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ressource, pour ne pas périr de faim, que d'errer dans le pays, implorant l'assistance des ames charitables que le récit de ses malheurs pouvoit attendrir; il mangeoit le pain de la charité publique, dans les larmes et les remords.

« Où en serois-je à présent, se disoit-il en soupirant, si tous les hommes étoient aussi durs que moi? Ah! s'ils savoient comme j'ai traité mon frère, ils me repousseroient avec horreur: mon frère! mon frère! s'écria-t-il quelquefois dans le chemin, où es-tu? tu me maudis sans doute, et tu éprouves peut-être en ce moment les horreurs de la faim! que ne peux-tu me rencontrer et me voir: tu serois vengé! que ne puis-je en t'embrassant rompre avec toi ce morceau de pain qu'une mère pauvre et généreuse vient de me donner par la main de son jeune enfant ! je serois consolé.... Hélas! si le hasard m'offroit à ses yeux, il ne reconnoîtroit jamais son aîné sous les lambeaux de la misère; il devroit pourtant espérer de m'y trouver, s'il croit qu'il soit un Dieu vengeur.

Un jour qu'il avoit fait plusieurs lieues, ayant à peine trouvé ce qu'il lui falloit pour se soutenir, il aperçut de loin un homme bien mis, se promenant dans une prairie voisine d'un joli château, dont il parut le seigneur; il s'avance, l'aborde, lui expose ses malheurs, ses besoins, et le conjure de lui accorder quelques secours. D'où êtes-vous, lui demanda l'étranger, et comment s'est fait cet enchaînement de revers qui vous a réduit à l'état où vous êtes? L'autre lui raconta son histoire en détail, ne supprimant que l'article de ses mauvais traitemens envers son frère : dans l'effusion de son récit, il fut tenté plus d'une fois de lui révéler tout, et d'avouer qu'il avoit bien mérité ses malheurs; mais la crainte et le besoin le retinrent, il craignit d'éteindre par cet aveu la pitié qu'il vouloit inspirer à ce seigneur; il en dit pourtant assez pour être reconnu de quiconque connoissoit sa famille. L'étranger, sans lui faire part de sa découverte, l'emmène au château, et ordonne à ses gens

de le bien traiter et de lui préparer un logement pour la nuit. Le soir il raconte à sa femme l'aventure qui vient de lui arriver, et lui communique son dessein. Le pauvre dormit d'un sommeil profond et paisible toute la nuit, et le matin à son réveil, sa première pensée fut : « Que 'cet honnête homme est Bienfaisant! s'il n'est pas né riche, il méritoit de le devenir. » Quelques heures après, le maître l'envoie chercher. Quand il fut dans sa présence, il le fixa quelque temps avec attendrissement, et lui demanda s'il ne le connoissoit pas ? Non, répondit le pauvre. Hé quoi! s'écria-t-il en pleurs, je suis ton frère! En même temps il s'élance à son cou, et l'étreint tendrement dans ses bras. L'aîné, frappé d'étonnement, de confusion, de repentir, de reconnoissance et de joie, tombe à ses genoux, en s'écriant: Mon frère ! il les embrasse et les arrose de ses larmes, en lui demandant pardon. Il y a long-temps, lui répond son frère, que je t'ai pardonné; oublie le passé : tu es riche, car je le suis; vivons ensemble et aimonsnous. Oui, mon frère, je t'aimerai, lui répond l'aîné, d'une voix étouffée par les sanglots: mais je ne me pardonnerai jamais, je me souviendrai toujours de la manière dont je t'ai traité, et que c'est toi qui me soulages.

La dette de l'humanité.

UN jeune peintre, arrivé à Modène et manquant de tout, pria un gagne-petit de lui trouver un gîte à peu de frais, ou pour l'amour de Dieu; l'artisan lui offrit la moitié du sien. On cherche en vain de l'ouvrage pour cet étranger; son hôte ne se décourage point, il le défraie et le console. Le peintre tombe malade; l'autre se lève plus matin et se couche plus tard, pour gagner davantage, et fournit en conséquence aux besoins du malade qui avoit écrit à sa fa

99 mille... L'artisan le veilla pendant tout le temps de sa maladie, qui fut assez longue, et pourvut à toutes les dépenses nécessaires. Quelques jours après la guérison, l'étranger reçut de ses parens une somme assez considérable, et courut chez l'artisan pour le payer. Non, Monsieur, lui répondit son généreux bienfaiteur, c'est une dette que vous avez contractée envers le premier honnête homme que vous trouverez dans l'infortune! je devois ce bienfait à un autre, je viens de m'acquitter; n'oubliez pas d'en faire autant, dès que l'occasion s'en présentera.

Le Lion et l'Epagneul.

