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App.de bell. pun. p. 40.

populaire, étant devenue supérieure à celle des grands et des
sénateurs, exila quarante citoyens, et fit prêter serment au
peuple que jamais il ne souffriroit qu'on parlât de rappeler
les exilés. Ceux-ci se retirèrent chez Masinissa, qui envoya
à Carthage deux de ses fils, Gulussa et Micipsa, pour solli-
citer leur rétablissement. On leur ferma les portes de la ville,
et l'un d'eux même fut vivement poursuivi par Amilcar,
l'un des généraux de la république. Nouveau sujet de guerre:
on lève une armée de part et d'autre. La bataille se donne.
Scipion le jeune, qui depuis ruina Carthage, en fut specta-
teur. Il étoit venu vers Masinissa de la part de Lucullus, qui
faisoit la guerre en Espagne, et sous qui il servoit, pour lui
demander des éléphans. Pendant tout le combat il se tint sur
le haut d'une colline qui étoit tout près du lieu où il se
donnoit. Il fut étonné de voir Masinissa, âgé pour lors de
plus de quatre-vingts ans, monté à cru sur un cheval, selon
la coutume du pays, donner partout des ordres comme un
jeune officier, et soutenir les fatigues les plus dures. Le
combat fut très-opiniâtre, et dura depuis le matin jusqu'à
la nuit : mais enfin les Carthaginois plièrent. Scipion disoit
dans la suite qu'il avoit assisté à bien des batailles, mais
que nulle ne lui avoit fait tant de plaisir que celle-ci, où, tran-
quille et de sang-froid, il avoit vu plus de cent mille hommes
en venir ensemble aux mains et se disputer long-temps la
victoire. Et comme il étoit fort versé dans la lecture d'Ho-
mère, il ajoutoit que jusqu'à son temps il n'avoit été donné
qu'à Jupiter et à Neptune de jouir d'un pareil spectacle,
lorsque l'un, du haut du mont Ida, l'autre, du haut de la
Samothrace, avoient eu le plaisir de voir un combat entre
les Grecs et les Troyens. Je ne sais si la vue de cent mille
hommes qui s'entre-coupent la gorge cause une joie bien
pure, ni si cette joie peut subsister avec le sentiment d'hu-
manité qui nous est naturel.

Les Carthaginois, après le combat, prièrent Scipion de vouloir bien terminer leurs disputes avec Masinissa. Il écouta les deux parties. Les premiers consentoient à céder le territoire d'Emporium, qui avoit fait le premier sujet du procès, à payer actuellement à Masinissa deux cents

talens d'argent, et à y en ajouter dans la suite huit cents, en différens termes dont on conviendroit; mais, comme Masinissa demandoit le rétablissement des exilés, les Carthaginois n'ayant point voulu écouter cette proposition, on se sépara sans rien conclure. Scipion, après avoir fait ses complimens et ses remercîmens à Masinissa, partit avec les éléphans qu'il y étoit venu chercher.

Le roi, depuis le combat, tenoit le camp des ennemis App.debell. enfermé sur une colline, où il ne pouvoit leur arriver ni pun. p.4o. vivres ni troupes. Sur ces entrefaites arrivent des députés de Rome. Il avoient ordre, en cas que Masinissa eût eu du dessous, de terminer l'affaire; autrement, de ne rien décider et de donner de bonnes espérances au roi: et c'est ce dernier parti qu'ils suivirent. Cependant la famine augmentoit tous les jours dans le camp des ennemis; et, pour surcroît de malheur, la peste s'y joignit et fit un horrible ravage. Réduits à la dernière extrémité, ils se rendirent, avec promesse de livrer à Masinissa les transfuges, de lui payer cinq mille talens d'argent dans l'espace de cinquante années, et de rétablir les exilés, malgré le serment qu'ils avoient fait au contraire. Les soldats furent tous passés sous le joug, et renvoyés chacun avec un habit seulement. Gulussa, pour se venger du mauvais traitement que nous avons dit auparavant qu'il avoit reçu, envoya contre eux un corps de cavalerie, dont ils ne purent ni éviter l'attaque, ni soutenir le choc, dans l'état de foiblesse où ils étoient. Ainsi, de cinquantehuit mille hommes il en retourna fort peu à Carthage.

