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pas également se sauver; le feu dévore ceux qui sont les plus lents à fuir, et ceux qu'une sordide avarice a retenus trop long-temps. Ceux qui croient avoir échappé à la fureur de l'incendie, en sont atteints; et perdent en un moment les richesses qu'ils avoient enlevées et le fruit de leurs peines; ces précieuses dépouilles deviennent la pâture de la flamme qui, dans sa fureur, n'épargne que ceux qu'anime la piété.

Anphinone et son frère, tous deux portant avec un courage égal le précieux fardeau dont ils étoient chargés, comme le feu gagnoit déjà les maisons voisines, aperçurent leur père et leur mère, accablés de vieillesse et d'infirmités, se tenant à peine à la porte de leur maison où ils s'étoient traînés; ces deux enfans courent à eux, les prennent et partagent ce fardeau, sous lequel ils sentent augmenter leur force. O troupe avare! épargne-toi la peine d'emporter ces trésors; jette les yeux sur ces deux frères, qui ne connoissent d'autres richesses que leur père et leur mère. Ils enlèvent ce pieux butin, et marchent à travers les flammes, comme si le feu leur avoit promis de les épargner. O piété! la plus grande de toutes les vertus, celle qui doit être la plus recom→ mandable aux hommes: les flammes la respectent dans ces jeunes gens, et de quelque côté qu'ils tournent leurs pas, elles se retirent. Jour heureux, malgré ses ravages! quoique l'incendie exerce sa fureur de tous côtés, les deux frères traversent toutes les flammes comme en triomphe; ils échappent l'un et l'autre sous ce pieux fardeau, à la violence du feu, qui modère sa fureur autour d'eux. Enfin ils arrivent en lieu de sûreté, sans avoir reçu aucun mal. Les poètes ont célébré leurs louanges.

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On a beaucoup vanté cette histoire, ce qui prouve que les actions de cette espèce n'étoient pas communes alors. Quelque méchant qu'on suppose le genre humain de nos jours, pensez-vous que le plus grand nombre des enfans n'en eût pas fait autant? Je suis

sûr

que si le fait arrivoit encore, on ne donneroit pas de si grands éloges à une action très - louable, mais très-naturelle. Je crois que nous sommes portés à exalter l'humanité et la vertu des hommes de ces premiers temps, parce que les vertus n'étoient pas aussi communes qu'elles le sont aujourd'hui.

Ces deux frères se sont rendus si fameux par cet exploit, que Syracuse et Catane se disputent encore à présent l'honneur de leur avoir donné la naissance. L'une et l'autre de ces villes ont dédié des temples à la piété filiale, en mémoire de cet événement.

TRAIT D'AMOUR FRATERNEL.

Anecdote Portugaise.

EN 1585, des troupes portugaises qui passoient dans les Indes firent naufrage. Une partie aborda dans le pays des Caffres, et l'autre se mit à la mer sur une barque construite des débris du vaisseau. Le pilote s'apercevant que le bâtiment étoit trop chargé, avertit le chef, Edouard de Mello, que l'on va couler à fond, si l'on ne jette dans l'eau une douzaine de victimes. Le sort tomba entr'autres sur un soldat dont l'histoire n'a point conservé le nom. Son jeune frère tombe aux genoux de Mello, et demande avec instance de prendre la place de son frère aîné. « Mon » frère, dit-il, est plus capable que moi; il nourrit >> mon père, ma mère et mes sœurs; s'ils le perdent,

ils mourront tous de misère; conservez leur vie en » conservant la sienne, et faites-moi périr, moi qui »> ne puis leur être d'aucun secours. » Mello y consent, et le fait jeter à la mer. Le jeune homme suit la barque pendant six heures; enfin il la rejoint: on le menace de le tuer, s'il tente de s'y introduire. L'amour de la conservation triomphe de la menace;

il s'approche, on veut le frapper avec une épée, qu'il saisit et qu'il retient jusqu'à ce qu'il soit entré. Sa constance touche tout le monde : on lui permet enfin de rester avec les autres, et il parvient ainsi à sauver sa vie, et celle de son frère.

Lettre historique sur la fête de la Rose, établie à Salency, par saint Médard, évéque de Noyon, dans le cinquième siècle.

Je n'avois jamais entendu parler de cette fête singulière et touchante qui, de temps immémorial, se célèbre dans un village de Picardie, et probablement vous-même, Monsieur, n'en avez aucune connoissance. Quoi qu'il en soit, c'est une fête qui mérite de sortir de l'obscurité où elle a été ensevelie jusqu'à présent. Eh! plût à Dieu qu'elle s'introduisît, nonseulement dans tous les bourgs, mais dans toutes les villes de la terre. Une relation imprimée à Noyon, et que j'ai reçue avec des éclaircissemens manuscrits, va me fournir la matière d'un article curieux.

