صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

voyant
le corps de Darius, il pleure amèrement, et,
par les marques de la douleur la plus sensible, fait voir
combien il était touché de l'infortune de ce prince,
qui méritait un meilleur sort. Il détacha d'abord sa
cotte d'armes, la jeta sur le corps de Darius; et, l'ayant
fait embaumer et orné son cercueil avec une magnifi-
cence royale, il l'envoya à Sysigambis pour le faire
ensevelir à la façon des rois de Perse et le mettre au
tombeau de ses ancêtres.

Av. J.C. 330.

Ainsi mourut Darius, la troisième année de la 112 AN. M.3674. olympiade, après avoir vécu près de cinquante ans, et en avoir régné six: prince d'un caractère doux et pacifique, dont le règne, si on en excepte la mort de Charidème, avait été sans violence et sans cruauté, ou par inclination naturelle, ou parce que la guerre continuelle qu'il eut à essuyer contre Alexandre, depuis son avénement à la couronne, ne lui permit pas d'en user autrement. Avec lui finit l'empire des Perses, qui avait duré deux cent six ans, depuis le commencement du règne du grand Cyrus, son fondateur, sous treize rois, savoir: Cyrus, Cambyse, Smerdis le mage, Darius fils d'Hystaspe, Xerxès Ier, Artaxerxe Longuemain, Xerxès II, Sogdien, Darius Nothus, Artaxerxe Mnémon, Artaxerxe Ochus, Arsès, Darius Codoman.

§ XI. Vices qui ont causé la décadence et enfin la ruine de l'empire des Perses 1.

La mort de Darius Codoman peut bien être regardée comme l'époque, mais non comme la cause unique

1 Comparez ce paragraphe avec ce que Rollin a dit, t. II, p. 331-336.

[blocks in formation]

de la destruction de la monarchie persane. Quand on jette une vue générale sur l'histoire des rois dont je viens de faire le dénombrement, et que l'on considère avec quelque attention leurs différents caractères, et leur manière de gouverner, soit dans la guerre, soit dans la paix, il est aisé de reconnaître que cette décadence était préparée de loin, et qu'elle fut conduite à sa fin par des degrés marqués, qui annonçaient une ruine totale.

On peut dire d'abord que l'affaiblissement de l'empire des Perses, et sa dernière chute, venaient de son origine même et de sa première institution. Il avait été formé par la réunion de deux peuples bien différents d'inclinations et de mours. Les Perses étaient sobres, laborieux, modestes : les Mèdes ne respiraient que le faste, le luxe, la mollesse et la volupté. L'exemple de la frugalité et de la simplicité de Cyrus, et la nécessité de vivre continuellement sous les armes pour faire tant de conquêtes et pour se maintenir au milieu de tant d'ennemis, suspendirent pendant quelque temps la contagion de ces vices; mais, après que tout fut dompté et soumis, le penchant naturel des Mèdes pour la magnificence et les délices affaiblit bientôt la tempérance des Perses, et devint en peu de temps goût dominant des deux nations.

le

Plusieurs autres causes y concoururent. Babylone conquise enivra ses vainqueurs de sa coupe empoisonnée, et les enchanta par les charmes de la volupté. Elle leur fournit les ministres et les instruments propres à favoriser le luxe et à entretenir les délices avec art et délicatesse; et les richesses des provinces les plus opulentes de l'univers, exposées à la discrétion des

nouveaux maîtres, les mirent en état de satisfaire tous leurs desirs.

Cyrus même, comme je l'ai déja observé ailleurs, y donna occasion sans en prévoir les suites, et y tourna les esprits par la fête superbe qu'il donna après avoir terminé ses conquêtes, et dans laquelle il se montra au milieu de ses troupes, compagnes de ses victoires, avec la pompe la plus capable d'éblouir. Il commença à leur inspirer de l'admiration pour le faste, qu'elles avaient jusque-là méprisé. Il leur fit comprendre que la magnificence et les richesses étaient dignes de couronner les plus glorieux exploits, et qu'elles en étaient le terme et le fruit; et en inspirant à ses sujets un violent desir pour des choses qu'ils voyaient si fort estimées par un prince si accompli, il les autorisa par son exemple à s'y livrer sans retenue.

