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et à se laisser enlever de force, plutôt que de se rendre coupable d'avoir abandonné les temples du Seigneur à la merci des Infidèles. Il répond aux officiers de Valentinien, qu'il respecte l'empereur, mais qu'il craint Dieu plus que le prince ; qu'il ne peut abandonner son église; que la violence pourra bien en séparer son corps, mais non pas son esprit; que, si le prince fait usage du pouvoir impérial, il ne lui opposera que la patience épiscopale. Le peuple, résolu de mourir avec son évêque, accourt à l'église : il y passe plusieurs jours et plusieurs nuits. Les églises étoient alors environnées d'un vaste enclos qui renfermoit plusieurs bâtimens pour le logement de l'évêque et du clergé. Tant que durèrent les attaques du prince, le peuple ne sortit pas de cette enceinte ; et il en restoit toujours un grand nombre dans l'église même, où, prosternés aux pieds des autels qu'ils baignoient de leurs larmes, ils imploroient pour eux et pour leur pasteur le secours du Ciel. Ce fut en cette rencontre que, pour occuper le peuple, et dissiper l'ennui d'une si longue résidence, S. Ambroisefit, pour la première fois, chanter des hymnes. Il en composa lui-même, qui firent dans la suite partie de l'office de l'Eglise : il introduisit aussi le chant des psaumes à deux choeurs; et cette coutume, déjà établie dans les églises orientales, se répandit de Milan dans tout l'Occident.

Ces chants étoient interrompus par les gémissemens du peuple. Pour le consoler, et le contenir en même temps dans les bornes de la soumission due aux souverains, S. Ambroise montoit de temps en temps dans la tribune, et tâchoit de faire passer dans le cœur des Fidèles la sainte assurance dont le sien étoit rempli. «Je <«< ne consentirai jamais à vous abandonner, leur disoit<«< il; mais je n'ai contre les soldats et les Goths d'au<< tres armes que des prières au Dieu que nous servons: « telle est la défense d'un prêtre. Je ne puis ni ne dois <«< combattre autrement : je ne sais ni fuir par crainte, << ni oposer la force à la force. Vous savez que j'ai cou<< tume d'obéir aux empereurs ; mais je ne veux leur « sacrifier ni ma religion, ni ma conscience. La mort << qu'on endure pour Jésus-Christ n'est pas une mort;

<< c'est le commencement d'une vie immortelle. >> Pendant qu'il parloit, l'église fut investie de soldats que la conr envoyoit pour garder les portes, et empêcher les catholiques d'en sortir. « J'entends, disoit Ambroise, le << bruit des armes qui nous environnent: ma foi n'en « est pas effrayée. Je ne crains que pour vous: laissez<< moi combattre seul. L'empereur demande l'église et << les vases sacrés : ô prince! demandez-moi mes biens, «< mes terres, ma maison, ce que j'ai d'or et d'argent, je << vous l'abandonne. Pour les richesses du Seigneur, je << n'en suis que le dépositaire : il vous est aussi perni<< cieux de les recevoir, qu'à moi de vous les donner. << Si vous me demandez le tribut, nous ne vous le re<< fusons pas; les terres de l'Eglise paient le tribut. Si « vous voulez nos terres vous avez le pouvoir de les << prendre ; nous ne nous y opposons pas : les collectes << du peuple suffiront pour nourrir les pauvres. » Ces paroles généreuses étoient reçues avec de grands applaudissemens. Les soldats, qui étoient au dehors pleins de respect pour celui même qu'ils tenoient assiégé, joignoient leurs acclamations à celles du peuple. Ce concert alarma l'empereur et sa mère, qui, voyant qu'ils ne pouvoient rien gagner sur l'esprit du magnanime prélat, s'avouèrent vaincus en faisant cesser la persécution.