TROISIÈME GUERRE PUNIQUE.

CARTH. 597. ROME, 599. Av.J.C. 149.

La troisième guerre punique, moins considérable que AN.M. 3855. les deux premières par le nombre et la grandeur des combats, et par la durée, qui ne fut guère que de quatre ans, le fut beaucoup plus par le succès et l'événement, puisqu'elle se termina par la ruine et la destruction de Carthage. Cette ville sentit bien, depuis sa dernière défaite, ce App. p. 41, qu'elle avoit à craindre des Romains, en qui elle avoit toujours remarqué beaucoup de mauvaise volonté toutes les fois qu'elle s'étoit adressée à eux dans ses démêlés avec Ma

42.

Plut.in vit. Cat.p.352.

sinissa. Pour en prévenir l'effet, les Carthaginois décla rèrent, par un décret du sénat, Asdrubal et Carthalon, qui avoient été, l'un général de l'armée, l'autre a commandant des troupes auxiliaires, coupables de crime d'état, comme étant les auteurs de la guerre contre le roi de Numidie; puis ils députèrent à Rome pour savoir ce qu'on pensoit et ce qu'on souhaitoit d'eux. On leur répondit froidement que c'étoit au sénat et au peuple de Carthage à voir quelle satisfaction ils devoient aux Romains.

N'ayant pu tirer d'autre réponse ni d'autre éclaircissement par une seconde députation, ils entrèrent dans une grande inquiétude; et, saisis d'une vive crainte par le souvenir des maux passés, ils croyoient déjà voir l'ennemi à leurs portes, et se représentoient toutes les suites funestes d'un long siége et d'une ville prise d'assaut.

Cependant à Rome on délibéroit dans le sénat sur le parti que devoit prendre la république; et les disputes entre Caton l'ancien et Scipion Nasica, qui pensoient tout différemment sur ce sujet, se renouvelèrent. Le premier, à son retour d'Afrique, avoit déjà représenté vivement qu'il avoit trouvé Carthage, non dans l'état où les Romains la croyoient, épuisée d'hommes et de biens, affoiblie et humiliée; mais au contraire remplie d'une florissante jeunesse, d'une quantité immense d'or et d'argent, d'un prodigieux amas de toutes sortes d'armes et d'un riche appareil de guerre; et si fière et si pleine de confiance dans tous ces grands préparatifs, qu'il n'y avoit rien de si haut à quoi elle ne portât son ambition et ses espérances. On dit même qu'après avoir tenu ce discours, il jeta au milieu du sénat des figues d'Afrique qu'il avoit dans le pan de sa robe; et que, comme les sénateurs en admiroient la beauté et la grosseur, il leur dit : Sachez qu'il n'y a que trois jours que Plin.lib.15, ces fruits ont été cueillis. Telle est la distance qui nous sépare de l'ennemi.

cap. 18.

Plut. ibid. Invit.Caton.

Caton et Nasica avoient tous deux leurs raisons pour

a Les troupes étrangères avoient dés par un officier carthaginois qu'Apchacune des chefs de leur nation, pien appelle Bondaṣxoso qui, tous ensemble, étoient comman

opiner comme ils faisoient. Nasica voyant que le peuple étoit d'une insolence qui lui faisoit commettre toutes sortes d'excès; qu'enflé d'orgueil par ses prospérités, il ne pouvoit plus être retenu par le sénat même, et que sa puissance étoit parvenue à un point qu'il étoit en état d'entraîner par force la ville dans tous les partis qu'il voudroit embrasser; Nasica, dis-je, dans cette vue, vouloit lui laisser la crainte de Carthage comme un frein, pour modérer et réprimer son audace; car il pensoit que les Carthaginois étoient trop foibles pour subjuguer les Romains, et qu'ils étoient aussi trop forts pour être méprisés. Caton, de son côté, trouvoit que, par rapport à un peuple devenu fier et insolent par ses victoires, et qu'une licence sans bornes precipitoit dans toutes sortes d'égaremens, il n'y avoit rien de plus dangereux que de lui laisser pour rivale et pour ennemie une ville jusque-là toujours puissante, mais devenue par ses malheurs mêmes plus sage et plus précautionnée que jamais, et de ne pas lui ôter entièrement toute crainte du dehors, lorsqu'il avoit au-dedans tous les moyens de se porter aux derniers excès.

