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Considéré à ce point de vue, le troisième livre de l'Optique n'est plus la discussion seulement impartiale de systèmes opposés; il apparaît comme la peinture des souffrances d'un génie puissant, tourmenté par le doute, tour à tour entraîné par les suggestions séduisantes de l'imagination et rappelé par les exigences impérieuses de la logique. Nous assistons à un drame, à l'éternel combat de l'amour et du devoir, et c'est le devoir qui a été le plus fort.

Telle est, j'imagine, la genèse intime de la Théorie des accès, mélange bizarre des deux systèmes opposés; elle a été beaucoup admirée à cause de l'autorité du grand géomètre qui a eu la gloire de ramener l'ensemble des mouvements célestes à la loi unique de la gravitation universelle.

Aujourd'hui, cette théorie est abandonnée; elle est condamnée par l'experimentum crucis d'Arago, réalisé par Fizeau et Foucault: on doit pourtant reconnaître qu'elle a constitué un réel progrès par la notion précise et nouvelle qu'elle renferme. Le rayon de lumière considéré jusque-là était simplement la trajectoire d'une particule en mouvement rectiligne le rayon de lumière tel que le décrit Newton possède une structure périodique régulière, et la période ou longueur d'accès caractérise la couleur du rayon; c'est là un résultat capital. Il ne manque plus qu'une interprétation convenable pour transformer le rayon lumineux en une onde vibratoire; mais il faut attendre un siècle, et c'est le Dr Thomas Young qui, en 1801, aura l'honneur de la découvrir.

III

Reprenant l'étude des lames minces, Thomas Young montre que tout s'explique avec une extrême simplicité, si l'on suppose que le rayon lumineux homogène est l'analyse de l'onde sonore produite par un son musical; que les vibrations de l'éther, soumises aux lois des petits mouvements, doivent se composer, c'est-à-dire interférer, suivant l'expression qu'il propose pour exprimer leur action mutuelle. Quoique Young eût pris l'habile précaution de se réclamer de l'autorité de Newton*, l'hypothèse n'eut aucune faveur; son principe d'interférence conduisait à cette singulière conséquence que la lumière ajoutée à de la lumière pouvait, dans certains cas, produire l'obscurité; résultat paradoxal, contredit par l'expérience journalière. La seule vérification que Young apportât était l'existence des anneaux obscurs dans l'expérience de Newton, obscurité due, suivant lui, à l'interférence des ondes réfléchies aux deux faces de la lame; mais, comme la théorie newtonienne interprétait le fait autrement, la preuve restait douteuse; il fallait un experimentum crucis, Young ne réussit pas à l'obtenir.

"Comment ces attractions (gravité, magnétisme et électricité) peuvent-elles se produire, je ne m'y arrête pas ici. Ce que j'appelle attraction peut être produit par des impulsions ou par d'autres moyens que j'ignore..."

Il y aurait encore bien des remarques curieuses à faire sur l'état d'esprit du grand physicien, géomètre et philosophe, qui se révèle naïvement dans ces " Questions." Les courts extraits qui précèdent suffisent, je crois, à justifier la conclusion qui ressort de cette étude, à savoir, que Newton n'avait pas, sur le mécanisme de la lumière, les idées arrêtées qu'on lui prête en le considérant comme

initiateur de la théorie de l'émission. En réalité, il hésite entre les deux systèmes opposés dont il aperçoit clairement l'insuffisance et, dans cette discussion, il s'efforce de s'éloigner le moins possible des faits bien établis: voilà pourquoi il ne formule aucune théorie dogmatique. Il serait donc injuste de rendre Newton responsable de tout ce que les partisans de l'émission ont abrité sous son autorité.

* The Bakerian Lecture, on the Theory of Light and Colours. By Thomas Young. Philos. Trans. of the Royal Society of London, 1802, p. 12.

La théorie des ondes retombait donc encore une fois dans l'obscurité des controverses, et le terrible argument de la propagation rectiligne se dressait de nouveau contre elle. Les plus habiles géomètres de l'époque, Laplace, Biot, Poisson, s'étaient naturellement rangés à l'opinion newtonienne: Laplace en particulier, le célèbre auteur de la Mécanique céleste, avait même pris l'offensive; il était allé attaquer la théorie des ondes jusque dans le plus solide de ses retranchements, celui qui avait été élevé par l'illustre Huyghens.

