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sciences. L'on corrige, au du moins l'on fait tout ce qu'il faut pour en corriger les défauts et la seule crainte du châtiment suffit souvent pour empêcher qu'on ne le mérite. Il n'y a plus de mère qui puisse soustraire son cher fils à une peine salutaire; point de parens, point d'étrangers qui se déclarent les avocats d'une mauvaise cause, et qui flattent quand il faudroit punir.

Quand on parle d'une éducation particulière, quelle autre idée peut-on s'en former que d'un exercice obscur, sans vie et sans ame, où le maître et le disciple, toujours réduits à eux-mêmes, souvent ennuyés l'un de l'autre, se dégoûtent mutuellement, J'un d'apprendre, l'autre d'enseignêr? Au contraire, l'éducation publique ne présente-t-elle pas tout ce qu'on peut imaginer de plus vif, de plus animé, de plus capable d'exciter même les plus lâches, je veux dire des rivaux, des combats, des victoires et des triomphes.

Ce n'est point l'égalité ni de fortune ni de naissance, qui, dans les académies littéraires, assortit les rivaux, c'est la capacité seule qui décide sur ce point. Tous courent la même carrière; aucun ne peut espérer de se distinguer que par son esprit, son étude et son application. Les combats sont toujours vifs et animés; tous sont obligés de prendre les armes, tous à l'envi se disputent l'honneur de la victoire, tous peuvent également y prétendre, et le mérite seul peut l'obtenir. Les vainqueurs sont sûrs d'être couronnés après le combat; et les lauriers se distribuent souvent au bruit des acclamations et des applaudissemens d'une assemblée nombreuse.

Est-il rien de plus puissant que ces espèces de combats et de triomphes pour exciter dans les jeunes cœurs l'ardeur et l'émulation ? Rien de plus capable de leur inspirer ces sentimens nobles qui, dans un âge plus avancé, produisent les grands hommes et les héros en tout genre. Leur âge, quoique tendre, on est également susceptible; l'objet en est différent

à la vérité, mais les sentimens sont les mêmes. Ce sont d'heureuses semences, qui, dans la suite de la vie, se développeront plus sensiblement et produiront les plus heureux effets.

Un autre avantage des collèges, et le plus grand de tous, c'est d'apprendre à ford la religion, d'en puiser la connoissance dans les sources mêmes, d'en connoître le véritable esprit et la véritable grandeur, et de se prémunir, par de solides principes, contre les dangers que la foi et la piété ne rencontrent que trop dans le monde. Il n'est pas impossible, mais certainement il est rare de trouver cet avantage dans les maisons particulières; aussi a-t-on toujours vu, et nous le voyons encore tous les jours, que des personnes aussi distinguées par leur esprit et leur capacité, que par leur rang et leurs emplois, se déterminent à se priver pour un temps de ce qu'elles ont de plus cher, dans la pensée qu'un dépôt si précieux croîtra avec usure dans des mains étrangères, et ne reviendra dans les leurs que comme les vaisseaux qui, après un voyage de long cours, reviennent chargés de richesses immenses.

Histoire édifiante.

IL y avoit dans la province du Dauphiné un ecclésiastique, homme de condition, nommé l'abbé de Saze. Il passa sa jeunesse et une partie de sa vie dans un déréglement que son état rendoit encore plus criminel, et devint fameux par ses débauches. Dieu le toucha enfin, et cette première grace fut suivie du bonheur qu'il eut de trouver un homme d'esprit et d'un mérite rare, pour le conduire dans la nouvelle voie qu'il avoit résolu de suivre : c'étoit le supérieur de l'oratoire d'Avignon, nommé le père Allard. L'abbé de Saze s'établit dans cette ville sous

les yeux de son pieux directeur, et après avoir passé les premiers temps de sa conversion dans les œuvres les plus pénibles de la plus austère pénitence, il alla se renfermer dans le château de Saze, la maison de ses pères, à six lieues d'Avignon, où il vécut le reste de sa vie dans une entière retraite, et dans les occupations saintes de son état.

Pendant son séjour à Saze, il entretint un commerce fréquent avec le père Allard 'qu'il regardoit comme le ministre de l'œuvre de Dieu, et à qui il portoit une amitié singulière. Un des jours du carnaval, l'abbé de Saze lui écrivit, et le pria d'aller passer les trois derniers jours gras avec lui à son château. Le père Allard, qui ne perdoit aucune occasion d'instruire et d'animer son pénitent, lui répondit en ces termes : « J'irai chez vous avec joie, monsieur, passer un temps destiné, par les enfans du siècle, à des occupations et à des plaisirs qui devroient être inconnus à des chrétiens. Que nous serions heureux dans notre retraite, si nous pou< vions, par nos gémissemens et par nos larmes, réparer en quelque façon les déréglemens de ces malheureux jours! Quel aveuglement, quelle misère, de prévenir un temps de pénitence et de miséricorde par des actions qui méritent de n'en recevoir jamais! Ne cessons point de louer le Seigneur de nous avoir séparés de cette multitude qui se damne; mais craignons à chaque instant de perdre, par nos infidélités, des graces que nous n'avons pas méritées. C'est pour nous fortifier dans ces dispositions que je me rendrai chez vous. »

Cette lettre écrite, le supérieur la donna au portier de l'Oratoire, et lui dit simplement de l'envoyer à son adresse. Le portier ayant pris le nom de Sazę pour celui de Suze, crut que la lettre s'adressoit à l'abbé de Suze à Suze, et la lui envoya par un homme exprès.

