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soient et disoient. Tout fléchissoit le genou et étoit rampant devant eux; et l'on croyoit qu'il étoit de leur grandeur de mettre une distance infinie entre eux et le reste des hommes, comme s'ils eussent été d'une autre espèce qu'eux. C'est Platon qui nous apprend tout ce détail; car Xénophon, apparemment pour épargner son héros, ne dit pas un mot de la manière dont ces princes furent élevés, lui qui a décrit si au long l'éducation que leur père avoit reçue.

Ce qui m'étonne le plus, c'est qu'au moins Cyrus, dans ses dernières campagnes, ne les ait pas menés avec lui pour les tirer de cette vie molle et efféminée, et pour leur apprendre le métier de la guerre ; car ils devoient alors avoir quelque âge peut-être les femmes s'y opposèrent-elles.

Quoi qu'il en soit, une telle éducation eut le succès qu'on en devoit attendre. Cambyse sortit de cette école tel que l'histoire nous le représente, un prince entêté de lui-même, plein de vanité et de hauteur, livré aux excès les plus honteux de la crapule et de la débauche, inhumain et barbare jusqu'à faire égorger son frère sur la foi d'un songe; en un mot, un insensé, un furieux, un frénétique, qui mit l'empire à deux doigts de sa perte.

Son père, dit Platon, lui laissa en mourant de vastes provinces, des richesses immenses, des troupes et des flottes innombrables: mais il ne lui avoit pas donné ce qui pouvoit les lui conserver, en lui en faisant faire un bon usage.

Ce philosophe fait les mêmes réflexions sur Darius et Xerxès. Le premier, n'étant point fils de roi, n'avoit pas été élevé mollement à la manière des princes, et il avoit porté sur le trône une longue habitude du travail, une grande modération d'esprit, un courage qui ne fut guère inférieur à celui de Cyrus, et qui lui fit ajouter à son empire presque autant de provinces que celui-ci en avoit conquises; mais il ne fut pas meilleur père que lui, et ne profita pas de la faute qu'il avoit faite en négligeant l'éducation de ses enfans. Aussi son fils Xerxès fut, à peu de chose près, un second Cambyse.

De tout ceci, Platon, après avoir montré qu'il y a une infinité d'écueils presque inévitables pour ceux qui sont

Cyrop. 1. 8. p. 239.

nés dans le sein de la grandeur et de l'opulence, conclut que la principale cause de la décadence et de la ruine de l'empire des Perses a été la mauvaise éducation des princes, parce que ces premiers exemples firent la règle, et influèrent sur presque tous les successeurs, sous qui tout dégénéra de plus en plus, le luxe des Perses n'ayant plus ni mesure ni frein.

§. IV. Manque de bonne foi.

le

C'EST l'historien Xénophon qui nous apprend que manque de bonne foi fut une des causes du renversement des mœurs parmi les Perses, et de la destruction de leur empire. Autrefois, dit-il, le roi, et ceux qui gouvernoient sous lui, regardoient comme un devoir indispensable de tenir leur parole, et de garder inviolablement les traités où la religion du serment étoit intervenue; et cela à l'égard même de ceux qui s'en étoient rendus le plus indignes par leurs crimes et leur mauvaise foi et c'est une conduite si sage qui leur avoit attiré une confiance entière de la part de leurs sujets et de tous les peuples voisins. Voilà un grand éloge pour les Perses, qui tombe sans doute principalement sur le règne du grand Cyrus, et que XénoDe exped. phon applique aussi à Cyrus le jeune, dont il dit que le Cyr.l. 1, p. grand principe étoit de ne manquer jamais de fidélité,

207.

sous quelque prétexte que ce fût, à l'égard des paroles qu'il avoit données, des promesses qu'il avoit faites, et des traités qu'il avoit conclus. Ces princes avoient une juste idée de la royauté, et ils pensoient avec raison, que si la vérité et la probité étoient bannies du reste de la terre, elles devroient trouver un asile dans le cœur d'un roi, qui, étant le lien et le centre de la société, doit être aussi le protecteur et le vengeur de la bonne foi qui en est le fondement.

