspre et amer; mais apres, si vous y retournez pour la troisiesme fois vous n'en tirerez plus rien du tout. Ainsy en est-il des consolations du monde; car au commencement et pour un peu vous y trouverez certain goust qui vous donnera quelque sorte de suavité grossiere et impure, laquelle en fin finale se terminera en aspreté et amertume, et si apres vous

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