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autres grands avantages qu'il y trouvoit, comme d'introduire dans fes Etats une forte d'égalité, les riches & les pauvres ayant la même nourriture, d'accoutumer fes fujets à une vie fobre & frugale, de cimenter l'amitié & l'union entre les citoyens par la familiarité & la gaieté qui règnent à la table, il avoit auffi en vue les exer→ cices de la guerre, où les foldats font obligés de manger ensemble. C'étoit le public qui fourniffoit aux dépenfes de la table. Des revenus de l'Etat, on en employoit une partie pour ce qui regarde les frais de la religion, & les honoraires des magiftrats; l'autre étoit deftinée pour les repas communs. Ainfi, femmes, enfans, hommes faits, vieillards, tous étoient nourris au nom & aux dépens de la République.

Après le repas, les vieillards parloient des affaires d'Etat. La conversation rouloit le plus fouvent fur l'histoire du pays, fur les actions & les vertus des grands hommes qui s'y étoient diftingués par leur courage dans la guerre, ou par leur fageffe dans le gouvernement; & l'on exhortoit les jeunes-gens, qui affiftoient à ces fortes d'entretiens, à fe propofer ces héros, comme des modèles fur lefquels ils devoient former leurs mœurs, & régler leur conduite.

Un des établiflemens de Minos, que Platon admiroit le plus, étoit qu'on inspirât, de bonne heure aux jeunes-gens un grand respect pour les maximes de l'Etat, pour les coutumes, pour les loix, & qu'on ne leur permît jamais de mettre en question ni de révoquer en doute fi elles étoient fagement établies ou non, parce qu'ils devoient les regarder, non comme prefcrites & impofées par les hommes, mais comme émanées de la Divinité même. En effet, il avoit eu grand foin d'avertir fon peuple que c'étoit Jupiter qui les lui avoit dictées. Il eut la même attention, par rapport aux magiftrats & aux perfonnes âgées, qu'il recommandoit d'honorer d'une maniere particuliere; &, afin que rien ne pût donner atteinte au respect qui leur est dû, il voulut que, fi l'on remarquoit en eux quelques défauts, on n'en parlât jamais en présence des jeunes-gens.

5. Les Scythes vivoient dans une grande innocen & une grande fimplicité. Tous les arts leur étoient in connus; mais ils ne connoiffoient point non plus le vices. Ils n'avoient point partagé entr'eux les terres : l campagnes étoient cultivées par un certain nombre d citoyens, mais pour un an feulement; après quoi, i étoient relevés par d'autres qui leur fuccédoient au mêmes conditions. Ils n'avoient point de maifon, poin de demeure fixe. Ils erroient fans ceffe de campagne e campagne avec leurs troupeaux. Ils tranfportoient ave eux leurs femmes & leurs enfans dans des chariots cou verts de peaux, qui leur tenoient lieu de maifons. La justice y étoit observée & maintenue par le caracter propre de la nation, non par la contrainte des loix qu'ils ignoroient. Aucun crime parmi eux n'étoit puni plus févèrement que le vol; car leurs troupeaux, qui faifoient toutes leurs richeffes, n'étant jamais renfermés, comment auroient-ils pu subsister, si le vol n'eût été rigoureusement interdit? Ils ne defiroient point l'or & l'argent, comme le refte des hommes; & ces funeftes métaux, fource de tant de crimes, ils les laiffoient cachés dans les entrailles de la terre. Le lait & le miel étoient leur principale nourriture. Ils ne connoiffoient point l'ufage de la laine & des étoffes; &, pour fe défendre des froids violens & continuels de leur climat, ils n'employoient que des peaux de bêtes.

Ce mépris de toutes les commodités de la vie leur avoit donné une droi ure de mœurs, qui les empê choit de jamais rien defirer du bien d'autrui. S'ils fai foient la guerre, c'étoit pour repouffer un injufte ag greffeur, jamais pour acquérir. Un heureux naturel, deftitué des fecours de l'éducation, leur avoit donné cette modération, cette fageffe où les Grecs n'ont pu parvenir, ni par les établissemens de leurs législateurs, ni par les préceptes de leurs philofophes ; & les mœurs d'une nation, qu'ils appelloient barbare, étoient préférables à celles de ces peuples cultivés & polis par les arts & par les fciences.

Les peres croyoient, avec raifon, laiffer à leurs enfans une fucceffion précieufe, en leur laiffant la paix &

Funion entr'eux. Un de leurs Rois, nommé Scylure, fe voyant près de mourir, fit venir fes enfans, &,, leur préfentant à tous fucceffivement un faisceau de dards liés fortement ensemble, les exhorta à les rompre. Quelques efforts qu'ils fillent, ils n'en purent venir à bout. Quand le faisceau fut délié, ils rompirent tous les dards fans peine : « Voilà, leur dit-il, l'image de ce que pourra parmi vous la concorde & l'union.» Pour fortiñer & étendre ces avantages domeftiques, ils y joignoient le fecours des amis. L'amitié, chez eux, étoit regardée comme une alliance facrée & inviolable, qui approchoit beaucoup de celle que la nature a mife entre les freres, & à laquelle on ne pouvoit donner atteinte, fans fe rendre coupable d'un grand crime.