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6. Lorsque S. Louis étoit en Palestine, il lui vint une ambassade du prince des Assasins, souverain de soixante mille fanatiques aveuglement soumis à ses ordres, et dont il se servoit quand il jugeoit à propos de faire périr les rois qui lui déplaisoient. Aussi, lorsqu'il sortoit de son palais, un homme marchoit-il devant lui, en criant: «Détournez-vous de devant celui qui porte << entre ses mains la mort des monarques. » Le chef de la députation s'étant présenté devant le saint roi « Sire, lui dit-il, connoissez-vous mon seigneur et maî« tre, le Vieux de la Montagne?-Non, répliqua froi<< dement Louis; mais j'en ai entendu parler.- Si cela << est, reprit l'ambassadeur, je m'étonne que vous ne lui ayez pas encore envoyé des présens pour vous << en faire un ami. C'est un devoir dont s'acquittent

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<«< régulièrement tous les ans l'empereur d'Allemagne, « le roi de Hongrie, le soudan de Babylone, et plu<«<sieurs autres grands princes, parce qu'ils n'ignorent « pas qu'il est l'arbitre de leurs jours. Je viens donc << vous sommer, de sa part, de ne pas manquer à le << satisfaire sur ce point, ou du moins de le faire déchar« ger du tribut qu'il est obligé de payer tous les ans « aux grands maîtres du temple et de l'hôpital de Jéru<< salem. Il pourroit se défaire de l'un et de l'autre ; <<< mais bientôt ils auroient des successeurs sa maxime

<< n'est pas de hasarder ses sujets pour avoir toujours à << recommencer. » Le roi écouta paisiblement l'insolente harangue du député, et lui ordonna de revenir le soir pour avoir sa réponse. Il revint: le grand-maître du temple et celui de l'hôpital, qui se trouvèrent à l'audience, l'obligèrent, par ordre du monarque, à répéter ce qu'il avoit dit le matin, et le remirent encore au lendemain. Le fier assassin n'étoit point accoutumé à ces manières hautaines. Mais quelle fut sa surprise, lorsque les grands-maîtres lui dirent qu'on ne parloit point de la sorte à un roi de France; que, sans le respect de son caractère, on l'auroit fait jeter à la mer; qu'il eût enfin à revenir dans quinze jours pour expier l'insulte faite à la majesté royale. Une si noble fierté fit trembler pour les jours du monarque. On connoissoit et les attentats du barbare, et la fureur de ceux à qui il confioit l'exécution de ses crimes. Mais la grandeur d'ame de Louis étonna le Vieux de la Montagne : il craignit lui-même un prince qui le craignoit si peu, etlui renvoya sur-le-champ l'ambassadeur, avec des présens également singuliers, bizarres, curieux et magnifiques. « C'étoit, d'un côté, sa propre chemise, pour marquer, << par celui de tous les vêtemens qui touche le corps de << plus près, qu'il étoit de tous les rois celui avec lequel <<< il vouloit avoir une plus étroite union ; et de l'autre, << un anneau de fin or pur, où son nom étoit gravé, en « signifiant qu'il l'épousoit pour être tout à un, comme « les doigts de la main. » Ces symboles étranges furent accompagnés d'une caisse remplie de plusieurs ouvrages o de cristal de roche, où il y avoit un éléphant

