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ROME, 548.

«< craindre que ce qui vous arrache aujourd'hui tant de << larmes ne vous paroisse bientôt le moindre de vos << malheurs! >>

Scipion, après que tout fut terminé, s'embarqua pour repasser en Italie. Il arriva à Rome à travers une multitude infinie de peuples que la curiosité attiroit sur son passage. On lui décerna le triomphe le plus magnifique qu'on eût encore vu, et on lui donna le surnom d'Africain honneur inouï jusque-là, personne avant lui n'ayant pris le nom d'une nation vaincue. Ainsi fut terminée la seconde

CARTH. 646. guerre punique, après avoir duré dix-sept ans. Av.J.C.200 Courte réflexion sur le gouvernement de Carthage au temps de la seconde guerre punique.

Lib.6. pag. 493, 494.

Je finirai ce qui regarde la seconde guerre punique par une réflexion de Polybe qui peut beaucoup servir à faire connoître la différence des deux républiques dont nous parlons. Au commencement de la seconde guerre punique, et du temps d'Annibal, on peut dire en quelque sorte que Carthage étoit sur le retour; sa jeunesse, sa fleur, så vigueur, étoient déjà flétries; elle avoit commencé à déchoir de sa première élévation, et elle penchoit vers sa ruine : au lieu que Rome alors étoit, pour ainsi dire, dans la force et la vigueur de l'âge, et s'avançoit à grands pas vers la conquête de l'univers. La raison que Polybe rend de la décadence de l'une et de l'accroissement de l'autre est tirée de la différente manière dont étoient gouvernées ces deux républiques dans le temps dont nous parlons Chez les Carthaginois, le peuple s'étoit emparé de la principale autorité dans les affaires publiques, on n'écouto plus les avis des vieillards et des magistrats; tout se conduisoit par cabales et par intrigues. Sans parler de ce que la faction contraire à Annibal fit contre lui pendant tou le temps de son commandement, le seul fait des vaisseau romains pillés pendant un temps de trève, perfidie à la quelle le peuple força le sénat de prendre part et de prête son nom, est une preuve bien claire de ce que dit ici Po lybe. Au contraire, à Rome c'étoit le temps où le sénat

I

n. 8 et g.

c'est-à-dire cette compagnie composée d'hommes si sages, avoit plus de crédit que jamais, et où les anciens étoient écoutés et respectés comme des oracles. On sait combien le peuple romain étoit jaloux de son autorité, surtout dans ce qui regarde l'élection des magistrats. Une centurie, Liv.lib. 24, composée des jeunes, à qui il étoit échu par le sort de donner la première son suffrage, qui entraînoit ordinairement celui de toutes les autres, avoit nommé deux consuls : sur la simple remontrance de Fabius, qui représenta au peuple que, dans un temps de tempête et d'orage comme étoit celui où l'on se trouvoit pour lors, on ne pouvoit choisir de trop habiles pilotes pour conduire le vaisseau de la république, la centurie retourna aux suffrages, et nomma d'autres consuls. De cette différence de gouvernement Polybe conclut qu'il étoit nécessaire qu'un peuple conduit par la prudence des anciens l'emportât sur un état gouverné par les avis téméraires de la multitude. Rome, en effet, guidée par les sages conseils du sénat, eut enfin le dessus dans le gros de la guerre, quoiqu'en détail elle eût eu du désavantage dans plusieurs combais, et elle établit sa puissance et sa grandeur sur les ruines de sa rivale.

Intervalle entre la seconde et la troisième guerre punique.

Cet intervalle, quoique assez considérable pour la durée, puisqu'il est de plus de cinquante ans, l'est fort peu par rapport aux événemens qui regardent Carthage. On peut les réduire à deux chefs, dont l'un concerne la personne d'Annibal, l'autre regarde quelques différends particuliers entre les Carthaginois et Masinissa, roi des Numides. Nous les traiterons séparément, mais sans leur donner beaucoup d'étendue.

1 Quilibet nautarum rectorumque tranquillo mari gubernare potest, ubi seva orta tempestas est, ac turbato mari rapitur vento navis, tum viro et gubernatore opus est. Non tranquillo

navigamus, sed jam aliquot procellis
submersi penè sumus. Itaque quis ad
gubernacula sedeat, summá curá pro-
videndum ac præcavendum nobis est.

in Annib.

§. I. Suite de l'histoire d'Annibal.

Lorsque la seconde guerre punique fut terminée par le traité de paix conclu avec Scipion, Annibal avoit quarantecinq ans, comme il le dit lui-même en plein sénat. Ce qui nous reste à dire de ce grand homme comprend un espace de vingt-cinq ans.

Annibal entreprend et vient à bout de réformer à Carthage la justice et les finances.

Depuis la conclusion de la paix, Annibal fut fort considéré à Carthage, du moins dans le commencement, et il y exerça les premiers emplois de la république avec honCorn. Nep. neur et avec éclat. Il fut chargé du commandement des troupes dans quelques guerres que les Carthaginois eurent à soutenir en Afrique; mais les Romains, à qui le nom seul d'Annibal faisoit ombrage, ne pouvant voir tranquillement qu'on lui laissât encore les armes à la main, en firent des plaintes, et il fut rappelé à Carthage.

