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odieux le noble fentiment que j'ai pu t'inspirer Feras - tu détenter cette pitié fi tendre? Au nom de la vertu, que tu chéris, je te conjure de ne pas la deshonorer. Qu'il ne foit pas dit que fon zele ait armé & conduit la main d'un furieux.

Si c'étoit moi, dit le Soldat, qu'on eût traité fi cruellement, je me fentirois peut-être le cous rage de le fouffrir; mais un grand homme Mais Bélifaire!.... Non je ne puis le pardon. ner. Je le pardonne bien, moi, dit le Héros. Quel autre intérêt que le mien peut t'animer à ma vengeance? Et fi j'y renonce, eft-ce à toi d'aller plus loin que je ne veux. Apprends que fi j'avois voulu laver dans le fang mon injure, des peuples fe feroient armés pour fervir mon reffentiment. J'obéis à ma destinée; imite-moi; ne crois pas fçavoir mieux que Bélifaire ce qui eft honnête & légitime; & fi tu te fens le cou rage de braver la mort, garde cette vertu pour fervir au befoin ton Prince & ton pays.

A ces mots, l'ardeur du jeune homme tomba comme étouffée par l'étonnement & l'admiration. Pardonnez-moi, lui dit-il, mon Général, un emportement dont je rougis. L'excès de vos malheurs a révolté mon ame. En condamnant mon zele, vous devez l'excufer. Je fais plus, reprit Bélifaire, je l'eftine, comme l'effet d'une ame forte & généreuse. Permets-moi de le di riger. Ta famille a befoin de toi; je veux que tu vives pour elle. Mais c'eft à tes enfans qu'il faut recommander les ennemis de Bélifaire. Nommez-les moi, dit le jeune homme avec ardeur; je vous réponds que mes enfans les haïront dès le berceau. Mes ennemis, dit le Héros, font les Scythes, les Huns, les Bulgares, les Efclavons, les Perfes, tous les ennemis de

l'Etat. Homme étonnant, s'écria le Villageois, en fe profternant à fes pieds! Adieu, mon ami. lui dit Bélifaire en l'embraffant. Il y a des 1 maux inévitables, & tout ce que peut l'homme jufte, c'eft de ne pas mériter les fiens. Si jamais l'abus du pouvoir, l'oubli des loix, la prospérité des méchans t'irrite, pense à Bélifaire. Adieu.

CHAPITRE V.

A conftance alloit être mife à une épreuve

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qui s'étoit paffé depuis fon emprisonnement. La nuit qu'il fut enlevé, & traîné dans les fers, comme un Criminel d'Etat, l'épouvante & la défolation fe répandirent dans fon Palais. Le réveil d'Antonine fa femme, & d'Eudoxe fa fille unique, fut le tableau le plus touchant de la douleur & de l'effroi. Antonine enfin revenue de fon égarement, & fe rappellant les bontés dont l'honoroit l'Impératrice, fe reprocha comme une foibleffe la frayeur qu'elle avoit montrée. Admise à la familiarité la plus intime de Théodore, Compagne de tous fes plaifirs, elle étoit fare de fon appui, ou plutôt elle croyoit l'être. Elle fe rendit donc à fon lever; & en préfence de toute la Cour, Madame, lui dit-elle, en fe jettant à fes genoux, fi Bélifaire a eu plus d'une fois le bonheur de fauver l'Empire, il demande pour récompenfe que le crime qu'on lui impute lui foit déclaré hautement, & qu'on oblige fes ennemis à l'accufer en face, au Tribunal de l'Empereur. La liberté de les con

fondre eft la feule grace qui foit digne de lui. Théodore lui fit figne de fe lever, & lui répon dit avec un front de glace: Si Bélifaire eft in nocent, il n'a rien à craindre; s'il eft coupable, il connoit affez la clémence de fón Maître, pour fçavoir comment le fléchir. Allez, Madame; je n'oublierai point que vous avez eu part à mes bontés. Ce froid accueil, ce congé brufque avoit accablé Antonine. Pâle & tremblante elle s'éloigna, fans que perfonne ofât lever les yeux fur elle; & Barfamès, qu'elle rencontra, paffoit lui-même fans la voir, fi elle ne l'eût abordé. C'étoit l'Intendant des Finances, le favori de Théodore. Antonine le fupplia de vouloir bien lui dire quel étoit le crime dont on accufoit Bélifaire. Moi, Madame, lui dit-il? Je ne fçais rien, je ne puis rien, je ne me mele de rien, que de mon devoir. Si chacun en faifoit autant, tout le monde feroit tranquille,

Ah! le complot eft formé, dit-elle, & Béli faire eft perdu. Plus loin elle rencontra un homme qui lui devoit fa fortune, & qui la veille lui étoit tout dévoué. Elle veut lui parler; mais fans daigner l'entendre, le fçais vos malheurs lui dit-il, & j'en fuis défolé; mais par don: j'ai une grace à folliciter; je n'ai pas un moment à perdre. Adieu Madame; perfonne au monde ne vous eft plus attaché que moi. Elle alla retrouver få fille; & une heure après on lui annonça qu'il falloit förtir de la Ville, & fe rendre à ce vieux Château qui fut marqué pour leur exil.

