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prétendue prophétesse avoit leur confiance; ct si, par un heureux hasard, l'événement se trouvoit conforme à ses réponses, ils alloient jusqu'à l'honorer comme déesse.

Ils laissoient en friche la plus grande partie de leur pays. La nécessité les contraignoit d'en cultiver seulement quelque portion pour avoir du blé; c'étoit là l'unique tribut qu'ils exigeassent de la terre: point de jardins, point de fruits, aucun soin des prairies. Ils ignoroient jusqu'au nom de l'automne, bien loin d'en connoître les dons. L'hiver, le printemps et l'été faisoient le partage de leur année : ils ne s'attachoient pas même assez à la portion de terre qu'ils cultivoient, pour être curieux d'en avoir la propriété. Un champ labouré par eux une année, étoit ensuite abandonné au premier occupant, sauf à en aller labourer un autre, lorsque la diminution de leurs provisions les avertissoit du besoin. Cette pratique n'étoit pas chez eux une simple coutume introduite par les mours; c'étoit une loi, à l'observation de laquelle les magistrats tenoient la main. Ils la fondoient sur différentes raisons qui partoient toutes de l'amour de la guerre, et de la vue des avantages que procuroit une vie simple et pauvre. En permettant à leurs citoyens de posséder des héritages, ils craignoient que le goût de l'agriculture n'émoussât celui des armes; que l'on ne souhaitât d'étendre ses possessions, ce qui ouvriroit la porte aux injustices des puissans contre les foibles; que l'on ne s'accoutumât à tir avec plus de soin et plus d'attention aux commodités; que l'amour de l'argent, source inépuisable de factions et de querelles, ne trouvât entrée dans les coeurs : enfin, ils alléguoient l'avantage de contenir plus aisément le commun du peuple, qui ne pouvoit manquer d'être content de son sort, en le voyant égal à celui des premiers et des grands de la nation.

Leurs bestiaux, petits, maigres, sans beauté, mais en grand nombre, faisoient toute leur richesse. Ou ils n'avoient point d'or ni d'argent, ou ils n'en faisoient aucun cas. Si l'on voyoit chez eux quelque

pièce d'argenterie, qui leur eût été donnée en présent dans une ambassade, ou bien envoyée par quelque prince étranger, jaloux de leur alliance, ils n'en tenoient pas plus de compte que de la vaisselle de terre dont ils usoient communément.

Ils dormoient volontiers jusqu'au jour. Après le sommeil, ils prenoient le bain au sortir du bain, ils se mettoient à table; leurs mets étoient le lait, le fromage, la chair de leurs bestiaux, et celle du gibier qu'ils tuoient à la chasse. Ils traitoient, dans les repas, les affaires les plus sérieuses réconciliation entre ennemis, mariages, élection de leurs princes, ce qui regardoit la paix et la guerre; nul lieu ne leur paroissoit mieux convenir que la table, soit pour ouvrir les cœurs avec franchise, soit pour élever les esprits à de grandes et de nobles idées, et les pénétrer d'une chaleur toujours heureusement active. Ce peuple, sans art et sans feintise, n'avoit point alors de secrets. Le lendemain, quand le sommeil avoit dissipé les nuages que Jes vapeurs bachiques avoient portées au cerveau, on pesoit mûrement les avis libres de la veille. Cette conduite, comme le remarque Tacite, étoit trèssage. Ils délibéroient dans le temps où l'on ne pouvoit déguiser ses sentimens, et décidoient lorsqu'ils pouvoient le moins se tromper.

Ils avoient des maisons dont l'assemblage formoit des bourgades; mais ces bourgades n'étoient point composées d'édifices contigus. Chaque maison étoit isolée, et faisoit un tout. Un particulier s'établissoit dans l'endroit qui lui avoit plu, selon que l'attiroit le voisinage d'un bois, d'une fontaine, d'un champ labourable le terrain étoit fait pour l'homme; l'homme ne se rendoit point l'esclave des lieux qu'il avoit choisis. Là, il se construisoit un logement sans y faire entrer ni pierres ni tuiles: il n'y employoit que des pièces de bois coupées grossièrement, sans aucune attention à l'agrément ni à la commodité; seulement quelques endroits étoient enduits d'une terre si propre et si brillante, qu'elle imitoit les couleurs de la peinture. Ils creusoient aussi des souterrains qu'ils cou

vroient d'une grande quantité de fumier; c'étoien pour eux des asiles contre la rigueur du froid, et en même temps des magasins où ils mettoient leurs grains en sureté contre les incursions des ennemis. Če genre de vie leur paroissoit plus heureux que de tourmenter sans cesse, par la crainte et par l'espérance, sa fortune et celle d'autrui : aussi parvinrentils à ce rare avantage, de n'avoir pas besoin même de désirs.

Leurs spectacles étoient convenables à leurs inclinations militaires. Des jeunes gens sautoient au travers des amas de lances et d'épées nues, qui présentoient leurs pointes menaçantes; et ils faisoient ainsi preuve de leur agilité et de leur adresse. L'unique salaire d'un badinage si hasardeux étoit le plaisir des spectateurs.

