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fion délicate. Il s'approche du moribond, « Monfieur," » lui dit-il, votre proces vient d'être jugé; préparez» vous à la mort ; vous n'avez plus que quelques quarts » d'heures à vivre, --- Mon ami, répondit tranquille ment le Chancelier, » employons-les donc bien.»

13. Le maréchal de Tavannes vit auffi, fans être ému, la mort s'approcher avec toutes fes horreurs. Quelqu'un le voyant, un jour, fort penfif, lui demanda s'il ne defireroit pas de revenir en fanté? « Non, répon» dit-il, j'ai eu beaucoup de peine à faire les deux tiers » du chemin ; il faudroit recommencer, fi je guériffois : "il eft tems de me repofer ; je ne fuis plus propre à la » fatigue. »

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14. Après une affez longue alternative de rechutes & d'intervalles d'une très-foible fanté, M. Carré, célèbre académicien, tomba enfin dans un état où il fut le premier à prononcer fon arrêt. Jamais on ne vit avec plus de calme les approches de la mort. Il dit à un prêtre qui, felon la pratique ordinaire, cherchoit des tours pour le préparer à defcendre au tombeau : « Il y a long»tems, mon pere, que la philofophie & la religion » m'ont appris à mourir.» Il eut toute la fermeté que toutes deux enfemble peuvent donner : il comptoir tranquillement combien il lui reftoit encore de jours à vivre, & enfin, au dernier jour, combien d'heures, 15. Le comte de Guébriant, maréchal de France, faifoit le fiége de Rotwil, petite ville de Souabe. Il y eft bleffé mortellement; &, tandis qu'on le portoit de la tranchée dans fa tente, il dit aux foldats allarmés: » Raffurez-vous, camarades, ma blessure eft peu de » chose; mais j'appréhende qu'elle ne m'empêche de » me trouver à l'affaut que vous allez livrer. Je ne doute pas que vous ne faffiez vaillamment, comme » je vous ai toujours vu faire: je me ferai rendre compte » de ceux qui fe feront diftingués; & je reconnoîtrai les » fervices qu'ils auront rendus à la patrie dans une oc» casion si brillante, » Son capitaine des Gardes, homme naturellement vif, se donnoit des mouvemens extraor, dinaires pour trouver un chirurgien, Guébriant l'appelle, & lui dit, avec une tranquillité héroïque: « Allez plus

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» doucement, Gauville, il ne faut jamais effrayer le » foldat. » Les affiégés, ne voulant pas s'expofer à être emportés de vive force, prirent le parti de fe rendre. Ce héros, en mourant, fe fit porter dans la place, & y expira tranquillement, au milieu des foins qu'il fe donnoit pour fon falut & pour la confervation de sa conquête.

16. Un peu avant que madame la Dauphine expirât, M. l'évêque de Meaux dit au roi Louis XIV, qui étoit dans fa chambre : « Il faudroit que Votre Majesté se re» tirât. --- Non, non, reprit le Monarque; il est bon » que je voie comment meurent mes pareils.» Auffi ge grand Prince fçut-il profiter de ce fpectacle fi effrayant pour un coeur pufillanime. Il vit approcher la mort, fans éprouver le moindre trouble. « J'avois cru, dit-il à madame de Maintenon dans ce moment terrible, »'j'avois » cru qu'il étoit plus difficile de mourir. » Au milieu des fanglots de fes anciens & fidèles ferviteurs, il conferva cette férénité qu'on lui avoit vue aux jours de fes profpérités fur fon thrône: il ne jetta pas même un œil de regretfurla vie. « Pourquoi pleurez-vous, » dit-il à l'un de fes courtifans, que les larmes abondantes d'une douleur moins circonfpecte lui firent remarquer?« Aviez-vous cru que les Rois étoient immortels? » Il donna tranquillement fes ordres fur beaucoup de chofes, & même fur fa pompe funèbre; imitateur de Louis XIII, qui, dans fa derniere maladie, avoit mis en mufique le De profundis qu'on devoit chanter à fes funérailles.