C. 7.

A son retour, on le nomma préteur. Il paroît que cette charge étoit très-considérable, et donnoit beaucoup dautorité. Carthage va donc être pour lui un nouveau théâtre, où il fera paroître des vertus et des qualités d'un genre tout different de celles qui nous l'ont fait admirer jusqu'ici, qui acheveront de nous donner de ce grand homme une juste et parfaite idée.

et

Tout occupé du désir de rétablir les affaires de sa patrie désolée, il comprit que les deux plus paissans moyens pour faire fleurir un état, sont une grande exactitude à rendre la justice à tous les sujets, et une grande fidélité dans le maniement des finances. L'une, en maintenant l'égalité entre les citoyens, et en les faisant jouir d une liberté tranquille sous la protection des lois qui mettent en sûret leurs biens, leur honneur et leur vie, lie plus étroitemen les particuliers entre eux, et les attache plus fortement l'état, à qui ils doivent la conservation de ce qu'ils ont de plus cher et de plus précieux; l'autre, en ménageant avec fidélité les fonds publics, fournit ponctuellement à toutes

les dépenses de l'état, tient en réserve des ressources toujours prêtes pour ses besoins imprévus, et épargne aux peuples l'imposition de nouvelles charges, que la dissipation rend nécessaires, et qui contribuent le plus à indisposer les esprits contre le gouvernement.

Annibal vit avec douleur le désordre qui régnoit également dans l'administration de la justice et dans le maniement des finances. Quand on l'eut nommé préteur, comme son amour pour l'ordre lui faisoit regarder avec peine tout ce qui s'en écartoit, et le portoit à tout tenter pour le rétablir, il eut le courage d'entreprendre la réforme de ce double abus, qui en entraînoit une infinité d'autres, sans craindre l'animosité de l'ancienne faction qui lui étoit opposée, ni les nouvelles inimitiés que son zèle pour la république ne manqueroit pas de lui attirer.

n. 46.

L'ordre des juges exerçoit impunément les concussions Liv. lib. 35, les plus criantes. C'étoient autant de petits tyrans, qui disposoient à leur gré des biens et de la vie des citoyens, sans qu'il fût possible de se mettre à l'abri de leurs violences, parce que leurs charges étoient à vie, et qu'ils se soutenoient mutuellement. Annibal, en qualité de préteur, manda chez lui un officier de cette compagnie, qui abusoit apparemment de son pouvoir: Tite-Live dit qu'il étoit questeur. Cet officier, qui étoit de la faction opposée à Annibal, et qui avoit déjà tout l'orgueil et toute la fierté des juges, dans l'ordre desquels il devoit passer en sortant de la questure, refusa insolemment d'obéir. Annibal n'étoit pas d'un caractère à souffrir tranquillement une telle injure. Il le fit saisir par un licteur, et le traduisit devant le peuple. Là, non content de s'en prendre à cet officier particulier, il accusa l'ordre entier des juges, dont l'orgueil insupportable et tyrannique n'étoit arrêté ni par la crainte des lois, ni par le respect des magistrats; et comme il s'apercut qu'on l'écoutoit favorablement, et que les plus foibles d'entre le peuple témoignoient ne pouvoir plus souffrir l'insolente fierté de ces juges, qui sembloit en vouloir à leur liberté, il proposa et fit passer une loi qui ordonnoit qu'on choisiroit tous les ans de nouveaux juges,

Liv. lib. 33,

sans qu'aucun pût être continué au-delà de ce terme. Autant que par cette loi il gagna l'amitié du peuple, autant s'attira-t-il la haine du plus grand nombre des puissans et des nobles.

Il entreprit une autre réforme qui ne lui fit pas moins 1.46 et 47. d'ennemis ni moins d'honneur. Les deniers publics, ou étoient dissipés par la négligence de ceux qui les manioient, ou devenoient la proie et le butin des principaux de la ville et des magistrats; en sorte que, ne se trouvant plus d'argent pour fournir chaque année au paiement du tribut que l'on devoit aux Romains, on étoit près d'imposer une taxe sur les particuliers. Annibal, entrant dans un fort grand détail, se fit rendre un compte exact des revenus de la république, de l'usage que l'on en faisoit, des charges et des dépenses ordinaires de l'état; et, ayant reconnu par cet examen qu'une grande partie des fonds publics étoit détournée par la mauvaise foi des gens d'affaires, il déclara et promit en pleine assemblée du peuple que, sans imposer de nouvelles taxes aux particuliers, la république seroit désormais en état de payer le tribut aux Romains; et il accomplit sa promesse. Les fermiers-généraux, dont il avoit dévoilé au peuple les vols et les rapines, accontumés jusque-là à s'engraisser des deniers publics, jetèrent alors les hauts cris, comme si c'eût été leur ravir leur bien, et non arracher de leurs mains avares celui qu'ils avoient volé à l'état.

Ibid. n. 45

49.

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Retraite et mort d'Annibal.

Cette double réforme fit beaucoup crier contre Annibal. Ses ennemis ne cessoient d'écrire à Rome, aux premiers de la ville et à leurs amis, qu'il avoit de secrètes intelligences avec Antiochus, roi de Syrie; qu'il recevoit souvent des courriers, et que ce prince lui avoit envoyé sous main des députés pour prendre avec lui de justes mesures sur la guerre qu'il méditoit; que, comme il y a des animaux si

Tum verò isti, quos paverat per manibus extorto, infensi et irati aliquot annos publicus pecuatus, Romanos in Annibalem instigabant.

velut bonis ereptis, non furto eorum

Liv.

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