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grin de ma perte et sa vieillesse ne l'ont pas fait mourir, dis-lui..... Que j'aille trouver ton père, mon cher Roger; eh! que prétends-tu faire ? me seroit-il possible d'être heureux, de vivre un seul instant, si je te laissois dans les fers ?..... Mais, Antonio, je ne sais pas nager, et tu le sais, toi. Je sais t'aimer, répart l'Espagnol, en fondant en larmes, serrant avec chaleur Roger contre sa poitrine; mes jours sont les tiens; nous nous sauverons tous deux; va, l'amitié me prêtera des forces tu te tiendras attaché à cette ceinture. - Il est inutile, Antonio, d'y penser; je ne saurois m'exposer à faire périr mon ami; l'idée seule m'inspire de l'horreur; cette ceinture m'échapperoit, ou je t'entraînerois avec moi, je serois la cause de ta perte. Eh bien, Roger, nous.... Mais pourquoi former ces craintes, je te l'ai dit, l'amitié soutiendra mon courage, je t'aime trop pour qu'elle ne fasse pas des miracles; cesse de combattre mon dessein, je l'ai résolu; je m'aperçois que les monstres qui nous gardent nous épient, il y a de nos compagnons même qui seroient assez lâches pour nous trahir. Adieu, j'entends la cloche qui nous rappelle; il faut nous séparer; adieu, mon cher Roger, à demain.

Ils sont renfermés dans leur bagne. Antonio étoit rempli de son projet ; il se voyoit déjà franchissant la Méditerranée, libre et dans le sein de ses compatriotes; il étoit dans les bras de sa femme et de ses enfans. Roger se présentoit un tableau bien différent : son ami, victime de sa générosité, emporté avec lui au fond de la mer, périssant enfin, quand peut-être, en ne s'occupant que de sa seule conservation, il eût pu se sauver et être rendu à une famille qui, selon les apparences, gémissoit et souffroit de son esclavage. Non, se disoit dans son cœur l'infortuné Français, je ne céderai point aux sollicitations d'Antonio je ne lui causerai point la mort, pour prix de cette amitié si généreuse qu'il m'a vouée : il sera libre; mon malheureux père apprendra du

moins que je vis encore, que je l'aime toujours : hélas! je devois être l'appui de sa vieillesse, le consoler; je lui étois nécessaire: peut-être, dans ce moment, expire-t-il dans l'indigence, en desirant de voir et d'embrasser son fils...... Allons, qu'Antonio soit heureux, je mourrai avec moins de douleur.

On ne vint point le lendemain à l'heure ordinaire, tirer les esclaves de la prison: l'Espagnol étoit dévoré d'impatience, et Roger ne savoit s'il devoit se réjouir, ou s'affliger de ce contre-temps. Enfin on les rend à leurs travaux; ils ne pouvoient se parler, leur maître, ce jour-là, les avoit accompagnés. Antonio se contentoit de regarder Roger et de soupirer; quelquefois il lui montroit des yeux la mer, et ne pouvoit, à cet aspect, contenir des mouvemens qui étoient prêts à lui échapper. Le soir arrive, ils se trouvent seuls: Saisissons le moment, s'écrie l'Espagnol, en s'adressant à son compagnon, viens. Non, mon ami, jamais je ne pourrai me résoudre à exposer ta vie; adieu, adieu, adieu..... Antonio, je t'embrasse pour la dernière fois; sauve-toi, je t'en conjure, ne perds pas de temps; souviens-toi toujours de notre tendre amitié : je te prie seulement de me rendre le service que tu m'as promis à l'égard de mon père; il doit être bien vieux, bien à plaindre; va le consoler; s'il avoit besoin de quelques secours..... mon ami.....

A ces mots, Roger tomba dans les bras d'Antonio, en versant un torrent de pleurs; son ame étoit déchirée. Tu pleures, Roger; ce n'est pas des pleurs qu'il faut, c'est du courage; une minute, nous sommes perdus; peut-être ne retrouverons→ nous jamais l'occasion; choisis; ou laisse-toi conduire, ou je me brise la tête sur ces rochers.

Le Français se jette aux genoux de l'Espagnol, veut encore lui faire des représentations, lui montrer les risques infaillibles qu'il court, s'il s'obstine à vouloir le sauver avec lui; Antonio le regarde tendrement, l'embrasse, gagne le sommet du rocher,

s'élance avec lui dans la mer. Ils vont d'abord au fond, reviennent ensuite au-dessus des flots. Antonio s'arme de toutes ses forces; nage en retenant Roger, qui s'emble s'opposer aux efforts de son ami, et craindre de l'entraîner dans sa chute.

Les personnes qui étoient dans le vaisseau restoient frappées d'un spectacle qu'elles ne pouvoient distinguer elles croyoient qu'un monstre marin s'approchoit du navire. Un nouvel objet détourne leur curiosité: on aperçoit une chaloupe qui s'empressoit de quitter le rivage, et de poursuivre avec précipitation ce qu'on avoit pris pour quelque poisson monstrueux ; c'étoient les soldats préposés à la garde des esclaves, qui brûloient de reprendre Antonio et Roger. Celui-ci les voit venir, et, en même-temps il jette les yeux sur son ami, qui commençoit à s'affoiblir; il fait un effort et se détache d'Antonio, en disant On nous poursuit, sauve-toi, et laisse-moi périr, je retarde ta course. A peine eut-il dit ces mots, qu'il tombe au fond de la mer. Un nouveau transport d'amitié ranime l'Espagnol; il s'élance vers le Français, le reprend au moment qu'il périssoit, et tous les deux disparoissent.