La naissance faisoit leurs rois; le courage et l'intrépidité faisoient leurs chefs. La puissance des premiers n'étoit point arbitraire et sans bornes: ils étoient maitres des hommes; les lois étoient maîtresses des souverains. Les chefs commandoient principalement par leur exemple. Ils marchoient à la tête des troupes, ils combattoient pour la victoire; les soldats combattoient pour les chefs c'étoient la confiance et l'admiration qu'ils inspiroient, qui précipitoient les guerriers au milieu des plus grands hasards de la guerre.

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Les crimes qui regardoient l'Etat étoient punis chez eux avec la dernière sévérité. Les traîtres à la patrie, les déserteurs étoient pendus à des arbres. Les làches, ceux qui, dans les combats, avoient pris une fuite honteuse, étoient noyés sous la claie dans des bourbiers fétides. Les crimes qui n'attaquoient que les particuliers, n'étoient pas traités, à beaucoup près, avec autant de rigueur : le coupable, même dans le cas de meurtre, en étoit quitte pour un certain nombre de chevaux ou de bestiaux, qui varioit selon la grandeur de l'offense, et qui se partageoit entre le roi et la commune, d'une part; et de l'autre, l'offensé, ou ceux qui poursuivoient la vengeance de sa mort.

Dans cet état heureux, on ne plaisantoit point sur

les vices; être corrompu ou corrompre, ne s'appeloit point le train du siècle. Les bonnes mœurs avoient plus de force parmi ces peuples, que les lois armées de la puissance n'en ont ailleurs. La polygamie étoit inconnue. Le mari dotoit sa femme; mais les présens qu'il lui faisoit ne tendoient ni aux délices, ni à la parure, ni au luxe; c'étoit un attelage de boeufs, un cheval avec sa bride et son mors, un bouclier, une lance et une épée. La femme apportoit réciproquement à son mari quelque pièce d'armure: voilà ce qui formoit entre les époux le lien le plus étroit et le plus sacré. La eonduite des femmes germaines étoit irréprochable. Si pourtant quelqu'une se déshonoroit par un adultère, la peine suivoit de près le crime, le mari en étoit lui-même le juge et le vengeur. En présence des deux familles, il coupoit les cheveux de sa coupable moitié; il la dépouilloit; et après l'avoir chassée de sa maison, il la traitoit ignominieusement dans toute l'étendue de la bourgade.

Aucune nation n'a jamais porté plus loin les droits et l'exercice de l'hospitalité. Refuser sa maison et sa table à qui que ce fût d'entre les mortels, c'étoit parmi les Germains un crime et une espèce d'impiété. Tout homme étoit bien venu chez eux, et traité le mieux qu'il étoit possible, selon les facultés de chacun. Lorsqu'elles se trouvoient épuisées, le maître du logis menoit son hôte à la maison la plus voisine, sans aucune invitation préalable; on l'y recevoit avec une franchise pareille, avec une cordialité aussi aimable. Lorsque l'étranger s'en alloit, s'il demandoit quelque chose qui Jui eût plu, c'étoit l'usage de l'en gratifier; et euxmêmes, à leur tour, ils demandoient avec la même simplicité ce qui pouvoit leur convenir dans son équipage. Ce commerce réciproque de présens leur étoit agréable, sans que les sentimens du cœur y entrassent pour rien. Ils n'exigeoient point de reconnoissance pour ce qu'ils avoient donné, et ne se tenoient point obligés pour ce qu'ils avoient reçu.

MORALE.

1. «Nous ne pouvons pas faire les hommes tels que

<< nous voudrions, disoit souvent l'empereur Marc« Aurèle ; il faut donc les supporter tels qu'ils sont, «et tirer d'eux le meilleur parti qu'il est possible. » 2. On demandoit à Thales un moyen sûr de régler sa conduite. << Ne faites jamais ce que vous blámez << dans les autres, » répondit ce grand philosophe.

3. Athénodore, après avoir fait admirer long-temps sa profonde sagesse à la cour d'Auguste, demanda à ce prince la permission de retourner dans sa patrie, sous prétexte qu'il étoit trop vieux. Auguste la lui accorda; mais il le pria de lui laisser avant de partir quelque sentence morale qui pût servir à régler sa conduite : « Je le veux, répondit Athénodore; retenez bien cette << maxime.... Toutes les fois que vous serez en colère, « répétez en vous-même les vingt-quatre lettres de l'alphabet grec, avant de rien faire ni de rien dire. >> 4. Caton l'ancien recommandoit sans cesse au magistrat d'employer toute la sévérité possible, pour réprimer les désordres qui se commettent dans une république. Son sentiment étoit que rien n'est plus dangereux pour un état que la licence des mœurs. « Un «< magistrat, disoit-il, qui pourroit réprimer cette << peste de tout bon gouvernement, et ne le feroit pas, << seroit, à mon avis, digne d'être lapidé. » Tant l'ame austère de ce grand homme supportoit avec peine ce qui s'écartoit de la règle !

5. Une femme vaine et ambitieuse demandoit à Théano, épouse de Pythagore, par quel moyen elle pourroit se rendre illustre. «En filant votre quenouille, lui ré<< pondit-elle, et en prenant soin de votre ménage. »

6. Les grands besoins, disoit le philosophe Favorin, naissent des grands biens; et souvent le meilleur moyen de se donner les choses dont on manque, est de s'ôter celles qu'on possède. C'est à force de nous

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