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fuppofe ingrat, méchant, furieux contre fes bienfaiteurs; eft-ce par des déclamations puériles qu'il auroit voulu rétracter & fes éloges, & les faits fur lefquels ils étoient fondés ? L'hiftorien Procope fe feroit ainufé à prouver en forme que Juftinien & fes Miniftres n'étoient pas des hommes, mais des démons, qui, fous des figures humaines, avoient bouleversé la terre (a)! Je le croirois à peine capable de cette ineptie, quand tous les Ecrivains de fon tems me l'attefteroient; à plus forte raifon né le croirai-je pas fur le témoignage équivoque d'un feul homme, qui a vécu cinq cens ans après lui..

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Je n'ai donc vu Procope que dans fon hiftoire authentique. C'eft-là que je l'ai confulté; c'eft-là que j'ai pris le caracte re de mon Héros, fa modeftie, fa bonté, fon affabilité, fa bienfaisance, son extrê me fimplicité, fur-tout ce fond d'humanité qui étoit la bafe de fes vertus, & qui le faifoit adorer des peuples. Erat igitur Bifantinis civibus voluptati Belifarium intueri in forum quotidie prodeuntem....

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(v) Hi nunquam homines (mibi) vifi funt fed per niciofi demones.... Humanas induti formas, quafi femi bomines furia, fic univerfum terrarum orbem com gulferint.

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chritudo hunc magnitudoque corporis honeftabat. Humilem præterea fe, benignumque adeo, atque aditu obviis quibufque perfacilem exhibebat ut infimæ fortis viro perfimilis videretur..... In fuos præcipuè milites munificentia cæteros anteibat.... Erga agricultores, agreftefque homines tanta bic indulgentid ac providentiâ utebatur, ut Belifario ductante exercitu, nullam bi vim paterentur. Segetes infuper, dum in agris maturefcerent, diligentiùs tuebatur, ne forte equorum greges has devaftarent; frugefque cæteras, invitis dominis fuos attingere prohibebat. Proc. De Bell Goth. L. 3.

BELISAIRE.

CHAPITRE PREMIER.

DANS la vieilleffe de Juftinien, l'Empire, épuisé par de longs efforts, approchoit de fa décadence. Toutes les parties de l'adminiftration étoient négligées : les loix étoient en oubli, les finances au pillage, la difcipline mili taire à l'abandon. L'Empereur, laffé de la guer re, achetoit de tous côtés la paix au prix de l'or, & laiffoit dans l'inaction le peu de Troupes qui lui restoient, comme inutiles & à charge A l'Etat. Les Chefs de ces Troupes délaiffées fe diffipoient dans les plaifirs; & la chaffe, qui leur retraçoit la guerre, charmoit l'ennui de leur oifiveté.

Un foir, après cet exercice, quelques - uns d'entr'eux foupoient enfemble dans un Château de la Thrace, lorfqu'on vint leur dire qu'un vieillard aveugle, conduit par un enfant, demandoit l'hofpitalité. La jeuneffe eft compatisfante; ils firent entrer le vieillard. On étoit en automne; & le froid, qui déja fe faifoit fentir, l'avoit faifi: on le fit affeoir près du feu.

Le fouper continue; les efprits s'animent; on commence à parler des malheurs de l'Etat. Ce fut un champ vafte pour la cenfure; & la vanité mécontente fe donna toute liberté. Chacun exagéroit ce qu'il avoit fait, & ce qu'il auroit

fait encore, fi l'on n'eût pas mis en oubli fes fervices & fes talens. Tous les malheurs de l'Empire venoient, à les en croire, de ce qu'on n'avoit pas fçu employer des hommes comme eux. Ils gouvernoient le monde en buvant, & chaque nouvelle coupe de vin rendoit leurs vues plus infaillibles.

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Le vieillard, affis au coin du feu, les écoutoit, & fourioit avec pitié. L'un d'eux s'en apperçut, & lui dit: Bonhomme, vous avez l'air de trouver plaifant ce que nous difons là? PlaiJant, non, dit le vieillard, mais un peu léger, comme il eft naturel à votre âge. Cette réponse les interdit. Vous croyez avoir à vous plain. dre, pourfuivit-il, & je crois coinme vous qu'on a tort de vous négliger; mais c'est le plus petit mal du monde. Plaignéz-vous de ce que l'Empire n'a plus fa force & fa fplendeur, de ce qu'un Prince, confumé de foins, de veilles & d'années, eft obligé, pour voir & pour agir, d'employer des yeux & des mains infidelles. Mais dans cette calamité générale, c'est bien la peine de penser à vous! Dans votre tems, re prit l'un des convives, ce n'étoit donc pas l'ufage de penfer, à fói? Hé bien la mode en eft venue, & l'on ne fait plus que cela. Tant pis, dit le vieillard, & s'il en eft ainsi, en vous négligeant on vous rend juftice. Eít.ce pour infulter les gens, lui dit le même, qu'on leur demande l'hofpitalité? Je ne vous infulte point, ,dit le vieillard'; je vous parle en ami, & je paie mon.afyle en vous difant la vérité.

Le jeune Tibere, qui depuis fut un Empereur vertueux, étoit du nombre des Chaffeurs. Il fut frappé de l'air vénérable de cet aveugle à cheveux blancs. Vous nous parlez, lui dit-il,

avec fageffe, mais avec un peu de rigueur; & ce dévouement que vous exigez, eft une vertu, mais non pas un devoir. C'eft un devoir de vol tre état, reprit l'aveugle avec fermeté; ou plu tôt c'est la bafe de vos devoirs, & de toute vertu militaire. Celui qui fe dévoue pour fa Patrie, doit la fuppofer infolvable; car ce qu'il expofe pour elle eft fans prix. Il doit même s'attendre à la trouver ingrate; car fi le facrifice qu'il lui fait n'étoit pas généreux, il feroit infenfé. Il n'y a que l'amour de la gloire, l'enthoufiafme de la vertu qui foient dignes de vous conduire. Et alors, que vous importe com ment vos fervices feront reçus ? La récompenfe eft indépendante des caprices d'un Miniftre & du difcernement d'un Souverain. Que le Soldat foit attiré par le vil appas du butin; qu'il s'expofe à mourir pour avoir de quoi vivre; je le conçois. Mais vous, qui nés dans l'abondance, n'avez qu'à vivre pour jouir; en renonçant aux délices d'une molle oifiveté, pour aller effuyer tant de fatigues, & affronter tant de périls, eftimez-vous affez peù ce noble dévouement, pour exiger qu'on vous le paie? Ne voyez-vous pas que c'eft l'avilir? Quicon que s'attend à un falaire eft efclave: la grandeur du prix n'y fait rien; & l'ame qui s'apprécie un talent eft auffi vénale que celle qui fe donne pour un obole. Ce que je dis de l'intérêt, je le dis de l'ambition; car les honneurs, les titres, le crédit, la faveur du Prince, tout cela eft une folde, & qui l'exige fe fait payer. Il faut fe donner ou fe vendre; il n'y a point de milieu. L'un eft un acte de liberté, l'autre un acte de fervitude: c'eft à vous de choisir celui qui vous convient. Ainfi, bon homme,

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