L'institution de la fête de la rose est très-ancienne; on l'attribue à saint Médard, évêque de Noyon, qui vivoit dans le cinquième siècle de notre ere, du temps de Clovis. Ce bon évêque, qui étoit en même temps seigneur de Salency, village à une demi-lieue de Noyon, avoit imaginé de donner tous les ans à celle des filles de sa terre qui jouiroit de la plus grande réputation de vertu, une somme de 251. et une couronne ou chapeau de roses. On dit qu'il donna lui-même ce prix glorieux à une de ses sœurs, que la voix publique avoit nommée pour être Rosière. On voit encore au-dessus de l'autel de la chapelle de Saint-Médard, située à l'une des extrémités du village de Salency, un tableau où ce saint prélat est représenté en habits pontificaux, et mettant une couronne de roses

sur la tête de sa sœur, qui est coiffée en cheveux, et à genoux.

Cette récompense devint pour les filles de Salency un puissant motif de sagesse : indépendamment de l'honneur qu'en retiroit la Rosière, elle trouvoit infailliblement à se marier dans l'année. Saint Médard, frappé de ces avantages, perpétua cet établissement. Il détacha des domaines de sa terre douze arpens, dont il affecta les revenus au paiement de 25 liv. et des frais accessoires de la cérémonie de la Rose.

Par le titre de la fondation, il faut non-seulement que la Rosière ait une conduite irréprochable, mais que son père, sa mère, ses frères, ses sœurs et autres parens, en remontant jusqu'à la quatrième génération, soient eux-mêmes irrépréhensibles. La tache la plus légère, le moindre soupçon, le plus petit nuage dans sa famille seroit un titre d'exclusion. Il faut des quatre, des huit, des seize quartiers de noblesse pour entrer dans certains ordres, dans certains chapitres; des quartiers de probité, mérite réel, ne vaudroientils pas mieux que ces quartiers de noblesse, mérite de préjugés ?

Le seigneur de Salency a toujours été en possession, et seul jouit encore du droit de choisir la Rosière entre trois filles du village de Salency, qu'on lui présente un mois d'avance. Lorsqu'il l'a nommée, il est obligé de la faire annoncer au prône de la paroisse, afin que les autres filles, ses rivales, aient le temps d'examiner ce choix, et de le contredire, s'il n'étoit pas conforme à la justice la plus rigoureuse. Cet examen se fait avec l'impartialité la plus sévère : ce n'est qu'après cette épreuve que le choix du seigneur est confirmé.

Le 8 juin, jour de la fête de Saint - Médard, vers les deux heures après-midi, la Rosière, vêtue de blanc, frisée, poudrée, les cheveux flottans en grosses boucles sur les épaules, accompagnée de sa famille, et de douze filles aussi vêtues de blanc, avec un large rubau bleu en baudrier, auxquelles douze garçons du

village donnent la main, se rendent au château de Salency, au son des tambours, des violons, des musettes, etc. Le seigneur ou son épouse va la recevoir lui-même; elle lui fait un petit compliment pour le remercier de la préférence qu'il lui a donnée; ensuite le seigneur ou celui qui le représente, et son bailli, lui donnent chacun la main, et précédés des instrumens, suivis d'un nombreux cortége, ils la mènent à la paroisse, où elle entend les vêpres sur un priedien placé au milieu du choeur.

Les vêpres finies, le clergé sort processionnellement avec le peuple, pour aller à la chapelle de SaintMédard. C'est là que le curé ou l'officiant bénit la couronne ou chapeau de roses qui est sur l'autel. Ce chapeau est entouré d'un ruban bleu (1), et garni sur le devant d'un anneau d'argent. Après la bénédiction et un discours analogue au sujet, le célébrant pose la couronne sur la tête de la Rosière, qui est à genoux, et lui remet en même temps les 25 liv. en présence du seigneur et des officiers de sa justice.

La Rosière, ainsi couronnée, est conduite de nouveau par le seigneur et son fiscal, et toute sa suite jusqu'à la paroisse, où l'on chante le Te Deum et une antienne à Saint- Médard, au bruit de la mousqueterie des jeunes gens du village. Au sortir de l'église, le seigneur ou son représentant mène la Rosière jusqu'au milieu de la grande rue de Salency, où des cen

(1) Louis XIII se trouvant, il y a cent cinquante ans, au château de Varennes (il appartient aujourd'hui à M. le marquis de Barbançon), près Salency, M. de Belloy, alors seigneur de ce dernier village, supplia ce monarque de faire donner en son nom cette récompense de la vertu. Louis XIII y consentit, et envoya M. le marquis de Gordes, son premier capitaine des gardes, qui fit la cérémonie de la Rose, pour sa Majesté, et qui, par ses ordres, ajouta aux fleurs une bague d'argent et un cordon bleu. C'est depuis cette époque que la Rosière reçoit cette bague, et qu'elle et ses compagnes sont décorées de ce ruban. Tous ces faits sont constatés par les titres les plus authentiqués.

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