6. Les Goths fe croyoient nés pour la guerre, & n'étoient curieux que de belles armes. Ils fe fervoient de piques & de javelots, de flèches, d'épées & de maffues: ils combattoient à pied & à cheval, mais plutôt à cheval. Leurs divertiffemens confiftoient à fe difputer le prix de l'adreffe & de la force dans le maniment des armes. Ils étoient hardis & vaillans, mais avec prudence; conftans & infatigables dans leurs entreprifes, d'un efprit pénétrant & fubtil. Leur extérieur, n'avoit rien de rude ni de farouche; c'étoient de grands corps, bien proportionnés, avec une chevelure blonde, un teint blanc, & une phyfionomie agréable. Les loix, de ces peuples feptentrionaux n'étoient point, comme les loix des Romains, chargées d'un détail pointilleux, fujettes à mille changemens divers, & fi nombreuses qu'elles échappent à la mémoire la plus étendue. Elles étoient invariables, fimples, courtes, claires, femblables aux ordres d'un pere de famille. La forme de leur légilation communiquoit à leurs loix une folidité inébranlable. Elles étoient difcutées par le prince & par les principaux personnages de tous les ordres. Rien n'échappoit à tant de regards pénétrans. On pratiquoit avec zèle & avec conftance ce que le confentement commun avoit établi. Pour les charges publiques, ces peuples ne connoiffoient point les titres purement ho-, norifiques & fans fonctions; tout étoit en action chez

eux. Dans toutes les villes, & jufques dans les bourgs, étoient des magiftrats choifis par le fuffrage du peuple, qui rendoient la juftice, & faifoient la répartition des tributs.Chacun fe marioit dans son ordre: un homme libre ne pouvoit époufer une femme de condition fervile, ni un noble une roturiere. Les femmes n'apportoient pour dot que la chafteté & la fécondité. Toute propriété étoit entre les mains des mâles qui étoient le foutien de la patrie. Il n'étoit pas permis à une femme d'époufer un mari plus jeune qu'elle. Les parens avoient la tutelle des mineurs, mais le premier tuteur étoit le Prince. Les tranfports de propriété, les engagemens, les teftamens fe faifoient en préfence des magiftrats, & à la vue du peuple. Les conventions, appuyées de tant de témoins, en étoient plus authentiques; &, le public étant inftruit de ce qui appartenoit de droit à chacun, il ne reftoit plus de lieu aux chicanes, au stellionat, aux prétentions frauduleuses. Les affaires s'expédioient fans longueurs & fans frais. Pour arrêter la témérité des plaideurs, on les obligeoit de configner des gages. Le fang des citoyens étoit précieux; on ne le répandoit que pour les grands crimes: les autres s'expioient par argent, ou par la perte de la liberté. Le criminel étoit jugé fans appel par fes pairs. L'adultere étoit puni de la peine la plus févere : la femme coupable étoit livrée à son mari qui devenoit maître de fes jours. Les enfans, nés d'un crime, n'étoient admis ni au fervice militaire, ni à la fonction de juges, ni reçus en émoignage, Une veuve avoit le tiers des biens-fonds du défunt, fi elle ne fe remarioit pas; autrement, elle n'emportoit que le tiers des meubles. Si elle fe déclaroit enceinte, on lui donnoit des gardes; & l'enfant né, dix mois après la mort du pere, étoit cenfé illés gitime. Celui qui avoit débauché une fille étoit obligé de l'époufer, fi la condition étoit égale; finon il falloit qu'il la dotât; car une fille deshonorée ne pouvoit fe marier fans dot: s'il ne pouvoit la doter, on le faifoit mourir. Les Goths regardoient la pureté des mœurs comme le privilége de leur nation. Ils en étoient fi jaloux, que, felon un auteur de ces tems-là, puniflant la

forni

fornication dans leurs compatriotes, ils la pardonnoient aux Romains, comme à des hommes foibles & inca pables d'atteindre au même degré de vertu.

que

7. Jamais peuple n'eut des mœurs plus fingulieres les anciens Germains, long-tems rivaux, & enfin deftructeurs de la puiffance Romaine. La guerre étoit leur unique paffion. Ils étoient toujours armés, foit qu'ils entraffent au confeil, ou qu'ils facrifiaffent dans les temples. Au milieu de leurs affemblées, c'étoit par le choc de leurs armes qu'ils témoignoient leur contentement. Chez eux, celui qui perdoit fon bouclier dans le combat étoit regardé comme infâme; & il n'avoit aucun accès, ni dans le confeil public, ni dans les temples.

La premiere fois que l'on armoit un jeune homme; c'étoit une cérémonie publique, que les fuffrages de tout le canton rendoient folemnelle. Dans une affemblée générale, quelqu'un des chefs, ou le pere, ou un proche parent, le préfentoit; &, du confentement de tous les fpectateurs, il lui donnoit le bouclier & la lance. C'étoit-là le premier degré par lequel un jeune citoyen entroit dans la carriere de l'honneur: jufqu'à ce moment, il appartenoit à sa famille; alors, il devenoit membre de l'Etat.

En allant au combat, ces intrépides guerriers échauffoient leur courage par des chansons qui contenoient les éloges des héros de la nation, & des exhortations à combattre, ou à mourir, comme eux, pour la gloire de la patrie. Ce chant militaire étoit, en même tems, pour eux un préfage du fuccès de la bataille; car, felon la grandeur & la nature du fon qui réfultoit de leurs voix, ils concevoient des craintes ou d'heureuses espérances. On croira fans peine qu'ils n'y mettoient pas beaucoup d'harmonie: un fon rude, un murmure rauque, groffi encore & enflé par la répercuffion de leurs boucliers qu'ils plaçoient à deffein devant leurs bouches; voilà ce qui charmoit délicieusement leurs oreilles ; voilà ce qui leur annonçoit la victoire.

Ils n'avoient point de temples; perfuadés, comme les Perfes, que c'eft avilir la Majefté divine, que de la circon P. d'Educ. T. 11.

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