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17. Le célèbre maréchal de Saxe vit approcher le dernier moment de fa brillante carrière avec ce phlegme, cette tranquillité, cette préfence d'efprit qui le caractérifoient au milieu des combats, & qui décèloient la fermeté de fa grande ame. Appercevant M. de Senac, médecin du Roi, qui venoit le vifiter fouvent de la part du Monarque, pour fauver, s'il étoit poffible, des jours fi précieux à la France, il jetta fur lui un regard tranquille & tendre tout enfemble, & lui dit: » Mon ami! me voilà donc à la fin d'un beau rêve ; & tel eft le cours des grandeurs humaines : ce ne font » que de beaux fonges, » Voyez SANG-FROID.

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TRAVAIL.

UN Solitaire étant allé trouver l'abbé Silvain qui

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- Et

demeuroit fur la montagne de Sinaï, & voyant les freres qui travailloient : « Quoi! leur dit-il, vous » travaillez ainfi pour une nourriture périffable? Marie » n'a-t-elle pas choifi la meilleure part? Le faint vieillard, ayant fçu ce qu'avoit dit ce folitaire, dit à Zacharie, fon difciple: « Donnez un Livre au frere pour » l'entretenir, & menez-le dans une cellule où il n'y » ait rien à manger. » L'heure de Nones étant venue, ce folitaire étranger regardoit fi l'abbé ne le feroit point appeller pour le repas ; &, lorfque cette heure fut paffée, il vint trouver Silvain, & lui dit : » Mon pere, les freres n'ont-ils pas mangé 'aujour» d'hui ? Oui,» lui répondit ce faint homme. » d'où vient donc, ajoûta le folitaire, ne m'avez-vous » point fait appeller? C'eft, dit l'abbé, parce que » vous, qui êtes un homme tout fpirituel, qui avez "choisi la meilleure part, & qui paffez les journées en» tieres à lire, vous n'avez pas besoin de cette nour» riture périffable; au lieu que nous, qui fommes char»nels & groffiers, nous ne pouvons pas nous paffer » de manger; & c'eft ce qui nous oblige de travailler. A ces mots, le folitaire reconnut fon imprudence; il en eut du regret, & en demanda pardon à l'abbé, qui lui dit: Je fuis bien-aife, mon frere, que vous fçachiez que Marie ne fçauroit fe paffer de Marthe, & » qu'ainfi Marthe a part aux louanges qu'on donne à Marie.

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2. Jean Le Nain, pieux folitaire de Scété, dit, un jour, à fon frere aîné: « Je voudrois bien être comme les anges qui n'ont point d'inquiétude, qui ne font » point obligés de travailler, & qui n'ont d'autre oc»cupation que celle de louer l'Eternel.» En même tems, il quitta fon habit, & s'en alla dans le défert. Après y avoir paffé une semaine, il vint retrouver fon frere qui, l'entendant frapper à la porte, lui dit : « Qui

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» êtes vous? Je fuis Jean votre frere, répondit-il.--» Jean, repliqua l'autre, n'eft plus maintenant avec les » hommes; il est devenu un ange. » Jean continua de frapper, en proteftant que c'étoit lui-même; mais fon frere le laiffa, toute la nuit, fans vouloir lui ouvrir, Quand le jour fut venu, il ouvrit fa porte, & lui dit : » Si vous êtes un ange, vous n'avez pas befoin de ma » permiffion pour entrer dans ma cellule; mais, fi vous » n'êtes qu'un homme, ne faut-il pas que vous travail"liez pour gagner votre vie?» Alors, reconnoiffant fa faute, il fe jetta aux pieds de fon frere, & lui dit : » Pardonnez-moi ; je me suis abufé. » Depuis ce temslà, il ne s'occupa plus que du travail, & de la pratique des différentes vertus qui convenoient à un folitaire. Un jour, on lui demandoit ce que c'étoit qu'un moine? « C'eft un homme de travail, ou plutôt le tra» vail même, répondit-il, puifqu'il doit s'exercer à » toutes fortes de peines & de travaux. »

» mons.

