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de gens de cet âge pourroient avoir la même vanité. Il falloit que l'inclination qui le portoit aux fciences fût déja bien générale & bien étendue, pour ne pas laiffer échapper les mathématiques, fi peu connues & fi peu cultivées en ce tems-là. La phyfique étoit alors comme un grand royaume démembré, dont les provinces & les gouvernemens feroient devenus des fouverainetés presqu'indépendantes. L'astronomie, la méchanique, l'optique, la chymie, &c.... étoient des fciences à part, qui n'avoient plus rien de commun avec ce qu'on appelloit phyfique ; & les médecins même en avoient détaché leur phyfiologie, dont le nom seul la trahiffoit. La phyfique, appauvrie & dépouillée, n'avoit plus pour fon partage que des questions également épineufes & ftériles. M. Du-Hamel entreprit de lui rendre ce qu'on lui avoit ufurpé, c'eft-à-dire, une infinité de connoiffances utiles & agréables, propres à faire renaître l'eftime & le goût qu'on lui devoit. Il commença l'exécution de ce deffein, par quelques ouvrages qui furent accueillis avec la plus grande avidité. A la forme de dialogues, qu'il emploie, & à cette maniere de traiter la philofophie, on reconnoît que Cicéron a fervi de modèle; mais on le reconnoît encore à une latinité pure & exquife, &, ce qui eft plus important, à un grand nombre d'expreffions ingénieufes & fines, dont ces ouvrages font femés. Ce font des raifonnemens philofophiques, qui ont dépouillé leur féchereffe naturelle, ou du moins ordinaire, en paffant au travers d'une imagination fleurie & ornée, & qui n'y ont pris cependant que la jufte dose d'agrément qui leur convenoit. Ce qui ne doit être embelli que jufqu'à une certaine mesure précise, eft ce qui coûte le plus à embellir.

En 1666, M. Colbert, qui fçavoit combien la gloire des lettres contribue à la fplendeur d'un Etat, proposa & fit approuver au Roi l'établissement de l'Académie royale des Sciences. Il affembla, avec un discernement exquis, un petit nombre d'hommes excellens, chacun dans fon genre. Il falloit à cette compagnie un fecrétaire qui entendît & qui parlât bien toutes les langues

de ces fçavans, celle d'un chymifte, par exemple, & celle d'un aftronome; qui fût auprès du Public leur interprète commun; qui pût donner à tant de matieres épineules & abftraites des éclairciffemens, un certain tour, & même un agrément que les auteurs négligent quelquefois de leur donner, & que cependant la plûpart des lecteurs demandent; enfin qui, par fon caractere, fût exempt de partialité, & propre à rendre un compte défintéreslé des contestations académiques. Le choix du Miniftre, pour cette fonction, tomba fur M. Du-Hamel; & ce choix glorieux ne pouvoit tomber que fur lui. Il réuniffoit à tous les talens de conciliation, ce défintéreffement littéraire qui ne s'attache qu'au vrai, & qui rejette le mensonge, fans acception des perfonnes; cet amour du travail, qui ne connoît de repos que le changement d'occupations; & ce génie univerfel, que le moindre rayon de vérité, qui s'échappe au travers de la nuë, éclaire fuffifamment, tandis que la vérité entiérement dévoilée ne frappe pas les

autres.

18. Ce qui a rendu le nom de M. Ruysch fi célè bre, a été de porter l'anatomie à une perfection jusques-là inconnue. On s'étoit long-tems contenté des premiers inftrumens qui s'étoient d'abord offerts comme d'eux-mêmes, & qui ne fervoient guères qu'à féparer des parties folides, dont on obfervoit la ftructure particuliere, ou la difpofition qu'elles avoient entr'elles. Reynier Graaf, ami intime de M. Ruysch, fut le premier qui, pour voir le mouvement du fang dans les vaiffeaux, & les routes qu'il fuit pendant la vie, inventa une nouvelle efpece de feringue, par où il injectoit dans les vaiffeaux une matiere colorée, qui marquoit tout le chemin qu'elle faifoit, &, par conféquent, celui du fang. Cette nouveauté fut d'abord approuvée; mais enfuite on l'abandonna, parce que la matiere injectée s'échappoit continuellement, & que l'injection devenoit bientôt inutile. Jean Swammerdam remédia au défaut de l'invention de Graaf. Il penfa très-heureusement qu'il falloit prendre une matiere chaude, qui, en fe refroidiffant à mesure qu'elle cou

loit dans les vaiffeaux, s'y épaifsît, de forte qu'arrivée à leur extrémité, elle cefsât de couler; ce qui demande, comme on voit, une grande précision, tant pour la nature particuliere de la matière qu'on emploiera, que pour le degré de feu qu'il faudra lui donner, & le plus ou moins de force dont on la pouffera. Par ce moyen, Swammerdam rendoit visibles, pour la premiere fois, les arteres & les veines capillaires de la face. Mais il ne fuivit pas lui-même bien loin fon invention. Une grande piété, qui vint à l'occuper entiérement, l'en empêcha, & ne le rendit pourtant pas affez indifférent fur fon fecret, pour en faire part à M. Ruysch, son ami, qui en étoit extrêmement cu

rieux.

