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SAGACITÉ.

1. DEUX payfans devoient tirer au fort devant un

intendant de province, pour fçavoir lequel des deux feroit choifi pour la milice. Le plus jeune avoit été recommandé à l'intendant. Il dit qu'on mît dans la boëte deux billets noirs; enfuite il dit aux deux payfans: «Celui qui tirera le billet noir partira; » &, adreffant la parole à celui qu'il vouloit engager, il lui dit: « Tires le premier, je te l'ordonne ; » mais le rusé villageois, fe doutant du tour qu'on lui jouoit, tira le billet, & l'avala fur le champ. « Que fais-tu malheureux, lui dit l'intendant? Monfeigneur, répondit » le ruftique, fi le billet que j'ai avalé est noir, celui qui eft dans la boëte doit être blanc,, il faut le voir: » dans ce cas, je partirai; & fi j'ai avalé le billet blanc, » mon camarade partira: vous pouvez facilement fçavoir la vérité. » L'intendant embarraffé fut obligé de lui faire grace; &, pour ne pas déplaire à ceux qui lui avoient recommandé l'autre, il fit grace à tous les deux.

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2. Alfonfe, roi d'Aragon, alla chez un jouaillier, avec plufieurs de fes courtifans. A peine fut-il forti de la boutique, que le marchand courut après lui pour fe plaindre qu'on venoit de lui dérober un diamant de grand prix. Le Monarque rentre auffi-tôt avec toute fa fuite, & fe fait apporter un grand vale plein de fon. Il ordonne que chacun de fes courtisans y mette la main fermée, & l'en retire toute ouverte ; & lui-même commenca le premier. Après que tout le monde y eut paffé, il dit au jouaillier de vuider le vase sur la table. Par ce moyen, le diamant fut retrouvé, & perfonne ne fut deshonoré.

3. Un Empereur de la Chine, nommé Vou-Ti, avoit beaucoup de penchant pour les fciences occultes. Un impofteur lui apporta, un jour, un élixir, & l'exhorta le boire, lui promettant que ce breuvage le

rendroit immortel. Un de fes miniftres, qui étoit préfent, ayant tenté inutilement de le défabufer, prit la coupe & but la liqueur. L'Empereur, irrité de cette hardieffe, condamna à mort le Mandarin, qui lui dit d'un air tranquille : « Si ce breuvage donne l'immortalité, » vous ferez de vains efforts pour me faire mourir; &, » s'il ne la donne pas, auriez-vous l'injuftice de m'ar» racher la vie pour un fi frivole larcin? » Ce difcours calma l'Empereur, qui ne put s'empêcher de louer la prudente fagacité de fon miniftre..

SAGESSE.

1. A plûpart des évêques, raffemblés pour le con

particulieres. Ils croyoient l'occafion favorable pour porter leurs plaintes à l'Empereur, & en obtenir juftice. C'étoient, tous les jours, de nouvelles Requêtes, de nouveaux Mémoires d'accufation. Conftantin, en ayant reçu un grand nombre, les fit rouler emsemble, fceller de fon anneau, & affigna un jour pour y répondre. Il travailla, dans cet intervalle, à réunir les efpris divifés. Le jour venu, les parties s'étant rendues devant lui pour recevoir la décision, il fe fit apporter le rouleau; &, le tenant entre fes mains : « Tous ces » procès, dit-il, ont un jour auquel ils font affignés; » c'eft celui du jugement général. Ils ont un juge natu»rel; c'est Dieu même. Pour moi, qui ne fuis qu'un » homme, il ne m'appartient pas de prononcer dans » des causes où les accufateurs & les accufés font des » perfonnes confacrées à Dieu. C'eft à eux de vivre » fans mériter de reproches, & fans en faire. Imitons » la Bonté divine, & pardonnons, ainfi qu'elle nous " pardonne: effaçons jufqu'à la moindre de nos plain"tes, par une réconciliation fincere ; & ne nous occu"pons que de la caufe de la foi qui nous raffemble. » Après ces paroles, il jetta au feu tous ces libelles, affurant, avec ferment, qu'il n'en avoit pas lu un feul

» Il faut, difoit-il, fe donner de garde de révéler les » fautes des ministres du Seigneur, de peur de fcanda»lifer le peuple, & de lui prêter de quoi autorifer fes » défordres. » On dit même qu'il ajoûta que, s'il furprenoit un évêque en adultere, il le couvriroit de fa pourpre, pour en cacher le scandale aux yeux des fidèlės.

2. Darius Ochus, en montant fur le thrône Perfan, fit voir à tous les peuples de ce vafte Empire qu'il en étoit digne par fa profonde fageffe, & par fa rare modération. Le premier objet de fes foins fut la réforme de fes Etats que l'agitation des règnes précédens avoit jettés dans une horrible confufion. Avant lui, Cyrus & Cambyfe fe contentoient de recevoir des peuples conquis des dons gratuits qu'on fembloit offrir volontairement, & d'exiger d'eux certain nombre de troupes dans le befoin. Darius comprit qu'il ne lui étoit pas poffible de maintenir dans la paix & dans la fûreté toutes les nations qui lui étoient foumises, fans avoir fur pied des troupes réglées, ni d'entretenir ces troupes, fans les foudoyer, ni de payer exactement cette folde, fans mettre des impofitions fur les peuples. Or, pour mettre plus d'ordre dans fes finances, il divifa tout l'Empire en vingt départemens, ou gouvernemens, dont chacun devoit payer, tous les ans, une certaine fomme au Satrape commis pour cet effet; mais, afin d'observer une compenfation exacte dans ces impofitions, le fage Monarque fit venir les principaux de chaque province, qui en pouvoient le mieux connoître toutes les reffources, & qui avoient intérêt de parler avec fincérité. Il leur demanda fi une certaine fomme, qu'il propofoit à chacun d'eux pour leurs provinces, ne montoit point trop haut, & n'excédoit point leurs forces; fon intention, leur difoit-il, n'étant pas d'accabler fes fujets, mais de tirer d'eux des fecours proportionnés à leurs revenus, & qui étoient abfolument néceffaires pour la dé: fenfe de l'Etat. Ils répondirent tous que cette fomme leur paroiffoit fort raifonnable, & qu'elle ne feroit point à charge aux peuples. Il en rabatit pourtant encore la