Huyghens, en effet, dans son Traité de la Lumière, avait résolu un problème devant lequel la théorie de l'émission était restée muette, à savoir, l'explication de la biréfringence du cristal d'Islande; la théorie des ondes, au contraire, ramenait à une construction géométrique des plus simples la marche des deux rayons, ordinaire et extraordinaire; l'expérience confirmait en tous points ces résultats. tous points ces résultats. Laplace réussit, à son tour, à l'aide d'hypothèses sur la constitution des particules lumineuses, à expliquer la marche de ces étranges rayons. La victoire de la théorie particulaire paraissait donc complète: un nouveau phénomène arrivait même tout à point pour la rendre éclatante.

Malus découvrait qu'un rayon de lumière naturelle, réfléchi sous un certain angle, acquiert des propriétés dissymétriques semblables à celles des rayons du cristal d'Islande; il expliqua ce phénomène par une orientation de la molécule lumineuse, et, en conséquence, nomma cette lumière, lumière polarisée; c'était un nouveau succès pour l'émission,

Le triomphe ne fut pas de longue durée; en 1816, un jeune ingénieur, à peine sorti de l'École Polytechnique, Augustin Fresnel, confiait à Arago ses doutes sur la théorie en faveur et lui indiquait les expériences qui tendaient à la renverser; s'appuyant sur les idées d'Huyghens, il avait attaqué la redoutable question des rayons et des ombres et l'avait résolue; tous les phénomènes de diffraction étaient ramenés à un problème d'analyse et l'observation vérifiait merveilleusement le calcul. Il avait, sans les connaître, retrouvé les raisonnements de Young, ainsi que le principe des interférences; mais, plus heureux que lui, il apportait l'experimentum crucis, l'expérience des deux miroirs; là, deux rayons issus d'une même source, purs de toute altération, produisent par leur concours, tantôt de la lumière, tantôt de l'obscurité.. L'illustre Young fut le premier à applaudir au succès de son jeune émule et lui témoigna une bienveillance qui ne se démentit jamais.

Ainsi, grâce à l'expérience des deux miroirs, la théorie du Dr Young, c'est-à-dire l'analogie complète du rayon lumineux et de l'onde sonore, est solidement établie.

En outre, la théorie de la diffraction de Fresnel montre la cause de leur dissemblance; la lumière se propage en ligne droite parce que les ondes lumineuses sont extrêmement petites; au contraire, le son se diffuse parce que les longueurs des ondes sonores sont relativement très grandes.

Ainsi s'évanouit la terrible objection qui avait tant tourmenté l'esprit du grand Newton.

Mais il restait encore à expliquer une autre différence essentielle entre l'onde lumineuse et l'onde sonore; celle-ci ne se polarise pas, comment se fait-il que l'onde lumineuse se polarise?

La réponse à cette question paraissait si difficile que Young déclara renoncer à

la chercher. Fresnel travailla plus de cinq ans à la découvrir; elle est aussi simple qu'inattendue : L'onde sonore ne peut pas se polariser parce que ses vibrations sont longitudinales ; la lumière, au contraire, se polarise parce que ses vibrations sont transversales, c'est-à-dire perpendiculaires au rayon lumineux.

Désormais, la nature de la lumière est complètement établie; tous les phénomènes présentés comme des objections absolues s'expliquent avec une merveilleuse facilité, jusque dans leurs plus minutieux détails.

Je voudrais pouvoir vous retracer par quel admirable enchaînement d'expériences et de raisonnements Fresnel est arrivé à cette découverte, l'une des plus importantes de la science moderne; mais le temps me presse. Il m'a suffi de vous faire comprendre la grandeur des difficultés qu'il a fallu vaincre pour l'accomplir; j'ai hâte d'en faire ressortir les conséquences.