Que vos voies sont admirables, ô mon Dieu! et combien vos jugemens sont incompréhensibles! Cet

abbé de Suze étoit alors tout ce que l'abbé de Saze avoit été autrefois. C'étoit un homme de grande qualité, prêtre, possédant de riches bénéfices, mais d'un déréglement qui faisoit horreur aux plus libertins. Il étoit venu passer le carnaval dans le château de Suze, une des plus belles maisons du pays, et des plus convenables pour rassembler une grande compagnie, et pour y prendre toutes sortes de divertissemens. Ceux que l'on peut se procurer innocemment à la campagne, lui parurent fades; il songea à rassembler chez lui tout ce qui pouvoit contribuer à satisfaire presque toutes ses passions à la fois, et à renchérir sur toutes les débauches dont on avoit oui-parler jusque-là.

Un projet si abominable étoit prêt à s'exécuter; il étoit dans l'attente du reste de la compagnie, qui devoit venir participer à de si funestes plaisirs, quand on vint lui dire qu'un homme demandoit à lui parler de la part du père supérieur de l'Oratoire d'Avignon. Un nom si respectable fit presque frémir l'abbé de Suze; la vertu, si aimable et si douce qu'elle soit, est toujours suspecte au vice: l'abbé se rassura pourtant, il fit entrer cet homme dans sa chambre; son étonnement redoubla quand il vit une lettre du père Allard: il ne sait s'il la doit recevoir, ou s'il en doit faire seulement le sujet de ses plaisanteries avec ses amis; ils viennent eux-mêmes à son secours, et le déterminent à ne faire que rire de cette aventure. Il ouvre enfin cette lettre, il en lit une partie : mais qui peut exprimer son trouble et son embarras, quand il voit ce qu'elle contient? Il ne veut pas achever de la lire, et il est contraint par une force qu'il ne connoît pas il la jette par terre et la ramasse à différentes reprises: il donne des malédictions à l'auteur de cette lettre, il l'accable d'injures Ses amis le voyant dans cette agitation, se moquent de lui, et veulent le distraire; mais il n'étoit plus au pouvoir de l'homme de caliner P'heureux trouble qui étoit en lui.

L'abbé de Suze passa un temps considérable dans ces premiers mouvemens, qui étoient encore mêlés de fureur; enfin une profonde tristesse succède à ses Transports. Quelle aventure! s'écrie -t-il. Qui pent l'avoir causée? Que me veut ce bon père? Pourquoi s'adresser à moi? Pourquoi venir interrompre le cours de mes plaisirs, quand je les goûte avec le plus de douceur et de tranquillité, par une lettre qui change la situation de mon ame, et qui renverse tous mnes projets?

Les amis de l'abbé de Suze, surpris de l'impression extraordinaire que faisoit une lettre sur un homme sur qui les vérités les plus sensibles de notre religion n'en avoient jamais fait, et à qui les sacrifices ne coûtoient rien, crurent qu'il étoit attaqué de quelque vapeur, qu'il falloit lui laisser passer en repos le reste du jour et de la nuit, et que le lendemain il se trouveroit délivré de ces agitations. L'abbé de Suze le crut lui-même, et après avoir quitté la compagnie et s'être renfermé dans sa chambre, il espéra trouver dans le sommeil ce qu'il ne trouvoit pas dans ses réflexions: il se coucha: mais, ô mon Dieu! vous vouliez consommer le dessein de votre miséricorde sur cette ame, et la malheureuse tranquillité dans laquelle le pécheur mérite que vous l'abandonniez, ne devoit point être la fin de ce prédestiné.

il reconnut la main de Dieu qui le venoit tirer de l'abime où il étoit; mais qu'il le trouva profond et terrible, à mesure que la lumière de la grace l'éclairoi! Il se lève, il se prosterne devant son Dieu, il adore les décrets de sa providence; des torrens de Jarmes sont le premier sacrifice qu'il lui offre. Le lendemain, son premier soin fut de renvoyer la compagnie qui étoit chez lui. Dès qu'il se vit libre, la première chose qu'il fit fut d'écrire au père Allard. Comme il ne savoit point que la différence d'une lettre à une autre, et qui avoit fait prendre le nom de Suze pour celui de Saze, avoit causé toute cette

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