moitié, aimant mieux demeurer beaucoup en deçà des juftes bornes, que de s'expofer peut-être à paffer au-delà,

3. Créphon, difciple zélé de Socrate, étant, un jour, allé à Delphes, demanda à l'Oracle s'il y avoit au monde un homme plus fage que Socrate? La prêtreffe répondit qu'il n'y en avoit aucun. Cette réponse jetta Socrate dans l'embarras, & il eut peine à en comprendre le fens; car, d'un côté, il fçavoit bien, dit-il lui-même, qu'il n'y avoit en lui aucune fageffe, ni petite ni grande; &, de l'autre, il ne pouvoit foupçonner l'Oracle de fauffeté ou de menfonge, la divinité étant incapable de mentir : il fit donc mille efforts pour en comprendre le fens. D'abord il s'adrefle à un puiffant citoyen, homme d'état, & grand politique, qui paffoit pour un des plus fages de la ville, & qui lui-même étoit encore plus perfuadé, que tous les autres, de fon mérite. Il trouve, dans la conversation, qu'il ne fait rien, & le lui infinue adroitement; ce qui le rendit très-odieux à ce citoyen, & à tous ceux qui avoient été témoins de cette épreuve. Il en fut de même de plufieurs autres qui fe piquoient auffi d'une fublime fageffe; & tout le fruit de fes recherches fut de s'attirer un plus grand nombre d'ennemis. De ces hommes d'état, il paffa aux poëtes qui lui parurent encore plus remplis d'eftime pour eux-mêmes, mais, en effet, plus vuides de fcience & de fageffe, Il pouffa fes enquêtes jufqu'aux artifans Il n'en trouva pas un qui, parce qu'il réuffiffoit dans fon art, ne fe crût très-capable & trèsinftruit des plus grandes chofes : cette présomption étoit le défaut prefque général des Athéniens. Comme ils avoient naturellement de l'efprit, ils prétendoient fe connoître à tout, & fe croire capables de juger de tout. Ses recherches chez les étrangers ne furent pas plus. heureuses. Socrate enfuite, rentrant en lui-même, & fe comparant à tous ceux qu'il avoit interrogés, reconnoiffoit que la différence qui étoit entr'eux & lui, c'eft que tous les autres croyoient fçavoir ce qu'ils ne fçav oient pas; au lieu que, pour lui, il avouoit fincérement fon ignorance; & de-là il concluoit qu'il n'y a que Dieu qui foit véritablement fage, & que c'est auffi ce qu'a voulu

dire l'Oracle, en faisant entendre que toute la fageffe humaine n'eft pas grand'-chose, ou, pour mieux dire, qu'elle n'eft rien. « Et, quant à ce que l'Oracle nommé Socrate, il s'eft fans doute fervi de mon nom', dit-il, pour me propofer en exemple, comme difant à tous fes hommes: Le plus fage d'entre vous, c'eft celui qui reconnoît, comme Socrate, qu'il n'y a véritablement aucune fageffe en lui. »

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Norateur déclamoit publiquement contre le célèbre Iphicrate, l'un des plus grands généraux de fon fiécle. Qui es-tu, lui difoit-il avec mépris ? & » qui peut te rendre fi fier? Dans quel genre de fervice » t'es-tu diftingué? Es-tu cavalier, ou fantaffin, ar» cher, ou cuiraffier? Non, dit froidement Iphi» crate; mais je fuis celui qui commande à tous ces »gens-là.»

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2. Sylla, après avoir rempli l'univers de meurtres & de carnage, abdiqua cette fameufe Dictature, qui avoit été fi funefte aux Romains, & s'en retourna chez lui, en fimple particulier. Un jeune homme infolent le poursuivit jusqu'à fa maison, en l'accablant d'injures. Sylla fupporta cet outrage avec un grand fangfroid; il dit feulement : « Ce jeune étourdi fera cause » que perfonne, après moi, ne fe démettra volontai»rement de la Dictature. »

3. Phocion regardoit, comme indigne d'un homme d'état, d'employer dans fes difcours un style mordant & fatyrique, & ne répondoit que par le filence & la patience à ceux qui s'en fervoient contre lui. Un orateur l'ayant interrompu pour lui dire force injures, il le laiffa parler autant qu'il voulut; puis reprit fon difcours froidement, comme s'il n'avoit rien entendu.

4. Epictete, philofophe Stoïcien, efclave‹ d'Epaphrodite, affranchi de l'empereur Néron, fut, dans cet état d'humiliation, un modèle de patience. Un jour, fon maître, homme violent & emporté, lui donna un

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