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La vue de ce Château folitaire & ruiné Antonine fe voyoit comme enfevelie, acheva de la défoler. Elle y tomba malade en arrivant & l'ame fenfible d'Eudoxe fut déchirée entre uni

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pere accufé, détenu dans les fers, livré en proie a fes ennemis, & une mere dont la vie, empoifonnée par le chagrin, n'annonçoit plus qu'une mort lente. Les jours, les plus beaux jours de cette aimable fille étoient remplis par les ten dres foins qu'elle rendoit à fa mere; fes nuits fe paffoient dans les larmes ; & les momens que la nature en déroboit à la douleur, pour les don ner au Sommeil, étoient troublés par d'effroyables fonges. L'image de fon pere au fond d'un cachot, courbé fous le poids de fes fers, la pourfuivoit fans ceffe; & les funeftes preffenti. mens de fa mere redoubloient encore fa frayeur. La connoiffance profonde & terrible qu'Antonine avoit de la Cour, lui faifoit voir la haine & la rage déchaînées contre fon époux. Quel triomphe, difoit elle, pour tous ces lâches envieux, que, depuis tant d'années, le bonheur d'un homme vertueux humilie & tourmente quel triomphe pour eux de le voir accablé ! Je me peins le fourire de la malignité, l'air mysté rieux de la calomnie, qui feint de ne pas dire tout ce qu'elle fçait, & femble vouloir ménager l'infortuné qu'elle affaffine. Ces vils flatteurs, ces complaifans-fi bas, je les vois tous, je les entends infulter à notre ruine. O ma fille! dans ton malheur tu as du moins la confolation de n'avoir point de reproche à te faire; & moi, j'ai à rougir de mon bonheur paffé, plus que de mes calamités préfentes. Les fages leçons de ton pere m'importunoient: il avoit beau me recommander de fuir les pieges de la Cour, de mettre ma gloire & ma dignité dans des mœurs fimples & modeftes, de chercher la paix & le bonheur dans l'intérieur de ina maifon, & de renoncer à un esclavage dont la honte feroit le

prix; j'appellois humeur fa trifte prévoyance, je m'en plaignois à fes ennemis. Quel égarement! quel affreux retour! C'est un coup de foudre qui m'éclaire; je ne vois l'abîme qu'en y tombant. Si tu fçavois, ma fille, avec quelle froideur l'Impératrice m'a renvoyée, elle à qui mon ame étoit affervie, elle dont les fantaisies étoient mes feules volontés! Et cette Cour, qui la veille me fourioit d'un air fi complaifant!.... Ames cruelles & perfides!..... Aucun, dès qu'on m'a yu fortir, les yeux baiffés & pleins de larmes aucun n'a daigné m'aborder. Le malheur est pour eux comme une pefte, qui les fait reculer d'effroi.

Telles étoient les réflexions de cette femme que fa chûte, en la détrompant de la Cour, n'en avoit pas détachée, & qui aimoit encore ce qu'elle méprifoit.

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Un an écoulé, rien ne tranfpiroit du procès de Bélifaire. On avoit découvert une confpira. tion; on l'accufoit de l'avoir tramée; & la voix de fes ennemis, qu'on appelloit la voix publique, le chargeoit de cet attentat. Les Chefs obftinés au filence, avoient péri dans les fupplices, fans nommer l'auteur du complot; c'étoit la feule présomption que l'on eût contre Bélifaire auffi manque de preuve, le laiffoit - on languir; & l'on efpéroit que fa mort dispenseroit de le convaincre. Cependant ceux de fes vieux Soldats qui étoient répandus parmi le peuple, redemandoient leur Général, & répondoient de fon innocence. Ils fouleverent la multitude, & menacerent de forcer les prisons, s'il n'étoit mis en liberté. Ce foulevement irrita l'Empéreur; & Théodore ayant faifi l'instant où la co lere le rendoit injufte, Hé bien, dit-elle, qu'on

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