Il le chercha donc de fon côté, & le trouva pour le moins; car il y a beaucoup d'apparence que ce qu'il trouva étoit encore plus parfait que ce qu'avoit Swammerdam lui-même, Les parties étoient injectées de façon que les dernieres ramifications des vaiffeaux, plus fines que des fils d'araignées, devenoient visibles, &, ce qui eft encore plus étonnant, ne l'étoient pas quelquefois fans microfcope. Quelle devoit être la matiere affez déliée pour pénétrer dans de pareils canaux, & en même tems affez folide pour s'y durcir? On voyoit de petites parties qui ne s'apperçoivent ni dans le vivant, ni dans le mort tout frais. Des cadavres d'enfans étoient injectés tout entiers: l'opération ne paroiffoit guères poffible dans les autres. Cependant il entreprit, en 1666, par ordre des Etats-généraux, le cadavre déja fort gâté de Guillaume Bercley, viceamiral Anglois, tué à la bataille donnée, le 11 de Juin, entre les flottes d'Angleterre & de Hollande; & on le renvoya en Angleterre, traité comme auroit pu l'être le plus petit cadavre. Les Etats-généraux récompenferent ce travail d'une maniere digne d'eux, & du travail même.

Tout ce qui étoit injecté confervoit fa confistance, fa molleffe, fa flexibilité, & même s'embelliffoit avec le tems, parce que la couleur en devenoit plus vive, jufqu'à un certain point. Les cadavres, quoiqu'avec

tous leurs vifceres, n'avoient point de mauvaise odeur; au contraire, ils en prenoient une agréable, quand même ils euffent fenti fort mauvais avant l'opération. Tout fe garantiffoit de la corruption, par le fecret de M. Ruyfch. Une fort longue vie lui a procuré le plaifir de ne voir aucune de fes piéces fe gâter par les ans " & de ne point fixer de terme à leur durée. Tous ces morts, fans defféchement apparent, fans rides, avec un teint fleuri & des membres fouples, étoient prefque des reffufcités : ils ne paroiffoient qu'endormis, tout prêts à parler, quand ils se réveilleroient. Les momies de M. Ruyfch prolongeoient, en quelque forte, la vie, au lieu que celles de l'ancienne Egypte ne prolongeoient que la mort.

Quand ces prodiges commencerent à faire du bruit, ils trouverent, felon une loi bien établie de tout tems, beaucoup d'incrédules ou de jaloux. Ils détruifoient, par quantité de raifonnemens, les faits qu'on leur avançoit quelques-uns difoient, en propres termes, qu'ils fe laifferoient plutôt crever les yeux, que de croire de pareilles fables. A tous leurs difcours, M. Ruysch répondoit fimplement: Venez, & voyez. Son cabinet étoit toujours prêt à leur parler & à raifonner avec eux. Ces deux mots étoient devenus fon refrain perpétuel, fon cri de guerre. Un profeffeur de médecine lui écrivit bien gravement qu'il feroit mieux de renoncer à toutes ces nouveautés, & de s'attacher à l'ancienne doctrine, fi folidement établie, & qui renfermoit tout. Comme le novateur ne fe rendoit point, le docteur redoubla fes Lettres ; & il lui dit enfin que tout ce qu'il faifoit dérogeoit à la dignité de profeffeur, dont il étoit revêtu. M. Ruysch répondit: Venez, &

voyez.

Outre la chaire d'anatomie, il fut encore chargé de celle de botanique, par les bourg-meftres d'Amfterdam; & l'on peut bien croire qu'il ne démentit point fes fuccès & fes talens dans cette occupation. Le grand commerce des Hollandois lui fourniffoit des plantes de tous les climats de l'univers. Il les difféquoit avec la même adreffe que les animaux; &, dégageant entiés

rement leurs vaiffeaux de la pulpe, ou parenchyme il montroit à découvert tout ce qui faifoit leur vie. Les animaux & les plantes étoient également embaumés, & sûrs de la même durée. Son cabinet, où tout alloit fe raffembler, devint fi abondant & fi riche, qu'on l'eût pris pour le thréfor fçavant d'un Souverain. Mais, non content de la richeffe & de la rareté, il voulut encore y joindre l'agrément, & égayer le fpectacle. Il mêloit des bouquets de plantes & de coquillages à de triftes fquelettes, & animoit le tout par des infcriptions ou des vers pris des meilleurs poëtes Latins. C'étoient, pour les étrangers, une des plus grandes merveilles des Pays-bas, que ce cabinet de M. Ruysch. Les fçavans feuls l'admiroient dignement : tout le refte vouloit feulement fe vanter de l'avoir vu. Les Généraux d'armée, les Ambassadeurs, les Princes, les/Electeurs, les Rois, y venoient comme les autres; & ces grands titres prouvent du moins la grande célébrité. Quand le Czar Pierre le Grand vint en Hollande, pour la premiere fois, il fut frappé, transporté à cette vue. Et en effet, quelle furprise & quel plaifir pour un génie naturellement auffi avide du vrai, qu'un pareil fpectacle où il n'avoit point été conduit par degrés ! Il baifa avec tendreffe le corps d'un petit enfant encore aimable, & qui fembloit lui fourire. Il ne pouvoit fortir de ce lieu, ni fe laffer d'y recevoir des inftructions; & il dînoit à la table très-frugale de fon maître, pour paffer les journées entieres avec lui. A fon fecond voyage, en 1717, il acheta le cabinet, & l'envoya à Pétersbourg; préfent des plus utiles qu'il pût faire à la Mofcovie, qui fe trouvoit, tout d'un coup & fans peine, en poffeffion de ce qui avoit coûté tant de travaux à l'un des plus habiles hommes des nations fçavantes.

19. M. Régis, étant à Paris, pour achever le cours de fes études, fut frappé de la philofophie Carthéfienne, qui furmontoit avec peine les obftacles fans nombre qu'on oppofoit à fes progrès. Il commença à la connoître, par les conférences de M. Rohaut; & il s'attacha entiérement à cette philofophie, dont le charme, indépendamment même de la nouveauté, ne

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