diverses figures d'homme, un échiquier, et des échecs de même matière, le tout orné d'or, et parfumé d'ambre. Le saint roi sentit une joie secrète d'avoir obligé ce barbare à s'humilier; mais ne voulant pas se laisser vaincre en générosité, il lui envoya aussi de riches présens, qui consistoient en un grand nombre de vestes d'écarlate, de coupes d'or et de vases d'argent. C'est ainsi que, par son héroïque intrepidité, Louis s'attiroit les respects d'un prince inhumain, qui faisoit gloire de ne respecter personne : c'est ainsi que ce grand monarque avoit fait éclater sa constance dans les fers. Héros jusque, dans sa captivité, mille fois il vit, d'un ceil tranquille, la mort suspendue sur sa tête et sur celles de ses plus fidèles serviteurs : il la brava toujours, plutôt que de souscrire à des conditions flétrissantes. Toujours il traitoit en maître avec ses vainqueurs, qui, pleins d'admiration, disoient de lui : « C'est le plus fier chrétien que nous ayions jamais vu.» Souvent dans un accès de fureur, ils s'écrioient en sa présence: «Quoi! tu es notre captif, et tu nous traites << en souverain, comme si nous étions dans tes fers? > Après la mort de leur soudan, qu'ils avoient assassiné, ils mirent en délibération de le placer sur leur trône. Mais sa fermeté leur fit appréhender qu'il ne renversât leurs mosquées, qu'il ne détruisît leur religion.

Quand ce grand prince se fut embarqué pour retourner dans son royaume, son vaisseau fut battu par la tempête la plus affreuse. Le pilote et tous les matelots pressèrent le monarque de passer sur un autre navire. «Dites-moi, leur répondit-il, sur la foi et la loyauté << que vous me devez, si le vaisseau étoit à vous, et << chargé de riches marchandises, l'abandonneriez-vous << en pareil état? - Non, sans doute, répliquèrent-ils << d'une voix unanime; nous aimerions mieux hasarder << tout, que de faire une perte si considérable.-Pour<quoi donc me conseillez-vous d'en descendre? « C'est que la conservation de quelques malheureux << matelots importe peu à l'univers, mais rien ne peut << égaler le prix d'une vie comme celle de votre majesté. «Or, sachez, dit le généreux prince, qu'il n'y a per

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<< sonne ici qui n'aime son existence, autant que je puis << aimer la mienne. Si je descends, ils descendront << aussi; et ne trouvant aucun bâtiment qui puisse les << recevoir, ils se verront forcés de demeurer dans une << terre étrangère, sans espérance de retourner dans leur << pays. C'est pourquoi j'aime mieux mettre en la main << de Dieu ma vie, celle de la reine et de nos trois << enfans, que de causer un tel dommage à un si grand << peuple. » Il n'appartient qu'aux héros véritablement chrétiens de donner ces glorieux exemples de magnanimité. C'est par de semblables vertus que Louis s'acquit sur tous les cœurs un empire plus puissant encore et plus satisfaisant que celui qu'il devoit à sa naissance.

7. Le chevalier Bayard avoit remarqué dans Grenoble une jeune fille d'une grande beauté. Il s'informa de son nom et de son état ; et l'obscurité de sa naissance, ainsi que la misère de ses parens, laissant plus de liberté à ses désirs, il les confia à son valet-de-chambre. Ce domestique, ayant trouvé moyen de s'introduire chez la mère de la jeune fille, reconnut dans la première plus de préjugés que de véritables sentimens d'honneur, et sur-tout un grand amour du gain; mais la jeune fille, retenue par l'exemple et les leçons de quelques personnes considérables qui la recevoient chez elles, et fière comme le sont toutes les belles, laissoit moins d'espérance au confident du chevalier, qui la savoit d'ailleurs prévenue d'une forte, passion pour un jeune homme de son état. Ce domestique, voulant satisfaire son maître, parla ouvertement à la mère, offrit de l'argent, et obtint la fille. La réputation de générosité que s'étoit acquise le chevalier Bayard fut en partie la cause de son peu de résistance: elle vint dans la chambre du héros, où, le voyant seul, elle se jeta à ses genoux : « Monseigneur, lui dit-elle toute en pleurs, « vous qui avez sauvé tant de villes, et conservé l'hon«neur à tant de familles, voudriez-vous ravir celui « d'une malheureuse qu'on vous livre malgré elle, et * dont votre vertu devroit vous rendre le premier dé«fenseur ? » Ces mots touchèrent la grande ame du chevalier. Il ne vit plus dans son action que ce qu'elle

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