Il étendit encore ce mal en obligeant les juges, les officiers, et les gouverneurs de provinces, de paraître avec éclat aux yeux des peuples, et d'y vivre dans la splendeur, afin de mieux représenter la majesté du prince. D'un côté, ces magistrats et ces commandants prirent aisément cette décoration de leurs charges pour l'essentiel, ne songeant à se distinguer que par ces dehors fastueux; et, de l'autre, les plus riches dans les provinces se les proposèrent pour modèles, et furent bientôt suivis par les gens d'une fortune médiocre, que les petits s'efforcèrent d'égaler.

Tant de causes d'affaiblissement réunies et autorisées publiquement détruisirent en peu de temps l'ancienne vertu des Perses. Ils ne succombèrent pas, comme les Romains, par des déclins imperceptibles, long-temps prévus, et souvent combattus. A peine Cy

rus fut-il disparu, que l'on vit paraître comme une autre nation, et des rois d'un caractère tout différent. On n'entendit plus parler de cette éducation forte et sévère de la jeunesse persane, de ces écoles publiques de sobriété, de patience et d'émulation pour la vertu; de ces exercices laborieux et guerriers: il n'en resta pas la moindre trace; une jeunesse élevée dans l'éclat et dans la mollesse, qu'elle voyait en honneur, se dégoûta aussitôt de l'heureuse simplicité de ses pères, et forma, dans l'espace d'une génération, une race toute nouvelle avec des mœurs, des inclinations et des maximes contraires aux anciennes. Ils devinrent hauts, vains, mous, inhumains, perfides dans les traités, et eurent pour caractère particulier, d'être de tous les peuples, les plus livrés au luxe, à la somptuosité, à la bonne chère, et à l'ivrognerie même : de sorte qu'on peut dire que l'empire des Perses a été, presque dès sa naissance, ce que les autres empires ne sont devenus que pár la succession des années, et qu'il a commencé par où les autres finissent. Il portait dans son sein le principe de sa destruction, et ce vice interne ne fit qu'augmenter de règne en règne.

Après le succès malheureux des expéditions de Darius et de Xerxès contre la Scythie et contre la Grèce, les princes qui vinrent ensuite renoncèrent à l'ambition de faire des conquêtes, et se livrèrent à l'oisiveté, à la mollesse et à l'indolence. Ils négligèrent la discipline militaire, et substituèrent une multitude confuse de milices, tirées par force de leurs pays, à des troupes exercées et endurcies aux travaux de la guerre. On a pu remarquer, en plus d'une occasion, que toute la force et la ressource presque unique de l'armée des

Perses était dans les Grecs qu'ils tenaient à leur solde; qu'à proprement parler ils ne comptaient que sur eux, et qu'ils avaient grand soin de les opposer toujours aux meilleures troupes des ennemis. Ils furent les seuls, dans l'armée de Darius, qui firent bien leur devoir, et qui lui demeurèrent fidèles jusqu'à la fin; et l'on a vu que le seul grand capitaine qu'Alexandre ait eu en tête est Memnon le Rhodien.

Au lieu de choisir, pour commander leurs troupes, des officiers qui eussent de l'expérience et des talents, ils prenaient les plus considérables de chaque nation, qui n'avaient souvent d'autre mérite que celui de la naissance, des richesses et du crédit, et qui ne se distinguaient que par la somptuosité de leurs tables, par la magnificence de leurs équipages, par la foule de leurs gardes, des domestiques, des eunuques et des femmes. Tout cet assemblage, plus fait pour l'ostentation et pour une vaine montre que pour des expéditions militaires, chargeait de bouches inutiles une armée déja trop nombreuse, la rendait pesante dans ses marches et dans ses mouvements par trop d'équipages, et la mettait hors d'état de subsister long-temps dans un pays et de suivre jusqu'au bout de grandes entreprises en présence de l'ennemi.

Les rois de Perse, se renfermant dans l'intérieur de leurs palais pour se livrer aux délices, et ne se communiquant guère au-dehors, donnaient toute leur confiance, et par là toute l'autorité, à des eunuques, à des femmes, à des esclaves, à des courtisans flatteurs occupés uniquement à écarter tout vrai mérite qui leur faisait ombrage, à faire tomber les récompenses des services sur leurs créatures, et à confier les plus 13

Tome VI. Hist. anc.

« السابقةمتابعة »