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A

3. Quelques folitaires vinrent, un jour, vifiter l'abbé Lucius. « A quels ouvrages des mains vous occupez» vous, mes freres, leur demanda ce faint homme? » Nous ne travaillons point, répondirent-ils; mais "nous prions fans ceffe, fuivant le précepte de l'A» pôtre. Mais ne mangez-vous point? Oui, » fans doute. Et qui prie alors pour vous? cette question ils ne fçurent que répondre. « Ne dor» mez-vous point, continua-t-il ? Qui, nous dorEt, quand vous dormez, qui prie pour » vous?» Autre demande auffi embarraffante que la premiere. « Pardonnez-moi, mes freres, fi je vous » avertis que vous ne faites pas ce que vous dites. Je » veux vous faire voir comment, en travaillant des » mains, je prie fans ceffe. Demeurant affis, depuis » le matin jufqu'à une certaine heure, je trempe dans » l'eau quelques feuilles de palmier dont je fais des » cordes; &, durant ce tems, je prie, en disant: Le travail eft la pénitence que vous avez imposée à » l'homme, ô mon Dieu! Faites que je la rempliffe avec » zèle. Ayez pitié de moi, Seigneur, felon l'étendue de » votre miféricorde, & daignez effacer tous mes péchés,

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» felon la grandeur & la multitude de vos bontés. Quand » mon travail eft fini, je le rends: j'emploie une pe» rite partie de ce qu'il me produit, pour me nourrir » & je donne le refte aux pauvres, qui, par ce moyen, » lorsque je mange, ou que je bois, demandent à Dieu » pour moi, qu'il lui plaife de me pardonner mes pé» chés; &, fuppléant ainfi à ce qui manque » priere, ils la rendent continuelle.»

à ma

4. Le fameux Caton l'Ancien avoit pour le travail & pour la vie ruftique un amour fingulier; & toujours il s'y exerçoit avec l'application la plus grande. L'exemple d'un ancien Romain, dont la métairie étoit voisine de la fienne, lui fervit infiniment. ( C'étoit Curius Dentatus, qui, trois fois, avoit reçu les honneurs du triomphe.) Caton alloit fouvent s'y promener ; &, confidérant la petiteffe de cette terre, la pauvreté & la fimplicité de la maison, il fe fentoit pénétré d'admiration pour cet illuftre perfonnage, qui, étant devenu le plus grand des Romains, ayant vaincu les nations les plus belliqueufes, & chaffé Pyrrhus de l'Italie, cultivoit lui-même ce petit coin de terre &, après tant de triomphes,habitoit encore une fi chétive maison. « C'eftlà, difoit-il en lui-même; c'est dans ce même lieu que les ambaffadeurs des Samnites venoient le supplier d'accepter leur or, & que ce grand homme refufoit leurs préfens, avec cette nobleffe & cette grandeur d'ame, qui ne se trouvent que dans des cœurs héroïques. » Plein de ces pensées, Caton s'en retournoit chez lui; &, faifant de nouveau la revue de sa maison, de fes champs, de fes efclaves, & de toute fa dépense, il augmentoit fon ardeur pour le travail, & retranchoit toute vaine fuperfluité. Quoique jeune encore, il faifoit lui-même l'admiration de tous ceux qui le connoiffoient. Valérius Flaccus, l'un des plus nobles & des plus puiffans de Rome, avoft des terres contiguës à la petite métairie de Caton. Là, il entendoit fouvent parler fes efclaves, de la maniere de vivre de fon voisin, & du travail qu'il faifoit aux champs. On lui racontoit que, dès le matin, il alloit aux petites villes des environs plaider & défendre les caufes de ceux qui s'adreffoient à lui;

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