صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

;

vous êtes malheureux : comme rien në vous contraint, rien auffi ne vous fixe moins vous dépendez des autres, plus vous êtes livré à vous-même: vos caprices naiffent de votre indépendance: vous retournez fur vous votre autorité vos paffions ayant effayé de tout, & tout ufé, il ne vous refte plus qu'à vous dévorer vous-même : vos bizarreries deviennent l'unique reffource de votre ennui & de votre fatiété; ne pouvant plus varier les plaifirs déjà tous épuifés, vous ne fauriez plus trouver de variété que dans les inégalités éternelles de votre humeur ; & vous vous en prenez fans ceffe à vous, du vuide que tout ce qui vous environne laiffe au dedans de vousmême.

&

Et ce n'eft pas ici une de ces vaines images que le difcours embellit où l'on fupplée par les ornements à la reffemblance. Approchez des Grands; jettez les yeux vous-même fur une de ces perfonnes, qui ont vieilli dans les paffions, & que le long ufage des plaifirs ont rendu également inhabiles, & au vice & à la vertu. Quel nuage éternel fur l'humeur ! quel fond de chagrin & de caprice! Rien ne plaît, parce qu'on ne fauroit plus foi-même

[ocr errors]

1

fe plaire; on fe venge fur tout ce qui nous environne des chagrins fecrets qui nous déchirent; il femble qu'on fait un crime au refte des hommes de l'impuiffance où l'on eft d'être encore auffi criminel qu'eux: on leur reproche en fecret tout ce qu'on ne peut plus fe permettre à foi-même; & l'on met l'humeur à la place des plaifirs.

[ocr errors]
[ocr errors]

Non, mes Freres tournez-vous de tous les côtés, les Grands féparés de Dieu ne font plus que les triftes jouets de leurs paffions, de leurs caprices, des événements, & de toutes les chofes humaines. Eux feuls fentent le malheur d'une ame livrée à elle-même en qui toutes les reffources des fens & des plaifirs ne laiffent qu'un vuide affreux; & à qui le monde entier, avec tout cet amas de gloire & de fumée qui l'environne, devient inutile, fi Dieu n'eft point avec elle : ils font comme les témoins illuftres de l'insuffifance des créatures, & de la néceffité d'un Dieu & d'une Religion fur la terre. Eux feuls prouvent au refte des hommes, qu'il ne faut attendre de bonheur ici-bas que dans la vertu & dans l'innocence; que tout ce qui augmente nos paffions, multiplie nos peines; que les heureux du monde

1

n'en font, pour ainfi dire, que les pre-
miers martyrs, & que Dieu feul peur
fuffire à un cœur qui n'eft fait que
pour lui feul.

Dieu de mes peres, difoit autrefois un jeune Roi, & qui dès l'enfance comme vous, SIRE, étoit monté fur le Trône Dieu de mes peres, vous m'avez établi Prince fur votre peuple & Juge des enfants d'Ifraël: au fortir prefque du berceau, vous m'avez placé fur le Trône; & en un âge où l'on ignore encore l'art de fe conduire foimême, vous m'avez choifi pour être Sap. 57. le conducteur d'un grand peuple; Deus

parum meorum, tu clegifli me Regem populo tus. Vous m'avez environné de gloire, de profpérité & d'abondance; mais la magnificence de vos dons fera elle-même la fource de mes malheurs & de mes peines, fi vous n'y ajoutez l'amour de vos commandements & la fageffe. Envoyez-la-moi du haut des Cieux, où elle affifte fans celle à vos côtés; c'est elle qui préfide aux bons confeils, & qui donnera à ma jeuneffe toute la prudence des Vieillards, & toute la majefté des Rois mes ancêtres; elle feule m'adoucira les foucis de l'autorité & le poids de ma bid..8. couronne: Ut mecum fit & mecum la

boret; elle feule me fera paffer des
jours heureux, & me foutiendra dans
les ennuis, & les penfées inquiétes
que la royauté traîne après elle: Et
erit allocutio cogitationis, & tadii mei. Sap.8.74
Je ne trouverai de repos au milieu mê-
me de la magnificence de mes palais,
& parmi les hommages qu'on m'y
rendra, qu'avec elle: Intrans in do- Ibid..
mum meam, conquiefcam cum illa. Les 16.
plaifirs finiffent par l'amertume, le
Trône lui-même, grand Dieu! fi vous
n'y êtes affis avec le Souverain, eft le
fiége des noirs foucis. Mais votre
crainte & la fageffe ne laiffe point de
regret après elle: on ne s'ennuye point
de la pofféder; & la joie même & la
paix ne fe trouvent jamais qu'avec elle.
Nec enim habet amaritudinem converfa- Ibid.
tio illius, nec tadium, fed lætitiam &
gaudium.

Heureux donc le Prince, ô mon Dieu ! qui ne croit commencer à regner que lorfqu'il commence à vous craindre; qui ne fe propofe d'aller à la gloire que par la vertu ; & qui regarde comme un malheur de commander aux autres, s'il ne vous eft pas foumis luimême !

Donnez donc, grand Dieu! votre fageffe & votre jugement au Roi, &

[ocr errors]

RS. 71. 1.

votre juftice à cet enfant de tant de Rois. Vous qui êtes le fecours du pupille, rendez lui par l'abondance de vos bénédictions, ce que vous lui avez ôté en le privant des exemples d'un pere pieux, & des leçons d'un augufte Bifaïeul: reparez fes pertes par l'accroiffement de vos graces & de vos bienfaits vous feul, grand Dieu! tenez lui lieu de tout ce qui lui manque: regardez avec des yeux paternels cet Enfant augufte, que vous avez, pour ainfi dire, laillé feul fur la terre, & dont vous êtes par conféquent le premier tuteur & le pere: que fon enfance, qui le rend fi cher à la nation, réveille les entrailles de votre miféricorde & de votre tendreffe : environnez fa jeuneffe des fecours finguliers de votre protection: la foibleffe de fon âge, & les graces qui brillent déjà dans fes premiéres années, nous arrachent tous les jours des larmes de crainte & de tendreffe: raffurez nos frayeurs, en éloignant de lui tous les périls qui pourroient menacer fa vie, & récompenfez notre tendreffe en le rendant lui-même tendre & humain pour fes peuples: rendez-le heureux en lui confervant votre crainte qui feule fait le bonheur des peuples & des

« السابقةمتابعة »