La chaloupe, incertaine de quel côté poursuivre sa route, s'étoit arrêtée; tandis qu'une barque détachée du navire, alloit reconnoître ce qu'ils n'avoient fait qu'entrevoir; les flots recommencent à s'agiter; on distingue enfin deux hommes, dont l'un, qui tenoit l'autre embrassé, s'efforçoit de nager vers la barque. On fait force de rames pour voler à leur secours. Antonio est prêt à laisser échapper Roger; il entend qu'on lui crie de cette barque, il serre son ami, fait de nouveaux efforts, et saisit d'une main défaillante un des bords de la barque. Il est prêt à retomber, on les retient tous deux : les forces d'Antonio étoient épuisées, il n'a que le temps de s'écrier: Qu'on porte du secours à mon ami, je me meurs; et toutes les horreurs de la mort se répandent sur son visage, Roger, qui étoit évanoui, ouvre les Jeux &

lève la tête, et voit Antonio étendu à ses côtés, et ne donnant plus aucun signe de vie; il s'élance sur son corps, l'embrasse, l'inonde de ses larmes, pousse mille cris: Mon ami, mon bienfaiteur, c'est moi qui suis ton assassin! mon cher Antonio, tu ne m'entends plus; c'est donc là la récompense de m'avoir sauvé la vie? Ah! qu'on se hâte de me l'ôter, cette vie malheureuse, je ne puis plus la supporter, j'ai perdu mon ami.

Roger veut se poignarder; on lui arrache une épée dont il s'étoit saisi; il apprend au milieu des sanglots, les détails de son aventure aux gens de la barque, il retomboit toujours sur le corps d'Antonio; ne m'empêchez point de mourir : oui, mon ami, je vais te suivre, ajoutoit-il, en couvrant le corps pâle de ses baisers et de ses larmes. Ayez pitié de moi, au nom de Dieu, laissez-moi mourir.

Le ciel qui sans doute est touché des larmes des hommes, lorsqu'elles sont sincères, semble donner une marque signalée de sa bonté en faveur d'un sentiment si rare. Antonio jette un soupir, Roger pousse un cri de joie; on se réunit à lui pour donner du secours au malheureux Espagnol; enfin il lève un œil mourant; ses premiers regards cherchent à se fixer sur le Français; à peine l'a-t-il aperçu, qu'il s'écrie: J'ai pu sauver mon cher Roger!

La barque arrive au vaisseau, ces deux hommes inspirent une sorte de respect à l'équipage, tant la vertu a des droits sur tous les cœurs! ils excitent un intérêt puissant; tous se disputent le plaisir de les obliger. Roger árrivé en France court dans les bras de son père, qui pensa expirer d'un excès de joie, et il fut nommé gondolier de Versailles. L'Espagnol à qui on avoit offert un poste très-avantageux pour un homme de son état, aima mieux rejoindre sa femme et ses enfans: mais l'absence ne diminua rien de son amitié; il demeura en correspondance de lettres avec Roger. Ces lettres sont des chefs-d'œuvres de naïveté et de sentiment; on pourra un jour les

rendre publiques, pour l'honneur d'un sentiment qui a produit tant d'actions héroïques.

LETTRE DE M. LE COMTE DE T***,

Concernant la famille des Fleuriot, connus en Lorraine sous le nom de Valdajou.

A une lieue et demie de Plombières, et dans la partie des Vosges qui touche à la Franche-Comté, un vallon assez spacieux, formé par plusieurs gorges réunies, montre un aspect riant, où l'on reconnoît une culture assidue et dirigée avec industrie.

Une seule famille partagée en quatre ou cinq habitations, élevée dans les mêmes principes, reconnoissant un chef dans le plus ancien et le plus éclairé de ses membres, s'occupe sans cesse du bien public, de l'éducation de ses enfans, du soulagement des malheureux, et de l'agriculture.

Cette famille, dont le nom est Fleuriot, est plus connue encore sous celui de Valdajou, nom que porte le pays et le hameau qu'elle habite.

Depuis très-long-temps les chefs de cette famille ont exercé principalement la partie de chirurgie qui sert à réparer les fractures et les luxations des os. Leurs succès continuels leur ont mérité la réputation d'habileté; une grande piété, une charité immense leur ont bien justement acquis celle de gens vertueux.

Une modestie singulière, une tendresse vraiment fraternelle règnent dans cette heureuse famille, qui est maintenant assez nombreuse et assez éloignée de sa souche commune, pour ne plus contracter d'alliances étrangères.

Le feu duc Léopold, touché des vertus constantes des Fleuriot, et reconnoissant que dans tous leurs actes ils avoient sans cesse mérité la couronne ci

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