صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

aveugle de détruire l'obstacle qui le privoit de la vue; plufieurs perfonnes s'affemblerent pour être témoins de cette opération. Tous les fpectateurs avoient promis de garder le filence, fi l'opération réuffiffoit, afin de mieux obferver les mouvemens qu'occafionneroient dans l'ame du jeune homme les fenfations nouvelles & foudaines qu'il éprouveroit. L'opération eut tout le fuccès qu'on en attendoit. Lorsque les yeux du jeune homme furent frappés des premiers rayons de la lumiere, on vit fur toute fa perfonne l'expreffion d'un raviffement extraordinaire; il parut prêt à s'évanouir de joie & d'étonnement. L'opérateur étoit devant lui avec fes inftrumens à la main. Villiam l'examina depuis la tête jufqu'aux pieds. Il s'examinoit enfuite avec la même attention, & fembloit comparer sa figure avec celle qu'il voyoit. Tout lui paroifloit exactement femblable, excepté les mains, parce qu'il prenoit les inftrumens du chirurgien pour des parties de fes mains, Pendant qu'il étoit occupé de cet examen, fa mere, qui ne pouvoit plus contenir les tendres mouvemens dont fon cœur étoit agité, se jetta à fon cou, en s'écriant: « Mon fils! mon cher fils! » Le jeune homme reconnut la voix de fa mere, & ne pût prononcer que ces mots : « Eft-ce vous? eft-ce ma mere? » & il s'évanouit. Il y avoit dans la chambre une jeune fille avec qui Villiam avoit été élevé, qu'il aimoit tendrement, & dont il étoit tendrement aimé, tout aveugle qu'il étoit. Lorfqu'elle le vit fans mouvement & fans connoiffance, elle laiffa échaper quelques cris de douleur, qui parurent réveiller la fenfibilité du jeune homme. En revenant à lui, fes yeux fe fixoient fur l'objet chéri dont il reconnoiffoit la voix. Après quelques momens de filence, il s'écria: « Qu'est-ce qu'on n'a donc fait ? » Où m'a-t-on tranfporté? Ce que je fens autour de » moi eft-ce la lumiere dont on m'a fi souvent parlé? » Où eft Tom, qui me fert de guide? Il me semble qu'à » préfent je marcherois bien fans lui. » Il voulut faire un pas; mais il s'arrêta, & parut effrayé de tout ce qui l'environnoit. Comme l'agitation de fon ame étoit ex

2

trême, on lui dit qu'il falloit qu'il revint, pour quelque tems, à fon premier état, afin de donner peu-àpeu à fes yeux la force de fupporter la lumiere. On le tint, pendant quelque tems, les yeux couverts; &, enfin, lorsqu'on jugea qu'il feroit en état de fupporter la lumiere, on chargea la jeune fille d'ôter le bandeau de deffus fes yeux, & de tâcher de diftraire, par fes difcours, l'impreffion trop vive des objets. Elle s'approcha de lui; &, en dénouant le bandeau, elle lui dit: « M. Villiam, je vais vous rendre l'ufage de la vue » mais je ne fçaurois m'empêcher d'avoir quelqu'inquié»tude. Je vous ai aimé dès mon enfance, quoique » yous fuffiez aveugle: vous m'avez aimée auffi; mais » vous allez connoître la beauté; vous allez éprouver » des fentimens qui vous ont été inconnus jufqu'ici. Si » vous alliez ceffer de m'aimer ! fi quelqu'objet plus » aimable à vos yeux alloit m'effacer de votre cœur!-->> Ah! ma chere amie, répondit le jeune homme, fi je » devois, en jouiffant de la vue, perdre les tendres » émotions que j'ai fenties toutes les fois que j'ai en» tendu le fon de votre voix; fi je ne devois plus dif» tinguer le pas de celle que j'aime, lorfqu'elle s'ap"proche de moi; & s'il falloit que je changeaffe ces » plaifirs fi doux & fi fréquens, pour le fentiment tu» inultueux que j'ai éprouvé, pendant le peu de tems » que j'ai joui de la vue, j'aimerois mieux renoncer à ce fens nouveau. » La jeune fille l'embraffa, en verfant de douces larmes. Villiam revit la lumiere avec le même trouble & le même raviffement. Il ne pouvoit fe laffer de regarder fa maîtreffe; il l'appelloit, en la touchant, & la prioit de parler, pour s'affurer que détoit bien elle qu'il touchoit. Tout l'étonnoit; il ne pouvoit accorder les fenfations qu'il éprouvoit par la vue, avec celles qu'il avoit reçues des mêmes objets par les autres fens; & ce ne fut que par degré, & bien lentement, qu'il parvint à reconnoître & à diftinguer les formes, les couleurs & les diftances. Voyez HUMA NITÉ. TENDRESSE.

SERVICE S.

1.

