صور الصفحة
PDF
النشر الإلكتروني

dire, il n'y a plus en moi de ces ressentiments, plus de ces envies, plus de ces soupçons, plus de ces haines, plus de ces enflures de cœur, plus de ces fiertés, plus de ces aigreurs qui sont comme des semences de division et de discorde: je con5 serve la paix avec tout le monde, même avec ceux qui ne veulent pas la conserver, Cum his qui oderunt pacem, eram pacificus; je ne blesse personne, je ne juge personne, je ne veux me venger de personne, parce que la loi de Dieu, à laquelle je me suis inviolablement attaché, m'interdit toute 10 vengeance, tout jugement, toute injure que je pourrais faire aux autres, et qui les pourrait soulever contre moi.

Paix inébranlable de ma part même: comment? parce que cette soumission à la loi de Dieu tient toutes mes passions dans le calme, ou du moins toutes mes passions sujettes 15 à ma raison; et dès qu'elles sont une fois sujettes à ma raison, elles ne troublent plus mon cœur : la colère ne m'emporte plus, la tristesse ne m'accable plus: j'obéis à Dieu, et quand j'obéis à Dieu, toutes mes passions m'obéissent; Dieu règne en moi, et par une suite naturelle, il me 20 fait régner moi-même sur moi-même.

25

XII. Soumission à la Providence.

De là, chrétiens, quelle consolation pour un homme ainsi abandonné de Dieu, après qu'il a lui-même abandonné Dieu ? quelle consolation, dis-je, surtout en certains états de la vie, où la foi seule d'une Providence nous peut soutenir? Car tandis que cette foi m'éclaire, et que je suis bien persuadé de ce principe qu'il y a un Dieu, dispensateur des biens et des maux, en sorte qu'il ne m'arrive rien que par son ordre et que pour mon salut et pour ma gloire, j'ai dans moi un soutien contre tous les accidents. Quelque indocile, quelque révolté même 30 que je sois, selon les sentiments naturels, je ne laisse pas au

moins, dans la partie supérieure de mon âme, et suivant les vues que me donne la foi, de me dire à moi-même : J'ai tort de murmurer et de me plaindre: Dieu l'a ainsi ordonné; et puisque c'est sa volonté, je dois m'y soumettre. Or, en me

5 condamnant de la sorte, je me console, et cette pensée me fortifie; quoique je ne la goûte pas peut-être d'abord, il suffit que je l'approuve et que j'y puisse revenir quand il me plaira, pour qu'elle me soit une ressource toujours présente dans ma douleur. Mais quand j'ai une fois effacé de mon esprit cette 10 idée de la Providence, s'il me survient une affliction de la nature de celles où la raison de l'homme est à bout, et qui ne peuvent recevoir de la part du monde aucun soulagement, où en suis-je, et que me reste-t-il, sinon de boire tout le calice, et de le boire tout pur, comme les pécheurs, sans tempérament 15 et sans mélange? Verumtamen fæx ejus non est exinanita : bibent omnes peccatores terræ. Or, dans le cours de la vie et des révolutions qui y sont si ordinaires, il n'est rien de plus commun que ces sortes d'état: et Dieu le permet, chrétiens, pour nous convaincre encore plus sensiblement de la nécessité 20 où nous sommes de nous attacher à sa Providence; et pour

nous faire voir la différence de ceux qui se confient en elle, et de ceux qui refusent de marcher dans ses voies. Car de là vient qu'un juste, affligé, persécuté, et si vous voulez, opprimé, demeure tranquille, possède son âme dans la patience et dans 25 une paix qui, selon l'Apôtre, surpasse tout sentiment humain, et tire de ses propres maux sa consolation. Pourquoi? parce qu'il envisage dans l'univers une Providence à qui il se fait un plaisir de se conformer. Dominus dedit, Dominus abstulit; sicut Domino placuit, ita factum est. C'est le Seigneur qui 30 m'avait donné ces biens, c'est lui-même qui m'en a dépouillé ; que son nom soit à jamais béni! Au lieu que l'impie, frappé du coup qui l'atterre, fait, pour ainsi dire, le personnage d'un réprouvé, blasphémant contre le ciel, trouvant tout odieux sur

la terre, accusant ses amis, plein de fureur contre ses ennemis, se désespérant, et dans son désespoir n'ayant pas même, non plus que ce riche de l'enfer, une goutte d'eau, c'est-à-dire d'onction et de consolation: pourquoi? parce que c'était dans 5 le sein de la Providence qu'il la pouvait puiser, et que cette source est tarie pour lui. Ce qui faisait dire à saint Chrysostome, que quiconque combat la Providence, combat son bonheur, parce que le grand bonheur de l'homme est de croire une providence dans le monde, et de lui être soumis.