Mettant à part pour un moment les lois de l'équité, je laisse au lecteur à décider qui de ces deux grands hommes pensoit plus juste selon les règles d'une politique éclairée, et par rapport aux véritables intérêts de l'état. Ce qui est certain, c'est que tous les 1 historiens ont remarqué que depuis la destruction de Carthage, le changement de conduite et de gouvernement fut sensible à Rome; que ce ne fut plus timidement et comme à la dérobée que le vice s'y glissa, mais qu'il leva la tête, et saisit avec une rapidité étonnante tous les ordres de la république, et qu'on se livra sans réserve, et sans plus garder de mesures, au luxe et aux délices, qui ne manquèrent pas, comme cela est inévitable, d'en

Ubi Carthago, et æmula imperii bant... Metus hostilis in bonis artiromani, ab stirpe interiit...fortuna bus civitatem retinebat; sed ubi forsævire ac miscere omnia cœpit. Sal-mido illa mentibus decessit, ilicet ea, lust. in. bell. catil. quæ secundæ res amant, lascivia atque superbia incessére. Id. in bell. jugurth.

Ante Carthaginem deletam, populus et senatus romanus placidè modeste que inter se rempublicam tracta.

App. p. 42.

App. bell.

AN. M. 3856.

traîner la ruine de l'état. « Le premier Scipion, dit Pater«culus en parlant des Romains, avoit jeté les fondemens « de leur grandeur future; le dernier, par ses conquêtes, « ouvrit la porte à toutes sortes de dérèglemens et de dis« solutions. Depuis que Carthage, qui tenoit Rome en ha<«<leine en lui disputant, l'empire, eut été entièrement détruite, la décadence des mœurs n'alla plus lentement, « ni par degrés, mais fut prompte et précipitée. »

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Quoi qu'il en soit, il fut résolu dans le sénat qu'on décla reroit la guerre aux Carthaginois; et les raisons ou les prétextes qu'on en apporta furent que, contre la teneur du traité, ils avoient conservé des vaisseaux, conduit une armée hors de leurs terres contre un prince allié de Rome, dont ils avoient maltraité le fils dans le temps même qu'il avoit avec lui un ambassadeur romain.

Un événement, que le hasard fit tomber heureusement pun. pag.42 dans le temps qu'on délibéroit sur l'affaire de Carthage, ROME, 600. contribua sans doute beaucoup à faire prendre cette résolution. Ce fut l'arrivée des députés d'Utique, qui venoient se mettre, eux, leurs biens, leurs terres et leur ville entre les mains des Romains. Rien ne pouvoit arriver plus à propos. Utique étoit la seconde place d'Afrique, fort riche et fort opulente, qui avoit un port également spacieux et commode, qui n'étoit éloignée de Carthage que de soixante Trois lieues. stades, et qui pouvoit servir de place d'armes pour l'attaquer. On n'hésita plus pour lors, et la guerre fut déclarée dans les formes. On pressa les deux consuls de partir le plus promptement qu'il seroit possible: c'étoient M. Manilius et L. Marcius Censorinus. Ils reçurent du sénat un ordre secret de ne terminer la guerre que par la destruction de Carthage. Ils partirent aussitôt, et s'arrêtèrent à Lilybée en Sicile. La flotte étoit considérable; elle portoit quatre-vingt mille hommes d'infanterie, et environ quatre mille de cavalerie.

1 Potentiæ Romanorum prior Scipio viam aperuerat; luxuriæ posterior aperuit. Quippè remoto Carthaginis metu, sublatáque imperii œmu

lá, non gradu, sed præcipiti cursu virtute descitum, ad vitia transcursum. Vell. Paterc. lib. 2, cap. 1.

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