IV

Vous avez vu, au début, les raisons purement physiologiques qui font de l'étude de la lumière le centre nécessaire des informations de l'intelligence humaine. Vous devez juger maintenant par les péripéties de ce long développement des théories optiques, quelle préoccupation elle a toujours causée aux puissants esprits qui s'intéressent aux forces naturelles. En effet, tous les phénomènes qui se passent sous nos yeux impliquent une transmission à distance de force ou de mouvement; que la distance soit infiniment grande, comme dans les espaces célestes, ou infiniment petite, comme dans les intervalles moléculaires, le mystère est le même. Or, la lumière est l'agent qui nous amène le mouvement des corps lumineux: approfondir le mécanisme de cette transmission, c'est approfondir celui de toutes les autres, et Descartes en avait eu l'admirable intuition lorsqu'il embrassait tous ces problèmes dans une même conception mécanique: voilà le lien secret qui a toujours attiré les physiciens et les géomètres vers l'étude de la lumière.

Envisagée à ce point de vue, l'histoire de l'Optique acquiert une portée philosophique considérable; elle devient l'histoire des progrès successifs de nos connaissances sur les moyens que la Nature emploie pour transmettre à distance le mouvement et la force.

La première idée qui est venue à l'esprit de l'homme, dès l'état sauvage, pour exercer sa force hors de sa portée, c'est le jet d'une pierre, d'une flèche ou d'un projectile quelconque; voilà le germe de la théorie de l'émission: cette théorie correspond au système philosophique qui suppose un espace vide où le projectile se meut librement.

A un degré de culture plus avancé, l'homme, devenu physicien, a eu l'idée plus délicate de la transmission du mouvement par ondes, suggérée d'abord par l'étude des vagues, puis par celle du son. Ce second mode suppose, au contraire, que l'espace est plein: il n'y a plus ici transport de matière, les particules oscillent dans le sens de la propagation, et c'est par compression ou dilatation d'un milieu élastique continu que le mouvement et la force sont transmis. Telle a été l'origine de la théorie des ondes lumineuses; sous cette forme, elle ne pouvait représenter qu'une partie des phénomènes, ainsi qu'on l'a vu précédemment; elle était donc insuffisante. Mais les géomètres et

les physiciens avant Fresnel ne connaissaient pas d'autre mécanisme ondulatoire dans un milieu continu.

La grande découverte de Fresnel a été de révéler un troisième mode de transmission, tout aussi naturel que le précédent, mais qui offre une richesse de ressources incomparable. Ce sont les ondes à vibrations transversales excitées dans un milieu continu incompressible, celles qui rendent compte de toutes les propriétés de la lumière. Dans ce mode ondulatoire, le déplacement des particules met en jeu une élasticité d'un genre spécial; c'est le glissement relatif des couches concentriques à l'ébranlement qui transmet le mouvement et l'effort. Le caractère de ces ondes est de n'imposer au milieu aucune variation de densité, comme dans le système de Descartes.

La richesse de ressources annoncée plus haut provient de ce que la forme de la vibration transversale reste indéterminée, ce qui confère aux ondes une variété infinie de propriétés différentes.

Les formes rectiligne, circulaire, elliptique, caractérisent précisément ces polarisations si inattendues que Fresnel a découvertes et à l'aide desquelles il a si admirablement expliqué les beaux phénomènes d'Arago produits par les lames cristallisées.

L'existence possible d'ondes se propageant sans changement de densité a modifié profondément la théorie mathématique de l'Élasticité. Les géomètres retrouvèrent dans leurs équations ces ondes à vibrations transversales qui leur étaient inconnues; ils apprirent, en outre, de Fresnel la constitution la plus générale des milieux élastiques, à laquelle ils n'avaient pas songé.

C'est dans son admirable Mémoire sur la double réfraction que le grand physicien émet l'idée que, dans les cristaux, l'élasticité de l'éther doit être variable avec la direction, condition inattendue et d'une extrême importance qui transformera les bases fondamentales de la Mécanique moléculaire; les travaux de Cauchy et de Green en sont la preuve frappante.

De ce principe, Fresnel conclut la forme la plus générale de la surface de l'onde lumineuse dans les cristaux et retrouva (comme cas particulier) la sphère et l'ellipsoïde que Huyghens avait assignés au cristal d'Islande.