"R Omulus, voulant prévenir & empêcher la jalou

fie que la diverfité de condition pouvoit exciter entre les deux ordres de l'Etat qu'il venoit de fonder, travailla à les attacher l'un à l'autre par des liaifons & des bienfaits réciproques, & à les unir ensemble, de maniere qu'en faifant honneur à la noblesse, il ne rendît point le peuple méprifable. Pour parvenir à ce but, il établit le droit de patronage, & régla les fervices & les devoirs que les patrons & les cliens fe rendroient les uns aux autres. D'un côté, les patrons étoient obligés d'expliquer à leurs cliens les loix qu'ils n'étoient pas en état d'entendre, de prendre foin de leurs affaires, quelque part où ils fuffent, & de fe porter pour leurs intérêts avec la même ardeur qu'un pere le pourroit faire pour ceux de fes propres enfans. Ils étoient chargés de faire valoir l'argent de leurs cliens, de préfider aux contrats qu'ils en faifoient, & d'empêcher qu'on ne leur fit aucun tort. S'il arrivoit qu'on leur intentât quelque procès, c'étoit au patron à les foutenir, & à défendre fes cliens contre leurs accufateurs. En un mot, ils étoient obligés de leur procurer toute la tranquillité dont ils avoient befoin dans les affaires publiques ou particulieres, afin qu'ils ne fuffent point détournés de leurs travaux; & ce qu'il y avoit de plus grands hommes dans la République fe faifoient un plaifir, & tenoient à honneur de rendre ces fortes de fervices à leurs concitoyens. Les cliens, de leur côté, s'engagcoient envers leurs patrons à fournir la dot de leurs filles, fi les peres n'étoient pas en état eux-mêmes de les pourvoir; à les racheter, à leurs frais, cux & leurs enfans, s'il arrivoit qu'ils fuffent pris par les ennemis ; à payer les dépens des procès que leurs patrons aurcient perdus, ou les amendes pécuniaires auxquelles ils auroient été condamnés, le tout de leurs propres deniers, fans ufure ni intérêt; à entrer dans toutes les dépentes qu'ils

[ocr errors]

étoient obligés de faire dans leurs charges & dans leurs emplois, avec la même affection que s'ils euffent été de leurs familles. Outre ces engagemens particuliers, & aux cliens, & aux patrons, il y en avoit encore entr'eux de communs, Il ne leur étoit pas permis de s'entre-accufer en juftice, de porter témoignage, ou de donner leurs fuffrages l'un contre l'autre, ni de fe ranger du parti de leurs ennemis mutuels. Quiconque fe rendoit coupable d'aucune de ces fautes étoit puni trèsfévèrement. Ce droit de patronage s'étendit avec la puiffance de Rome. Quand l'Empire eut été aggrandi par des conquêtes, les colonies, les villes alliées, ou conquifes par les armes, prenoient auffi quelques Romains, à leur choix, pour être leurs patrons. Souvent même le fénat renvoyoit les différends des villes & des nations à leurs protecteurs, dont il confirmoit enfuitę le jugement.

2. La ville de Naples avoit réfolu d'ériger un arc de triomphe magnifique, afin de conferver à la postérité la mémoire du grand Alfonfe V, fon fouverain, & le fouvenir de fes actions héroïques. Déja la place étoit marquée, & l'on fe difpofoit à renverfer, pour l'aggrandir, la maifon d'un vieil officier qui avoit servi avec diftinction, pendant toute la guerre d'Italie. Alfonfe, l'ayant appris, défendit abfolument qu'on touchât à cette maison: « J'aime mieux, dit-il, me paffer » d'une masse de pierre & d'un vain monument, que » de fouffrir qu'on détruise l'hôtel d'un guerrier qui, » pour la gloire & le falut de fon prince & de fa patrie, » a prodigué fon fang & fa fortune. »

3. Un jour, un des domestiques de M. de Turenne alla demander de fa part, quoiqu'il n'en fçût rien, un emploi à M. de Colbert. Ce Miniftre, ravi de trouver une occafion de faire plaifir à ce grand homme, alla lui porter lui-même la commiffion. Le Vicomte fut affez furpris de la démarche & du compliment du controlleur des finances. Néanmoins, recevant la commiffion, il remercia M. de Colbert, & fit appeller le domeftique en faveur duquel elle étoit expédiée. Cet homme, à cette nouvelle, fe crut perdu, & fe jetta

aux pieds de fon maître, en lui demandant miféricorde. M. de Turenne le fit relever auffi-tôt avec bonté; &, lui remettant la commission entre les mains : « Si vous » m'euffiez parlé de cette affaire, lui dit-il, je vous y » aurois fervi, comme vous l'auriez pu fouhaiter; &, » tout ce qui me fâche en cela, c'eft que vous ne me »difiez point ce qui vous, oblige à me quitter. » Ce domeftique confus, & néanmoins rassuré, lui ayant dit qu'il n'avoit recherché cet emploi, que parce qu'il avoit beaucoup d'enfans, le Vicomte lui fit payer ce qu'il lui devoit de fes gages, & lui donna encore une fomme confidérable pour l'aider à faire fubfifter fa famille. Voyez OBLIGATION. OFFICE.

SÉVÉRITÉ.

U N foldat avoit volé une poule à un payfan, & l'avoit mangée avec les neuf autres foldats de la chambrée. L'empereur Pefcennius-Niger les condamna tous dix à la mort; & ce ne fut qu'aux inftan tes prieres de toute l'armée, qu'il leur laiffa la vie, en les obligeant de donner chacun au payfan dix poules, & leur impofant une note d'infamie publique, tant que dureroit la guerre. Que de crimes une telle rigidité eft capable d'arrêter!

2. Rollon, duc de Normandie, parvint, en trèspeu de tems, à policer fes fujets; &, comme ils avoient été long-tems accoutumés au pillage, il fit des loix fi féveres contre le vol, qu'on n'ofoit pas même ramaller ce qu'on trouvoit, dans la crainte de paffer pour l'avoir volé. Un jour que Rollon étoit à la chaffe, il fufpendit un de fes bracelets aux branches d'un chêne fous lequel il s'étoit repofé; &, l'ayant oublié, ce bracelet y demeura trois ans, perfonne n'ayant ofé y toucher. 3. L'empereur Adrien, voyant un de fes esclaves fe promener fièrement entre deux Sénateurs, voulut venger la dignité du fénat, avilie dans cette rencontre, & punir l'infolence de ce valet, orgueilleux d'apparte nir au Souverain, Par son ordre, quelqu'un alla lui

« السابقةمتابعة »