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XIII

* Joan., vi, 69.

Lucæ, XI, 27.

* Vide Brev. Rom., ad diem.

SERMON DE VÊTURE

POUR LA FÊTE DE NOTRE-DAME DES NEIGES

5 août 1617 (1)

Nostre Seigneur parlant les paroles de la vie eternelle*, une femme s'esleva d'entre le peuple, disant : Bienheureux est le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées *. Voyez-vous, nostre divin Maistre presche, et cette femme se prend à louer Nostre Dame. Hé certes, ce n'est pas sans rayson, d'autant que de la devotion de Nostre Seigneur naist tout incontinent celle de sa tres sacrée Mere, et nul ne peut aymer l'un sans l'autre. La sainte Eglise a accoustumé de nous faire lire cet Evangile aux festes de Nostre Dame, mais tout particulierement aujourd'huy que nous en celebrons une à son honneur. Il me semble mesme que l'histoire que l'Eglise nous presente en ce jour a une tres grande correspondance avec cet Evangile.

On rapporte donques* qu'il y avoit dans la ville de Rome un homme noble nommé Jean, lequel n'ayant point d'enfans, desira de consacrer tous ses biens à la divine Majesté, mais à l'honneur de Nostre Dame; sa femme estoit du mesme sentiment. Or, ne sçachant comme ils le pourroyent faire pour luy estre plus aggreables, ils se mirent en priere; et la nuit il leur fut dit

(1) Vêture des Sœurs Jeanne-Térèse d'Albamey, Jeanne-Hélène de Gérard, Anne-Marguerite et Marie-Gabrielle Clément. (Pour ces deux dernières, voir l'Année Sainte des Religieuses de la Visitation Sainte Marie, tome Ier, p. 40, et tome VII, p. 268.)

en songe d'aller sur le monticule nommé Esquilin, et de faire bastir une eglise à l'honneur de la sacrée Vierge Nostre Dame en l'endroit qu'ils trouveroyent couvert de neige. Miracle certes tres grand au mois d'aoust et en la ville de Rome où les chaleurs sont si excessives. Ce bien heureux Jean s'en alla declarer sa revelation au Pape, et il se trouva que celuy-cy avoit eu le mesme signe. Les trois revelations estans confrontées, on visita le lieu, on remarqua la place, et lors on y bastit l'eglise qui y est encores aujourd'huy et que l'on nomme Sainte Marie Majeure.

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Revenons maintenant à nostre Evangile *. Cette bonne Lucæ, x1, 27, 28. femme s'estant escriée : Bienheureux est le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées, Nostre Seigneur respondant dit: Il est vray; comme qui diroit Voire! mais bienheureux sont ceux qui escoutent la parole de Dieu et la gardent, c'est à sçavoir, qui la mettent en effect. L'on en voit qui oyant parler de la Mort du Sauveur pleurent fort tendrement, et neanmoins ne laissent pas de nourrir en eux mille sortes d'imperfections contre cette sainte Passion sur laquelle ils ont pleuré *.

*Cf. Introd.a la Vie devote, Partie IV,

Vous autres qui faites profession de la spiritualité c. xIII. sçavez la difference qu'il y a entre l'amour effectif et l'amour affectif. Nostre Seigneur ne se contente pas de l'affectif si on ne luy donne encores l'effectif. Ne voyezvous pas qu'il ne dit pas seulement estre bienheureux ceux qui escoutent sa parole, ains adjouste ceux qui l'observent? Dieu monstre assez qu'il ne juge pas qu'on l'escoute si on ne l'effectue avec affection de sousmission et d'obeissance; aussi se plaint-il de son peuple parce que luy ayant parlé, il n'en a pas esté ouÿ*; c'est à dire qu'ils n'ont pas mis en effect ses paroles, d'autant qu'ils l'avoyent bien ouy de leurs oreilles. Or, cela ne suffit pas, car il veut que nous l'escoutions avec le dessein d'en faire nostre proffit. De mesme quand nostre divin Maistre dit, parlant des Superieurs : Qui vous escoute m'escoute et celuy qui vous mesprise me mesprise*, c'est comme s'il disoit : Je tiens que Lucæ, x, 16.

*

Prov., 1, 24; Is.,

LXV, 12, LXVI, 4;

Jerem., VII, 13.

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*Joseph., De Bello Jud., 1. VI, c. vi (de tertio Templo).

ceux qui vous obeissent c'est à moy qu'ils obeissent; et ceux qui mesprisent vos paroles ne s'en voulant pas servir, je tiens que ce sont mes paroles mesme qu'ils mesprisent.

Sur ce propos, il me souvient d'avoir expliqué une fois en cette chaire comment nous devons faire pour entendre la parole de Dieu et la predication avec utilité. J'adjouste maintenant que, outre l'intention que nous y devons avoir apportée d'en vouloir faire nostre proffit et l'attention durant icelle, nous devons par apres demeurer quelque temps renfermés dans le fond de nostre ame, je veux dire recueillis, pour ruminer ce que nous avons entendu. Et à fin que les distractions ne viennent se poser sur nostre cœur et troubler nostre repos, il nous faut faire ce que fit Salomon en son Temple : tout le couvert estoit d'or, mais redoutant que les oyseaux ne le salissent venant à se nicher et reposer dessus, il le fit garnir de pointes, moyennant lesquelles le toit ne pouvoit estre endommagé*. De mesme, si nous voulons avoir soin de garder nostre cœur des suggestions et distractions du malin esprit, il faut, au sortir de la predication, le garnir d'aspirations et oraisons jaculatoires sur le sujet d'icelle, invoquant la divine Misericorde pour nous fortifier à fin de mettre en effect ce que nous avons affectionné.