Cette nouvelle découverte excita l'admiration universelle parmi les physiciens et les géomètres; lorsque Arago vint l'exposer devant l'Académie des Sciences, Laplace, si longtemps hostile, se déclara convaincu. Deux ans après, Fresnel, élu membre de l'Académie à l'unanimité des suffrages, était élu, avec la même unanimité, membre étranger de la Société Royale de Londres; ce fut Young lui-même qui lui transmit la nouvelle de cette distinction avec l'hommage personnel de son admiration sincère.

V

L'établissement définitif de la théorie des ondes impose la nécessité d'admettre l'existence d'un milieu élastique pour transmettre le mouvement lumineux. Mais toute transmission à distance de mouvement ou de force n'implique-t-elle pas la même condition? C'est à Faraday que revient l'honneur d'avoir, en véritable disciple de Descartes et de Leibnitz,

proclamé ce principe et d'avoir résolument attribué aux réactions du milieu ambiant l'apparente action à distance des systèmes électriques et magnétiques. Faraday fut récompensé de sa hardiesse par la découverte de l'induction. Et, comme l'induction s'exerce même à travers un espace vide de matière pondérable, on est forcé d'admettre que le milieu actif est justement celui qui transmet les ondes lumineuses, l'éther.

La transmission d'un mouvement par un milieu élastique ne peut pas être instantanée; si c'est vraiment l'éther luminifère qui est le milieu transmetteur, l'induction ne doit-elle pas se propager avec la vitesse des ondes lumineuses.

La vérification était malaisée; Von Helmholz, qui tenta la mesure directe de cette vitesse, trouva, comme autrefois Galilée, pour la vitesse de la lumière, une valeur pratiquement infinie.

Mais l'attention des physiciens fut attirée par une singulière coïncidence numérique : le rapport de l'unité de quantité électrostatique à l'unité électro-magnétique est représenté par un nombre précisément égal à la vitesse de la lumière.

L'illustre Clerk Maxwell, suivant les idées de Faraday, n'hésita pas à voir dans ce rapport la mesure indirecte de la vitesse d'induction, et, par une série d'intuitions remarquables, il parvint à élever cette célèbre théorie électro-magnétique de la lumière, qui identifie, dans un même mécanisme, trois groupes de phénomènes en apparence complètement distincts: Lumière, Électricité, Magnétisme.

Mais les théories abstraites des phénomènes naturels ne sont rien sans le contrôle de l'expérience. La théorie de Maxwell fut soumise à l'épreuve et le succès dépassa

toute attente.

Les résultats sont trop récents et trop bien connus, ici surtout, pour qu'il soit nécessaire d'y insister.

Un jeune physicien allemand, Henry Hertz, enlevé prématurément à la Science, empruntant à von Helmholz et à Lord Kelvin leur belle analyse des décharges oscillantes, réalisa si parfaitement des ondes électriques et électro-magnétiques, que ces ondes possèdent toutes les propriétés des ondes lumineuses; la seule particularité qui les distingue, c'est que leurs vibrations sont moins rapides que celles de la lumière.

Il en résulte qu'on peut reproduire, avec des décharges électriques, les expériences les plus délicates de l'Optique moderne: réflexion, réfraction, diffraction, polarisation rectiligne, circulaire, elliptique, etc.

Mais, je m'arrête, Messieurs; je sens que j'ai assumé une tâche trop lourde en essayant de vous énumérer toutes les richesses que les ondes à vibrations transversales concentrent aujourd'hui dans nos mains.

J'ai dit, en commençant, que l'Optique me paraissait être la Science directrice de la Physique moderne.

Si quelque doute a pu s'élever dans votre esprit, j'espère que cette impression s'est effacée pour faire place à un sentiment de surprise et d'admiration en voyant tout ce que l'étude de la lumière a apporté d'idées nouvelles sur le mécanisme des

forces de la Nature.

Elle a ramené insensiblement à la conception cartésienne d'un milieu unique remplissant l'espace, siège des phénomènes électriques, magnétiques et umineux; elle laisse

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