De si beaux sentimens, et si dignes d'un homme né pour le gouvernement, ne durèrent pas long-temps. La fausse prudence et l'artificieuse politique en prirent bientôt Cyrop.1.3, la place. Au lieu, dit Xénophon, que le vrai mérite, la pag. 239.

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probité, la bonne foi étoient auparavant en honneur et en
crédit chez le prince, on vit dominer à la cour ces pré-
tendus zélés serviteurs du roi, qui sacrifient tout à ses
intérêts et à ses volontés; qui croient que
le moyen le
plus court et le plus sûr de faire réussir ses entreprises,
c'est de mettre hardiment en usage le mensonge, la perfi-
die, le parjure; qui traitent de petitesse d'âme, de foiblesse
d'esprit et d'imbecille stupidité, le scrupuleux attachement
à sa parole et aux engagemens qu'on a pris; enfin qui sont
persuadés qu'on ne peut régner, si l'on ne préfère les con-
sidérations d'État à l'observation exacte des traités le plus
solennellement jurés.

Les peuples d'Asie, continue Xénophon, ne furent pas long-temps sans imiter le prince, qui leur servoit d'exemple et de maître pour la duplicité et la fourberie. Ils s'abandonnèrent bientôt à la violence, à l'injustice, à l'impiété; et de là est venu le changement étrange que l'on voit dans les mœurs, et le mépris qu'ils ont conçu pour leurs rois, qui est la suite naturelle et la punition ordinaire du peu de cas que ceux-ci font de ce que la religion a de plus sacré et de plus formidable.

En effet, le serment par lequel on scelle les traités, en y faisant intervenir la Divinité comme présente et comme garante des conditions, est une sainte et auguste cérémonie pour soumettre les rois au juge suprême, qui seul peut les juger, et pour tenir dans le devoir toute majesté humaine, en la faisant comparoître devant celle de Dieu, à l'égard de qui elle n'est rien. Or, est-ce un moyen d'attirer aux rois les respects du peuple, que de lui apprendre à ne plus craindre Dieu? Quand cette crainte sera effacée dans les sujets comme dans le prince, où sera la fidélité et l'obéissance, et sur quel appui le trône sera-t-il fondé? Cyrus Cyrop.l., avoit raison de dire qu'il ne reconnoissoit pour bons ser- Pg. 204. viteurs et pour fidèles sujets que ceux qui avoient de la

1 Επί τὸ κατεργάζεσθαι ὧν ἐπεθυμοίη, συντομωτάτην ὁδὸν ᾤετο εἶναι διὰ τῇ ἐπιορκεῖντε, καὶ ψεύδεσθαι, καὶ ἐξαπατῶν· τὸ δὲ ἀπ TOM. I. HIST. ANC

πλῆντε καὶ ἀληθὲς, τὸ αὐτὸ τῷ ἡλια
θίῳ εἶναι. De exped. Cyr. lib. 1,
pag. 292.

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religion et qui respectoient la Divinité; et il n'est pas étonnant que le mépris que fait de l'une et de l'autre un prince qui compte pour rien la sainteté des sermens ébranle jusque dans leurs fondemens les empires les plus fermes, Plut. in et en cause tôt ou tard l'entière destruction. Les rois, dit Pyrrh. pag. Plutarque, quand il arrive des révolutions dans leurs États,

3go.

se plaignent amèrement de l'infidélité des peuples; mais c'est bien à tort, et ils ne se souviennent pas que c'est eux-mêmes qui leur en ont donné les premières leçons en ne faisant nul cas de la justice et de la bonne foi, et les sacrifiant toujours sans hésiter à leurs intérêts.

FIN DU PREMIER VOLUME.

DU PREMIER VOLUME.

HISTOIRE ANCIENNE DES ÉGYPTIENS,

DES CARTHAGINOIS, DES ASSYRIENS, DES BABYLONIENS,
ET DES MÈDES.

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