Voyez-vous ce bon homme Jean dont nous faisons. mention, il fut prompt à suivre l'attrait de Dieu; car estant inspiré de luy donner tous ses biens, et ne sçachant comme il le pourroit executer à sa gloire et à l'honneur de Nostre Dame à laquelle il avoit une si particuliere devotion, il se mit en priere et il entendit ce qu'il devoit faire. O que c'est une bonne chose que la priere ! Mais le bonheur de ce saint homme ne consistoit pas à sçavoir la volonté de Dieu, s'il ne l'eust incontinent suivie comme il fit. O que ceux là sont heureux qui estans inspirés, comme ce bien heureux Jean et sa femme, de se dedier et consacrer à Dieu avec tout ce qu'ils possedent, ont recours à la priere pour connoistre en quel lieu ils le pourront faire pour sa plus grande gloire et pour l'honneur de

nostre tres digne Maistresse; car, ainsy que nous l'avons desja declaré, point de devotion pour Dieu sans affection de plaire à Nostre Dame.

Mais qui est-ce, je vous prie, qui ne luy en auroit, veu qu'elle est nostre tres aymable Mere? Et qu'il ne soit

vray, escoutez l'Espoux au Cantique des Cantiques* Cap. vII, 2. lors qu'il luy dit: Ton ventre, o ma Bien-Aymée, est comme un monceau de grains de froment qui est tout entouré de lys de la pudeur de sa virginité. Que veut-il signifier ce divin Amant, sinon que Nostre Dame a porté tous les Chrestiens en son sein? Et si bien elle ne

produit que ce grain duquel il est escrit * que s'il n'est * Joan., XII, 24, 25. jetté en la terre il demeurera seul, et s'il y est jetté et couvert il germera et en produira plusieurs, à qui est ce, je vous prie, doit-on attribuer la production de ces autres grains, sinon à celle qui a produit le premier, Nostre Seigneur estant Fils naturel de Nostre Dame? Bien qu'elle n'ait porté que luy en effect dans son sein, elle a pourtant porté tous les Chrestiens en la personne de son divin Fils, car ce beni grain nous a tous produits par sa mort; de mesme la datte estant plantée produit la palme de laquelle viennent par apres quantité d'autres dattes; et pourquoy ne dira-t-on pas que ces dattes appartiennent à la premiere dont la palme est sortie ?

Bienheureux est le ventre qui t'a porté et les mammelles que tu as succées. Nous avons tous esté nourris de ces sacrées mammelles, car Nostre Seigneur en ayant tiré sa nourriture et les ayant succées, nous a par apres nourris des siennes. Il a, nostre tres cher Maistre, des mammelles tres douces et tres delectables, comme nous le tesmoigne sa divine Espouse, disant *: *Cant., 1, 1. O mon Bien-Aymé, que tes mammelles sont douces ! Elles sont meilleures que le vin de tous les contentemens de ce monde. O Dieu, que nous devons d'honneur, d'amour et d'affection à Nostre Dame, tant parce qu'elle est Mere de nostre Sauveur que parce qu'elle est encores la nostre !

Il se trouve beaucoup de personnes qui estans chrestiennes protestent qu'elles veulent dedier et offrir à Dieu

tout ce qu'elles ont, tout ce qu'elles sont, parce qu'elles connoissent que tout luy appartient, et aymeroyent mieux mourir que de l'offenser mortellement. Mais il est vray aussi qu'elles veulent se reserver la disposition de leurs biens, et quoy qu'elles soyent resolues de vivre en l'observance des commandemens de Dieu, elles veulent neanmoins retenir la volonté de faire tout plein de petites choses qui ne sont pas contre la charité, mais qui vont biaisant; ce sont des choses perilleuses, lesquelles si bien elles ne nous font pas perdre la charité, ne laissent pas de desplaire à la divine Majesté. Dieu est jaloux de nostre amour, c'est pourquoy il va jettant ses inspirations sur des ames qu'il separe d'entre les autres, lesquelles par une puissante resolution se viennent. consacrer et dedier leur cœur avec toutes ses affections, leur corps et leurs biens à son honneur et gloire, choisissant l'estat de la Religion pour y vivre avec plus de perfection et moins de danger de se perdre et divertir de leur sainte resolution.

Cet estat est certes le plus parfait apres celuy de ceux qui sont sous le caractere de la consecration episcopale (1), d'autant que l'on ne s'en peut plus departir. Le martyre n'est pas un estat à cause de sa briefveté, ains se doit plustost appeller une voye courte et passagere, que non pas un estat. Ces ames donques qui sont si genereuses que de se venir toutes abandonner à Dieu sans aucune reserve, se jettant sous les loys de la Religion et se liant si estroittement que jamais plus elles ne s'en peuvent desprendre, font non seulement comme toutes les fleurs jaunes qui se vont tousjours tournant du costé du soleil, mais aussi comme celle qu'on appelle tourne-soleil, laquelle ne se contente pas de tourner sa fleur, ses feuilles et sa tige contre iceluy, ains encores, par une secrette merveille, tourne aussi sa racine qui est dessous terre. Ainsy ces benites ames ne veulent pas

(1) Le mot consecration n'est, dans le Manuscrit, suivi d'aucune épithète; cette omission est suppléée ici d'après la doctrine même de saint François de Sales (Introduction a la Vie devote, Partie III, chap. x1) et celle de saint Thomas d'Aquin (IIa II, quæst. CLXXXIV, art. vi-vi).

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