Pour voir à la tour de Londres les bêtes féroces, il falloit donner de l'argent à leur maître, ou appòrter un chien ou un chat qui pût leur servir de nourriture. Quelqu'un prit dans une rue un épagneul noir, qui étoit très-joli ; étant venu voir un énorme lion, il jeta dans sa cage le petit chien. Aussitôt la frayeur s'empare de ce petit animal; il tremble de tous ses membres, se couche humblement, rampe, prend l'attitude la plus capable de fléchir le courroux naturel au lion, et d'émouvoir ses dures entrailles. Cette bête féroce le tourne, le retourne, le flaire sans li faire le moindre mal. Le maître jette au lion un morceau de viande, il refuse de le manger en regardant fixement le chien, comme s'il vouloit l'inviter à le goûter avant lui. L'épagneul revient de sa frayeur, il s'approche de cette viande, en mange, et dans l'instant le lion s'avança pour la partager avec lui. Ce fut alors qu'on vit naître entre eux une étroite amitié. Le lion, comme transformé en un animal doux et caressant, donnoit à l'épagneul des marques de la plus vive tendresse, et l'épagneul à son tour témoignoit au lion la plus extrême confiance. La personne qui avoit perdu ce petit chien, vint quelque

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temps après pour le réclamer. Le maître du lion la presse vivement de ne pas rompre la chaîne de l'amitié qui unit si étroitement ces deux animaux; elle résiste à ses sollicitations. « Puisque cela est ainsi, répliqua le maître du lion, prenez vous-même votre chien; car si je m'en chargeois, cette commission deviendroit pour moi trop dangereuse. » Le propriétaire de l'épagneul comprit bien qu'il falloit en faire le sacrifice. Au bout d'une année, le chien tomba malade et mourut; le lion s'imagina pendant quelque temps qu'il dormoit; il voulut l'éveiller, et l'ayant inutilement remué avec ses pattes, il s'aper çut alors que l'épagneul étoit mort; sa crinière se hérisse, ses yeux étincellent: sa tête se redresse, sa douleur éclate avec fureur; transporté de rage " tantôt il s'élance d'un bout de sa cage à l'autre, tantôt il en mord les barreaux pour les briser; quelquefois il considère d'un œil consterné le corps mort de son tendre ami, et pousse des rugissemens épouvantables; il étoit si terrible, qu'il faisoit sauter par ses coups de larges morceaux du plancher: on voulut écarter de lui l'objet de sa profonde douleur, mais ce fut inutilement, et il garda le petit chien avec grand soin; il ne mangeoit pas même ce qu'on lui donnoit pour calmer ses transports furieux. Le maître alors jeta des chiens vivans dans sa cage; il les mit en pièces; enfin il se coucha, et mit sur son sein le corps de son ami, seul et unique compagnon qu'il eût sør la terre; il resta dans cette situation pendant cinq jours, sans vouloir prendre de nourriture; rien ne put modérer l'excès de sa tristesse il languit et tomba dans une si grande foiblesse, qu'il en mourut : on le trouva la tête affectueusement penchée sur le corps de l'épagneul. Le maître pleura la mort de ces deux inséparables amis, et les fit mettre dans une même fosse L'histoire nous présente-t-elle un exemple d'amitié plus parfaite? Quel modèle à proposer! il est la honte de ces hommes, dont le seul intérêt forme et rompt les liens qui les unissent.

Trait de générosité.

Le célèbre Maupertuis, qui accompagnoit le roi de Prusse à la guerre, fut fait prisonnier à la bataille de Malwitz, et conduit à Vienne. Le grand duc de Toscane, depuis empereur, vouloit voir un homme qui avoit une si grande réputation; il le traita avec estime, et lui demanda s'il ne regrettoit pas quelqu'un des effets que les hussards lui avoient enlevés.

Maupertuis, après s'être long-temps fait presser, avoua qu'il auroit voulu sauver une excellente montre de Grehan, dont il se servoit pour ses observations astronomiques. Le grand duc, qui en avoit une du même horloger, mais enrichie de diamans, dit au mathématicien français c'est une plaisanterie que les hussards ont voulu faire; ils m'ont rapporté votre montre; la voilà, je vous la rends.

(Année littéraire.)

Trait de justice.

* L'EMPEREUR se promenant seul dans les rues de Vienne, vêtu comme un simple particulier, rencontra une jeune personne tout éplorée, qui portoit un paquet sous son bras. Qu'avez-vous, lui dit-il affectueusement? que portez-vous? où allez-vous ? ne pourrois-je calmer votre douleur? Je porte des hardes de ma malheureuse mère, répondit la jeune personne au prince, qui lui étoit inconnu, je vais les vendre; c'est, ajouta-t-elle d'une voix entrecoupée, notre dernière ressource. Ah! si mon père, qui versa tant de fois son sang pour la patrie, vivoit encore, ou s'il avoit obtenu la récompense duc à ses

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