10

Que dis-je, chrétiens? et le mondain, tout rebelle qu'il est, n'est-il pas encore sous le domaine de la Providence? Oui, il y est, et malgré lui il y sera; mais c'est cela même qui achève son malheur. Car de deux sortes de providences que Dieu exerce sur les hommes, l'une de sévérité et l'autre de bonté, 15 l'une de justice et l'autre de miséricorde, au même temps qu'il se soustrait à cette providence favorable en qui il devait chercher son repos, il se trouve livré à cette providence rigoureuse qui le poursuit pour lui faire sentir son empire le plus dominant. Comme si Dieu lui disait: Tu n'as pas voulu te ranger 20 sous celle-ci, tu souffriras de celle-là: car je les ai substituées

l'une à l'autre par une loi éternelle et irrévocable, et dans l'étendue que je leur ai donnée, rien ne peut être hors de leur ressort. La providence de mon amour n'a pu t'engager; ce sera donc désormais la providence de ma justice qui te con25 tiendra, qui te réprimera, qui, par des vengeances tantôt secrètes, tantôt éclatantes, se fera sentir à toi qui tantôt par des humiliations, tantôt par des afflictions, tantôt par des prospérités dont tu seras enivré, tantôt par des adversités dont tu seras accablé, tantôt par des douceurs qui t'empoison30 neront le cœur, tantôt par des amertumes qui t'aigriront, qui te soulèveront et ne te corrigeront pas, te réduira malgré toi dans la dépendance. Et voilà comment Dieu tant de fois en a usé envers certains pécheurs de marque. Voilà

[blocks in formation]

comment il a traité un Pharaon, un Nabuchodonosor, un Antiochus, et bien d'autres. Ils n'ont pas voulu le reconnaître comme père, ils ont été forcés à le reconnaître comme juge. Ils n'ont pas voulu servir à glorifier sa providence aimable et 5 bienfaisante; ils ont servi à glorifier sa providence souveraine et toute-puissante. Ponam te in exemplum. Je ferai un exemple de toi, disait-il par son prophète à un libertin; et c'est ce qu'il a fait et ce qu'il fait encore du peuple juif. Miracle subsistant de la providence d'un Dieu irrité; miracle qui seul 10 peut convaincre les esprits les plus incrédules qu'il y a un premier maître et un Dieu dans le monde, devant lequel toute créature doit s'humilier, et à qui il est juste que tout homme mortel obéisse. Si donc, mes frères, nous avons quelque égard à notre devoir ou à notre intérêt, soumettons-nous à lui 15 et à sa Providence. Soumettons-lui toutes nos entreprises: et sans négliger les moyens raisonnables qu'il nous permet d'employer pour les faire réussir, sans y épargner nos soins, du reste reposons-nous tranquillement et absolument sur lui du succès. Bénissons-le également, et dans les biens, et dans les maux: 20 dans les biens, en les recevant avec reconnaissance; dans les maux, en les supportant avec patience. Demandons-lui sans cesse que sa volonté s'accomplisse en nous; qu'elle s'accomplisse sur la terre, et qu'elle s'accomplisse dans le ciel; sur la terre, où il veut nous sanctifier, et dans le ciel, où il veut nous 25 couronner.

MASSILLON.

INTRODUCTION.

JEAN BAPTISTE MASSILLON, born on the 24th of June, 1663, died on the 28th of September, 1742. He was made Bishop of Clermont in 1717, and elected member of the French Academy in 1719. Surnamed the 'Racine de la chaire,' the 'Cicéron de la 5 France,' as Bossuet had been called the French Demosthenes.

'Que l'on compare Cicéron à Massillon, Bossuet à Démosthène, et l'on trouvera toujours entre leur éloquence les différences que nous avons indiquées dans les orateurs chrétiens, un ordre d'idées plus général, une connaissance du cœur 10 humain plus profonde, une chaîne de raisonnements plus claire, enfin une éloquence religieuse et triste, ignorée de l'antiquité.

'Massillon a fait quelques oraisons funèbres; elles sont inférieures à ses autres discours. Son Eloge de Louis XIV n'est remarquable que par la première phrase: "Dieu seul est grand, 15 mes frères!" C'est un beau mot que celui-là, prononcé en regardant le cercueil de Louis le Grand.'-Chateaubriand.

'Massillon semble la dernière colonne d'un temple écroulé. Héritier de Bourdaloue, consacré, en quelque sorte, par Bourdaloue lui-même, il a fait entendre, aux vieux jours de Louis XIV, 20 des accents nouveaux et pleins d'émotion, et, dans tous ses enseignements aux grands de la terre, il a essayé de mêler les maximes religieuses de Bossuet, adoucies par un esprit de tolérance, aux maximes politiques de Fénelon, marquées d'un accent plus vif et plus plébéien. Le droit divin de Bossuet est 25 loin: Massillon répète, avec une éloquence qui n'est pas à lui, les principes qui retentissent autour de lui dans tous les écrits polémiques de la Régence, sur les devoirs des rois et sur le caractère de la royauté, considérée comme n'ayant été à son

« السابقةمتابعة »