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>> peut vous rendre digne de

>> vivre. »

La quatrième vérité que l'on concluoit de la maxime de notre philosophe, c'est qu'on ne peut s'engager par serment qu'à des choses honnêtes et louables; que si l'engagement qu'on avoit pris étoit mauvais en soi, les anciens. croyoient que dès-là il étoit nul, et que bien loin qu'on fût obligé de tenir sa parole, l'on étoit obligé d'y manquer. C'est en ce cas que, selon Sénèque, l'exactitude à tenir sa parole est un crime, scelus est fides. Et en exécutant ce qu'on a promis, on ne fait que couronner un premier crime par un second. C'est sur ce principe que Cicéron assure qu'Agamemnon fut doublement coupable, et de s'être engagé par serment à immoler sa fille

Iphigénie, et de l'avoir immolée en vertu de cet engagement.

Enfin, une dernière induction que les anciens tiroient du précepte de Pythagore, c'est qu'on ne peut, en jurant, apporter trop de droiture et de simplicité de cœur. Ils condamnoient tous ces biais et tous ces détours, que la

finesse et la malice des hommes ont imaginés pour échapper aux conventions les plus saintes, et que Cicéron appelle les subterfuges du parjure. Ils croyoient que ces fausses subtilités étoient directement opposées au serment, et qu'elles en ruinoient entièrement la nature. Car les sermens n'ont été institués que pour rendre les desseins des hommes plus clairs et plus certains,

et ces raffinemens ne tendent qu'à les rendre plus obscurs et plus douteux. Ainsi, dans leurs principes, la fraude ouverte étoit moins à craindre que les fourberies cachées; parce qu'on est en garde contre l'une et qu'on ne se défie nullement des autres. On les respecte même, parce qu'elles se couvrent et se parent des dehors de la probité. Dans la société civile, dit Cicéron, il n'y a point de sorte d'injustice plus redoutable que celle de ces hommes qui, lorsqu'ils trompent le plus, ont le plus de soin de se travestir en gens de bien.

Mais si, selon les anciens, le respect dû aux sermens engageoit à tant de précautions lorsqu'on les faisoit, il n'engageoit pas à moins de fidélité après qu'on les

avoit faits. Ils avoient sur cela

deux grandes règles; l'une, que pour aucune considération que dispenser de tenir son serment; ce pût être, on ne pouvoit se l'autre, qu'on devoit le tenir dans toute son étendue.

Nulle raison ne pouvoit dégager celui qui une fois avoit contracté un engagement si saint, ni la surprise dont on avoit usé à son égard, ni la violence qu'on lui avoit faite, ni l'infidélité de celui avec lequel il avoit traité, ni enfin les maux qui pouvoient lui revenir de l'accomplissement de sa parole, quelque grands que ces maux pussent être en appa

rence.

Voyons en détail quelles étoient les opinions des anciens

sur chacun de ces articles, et si l'on trouve que quelques-unes soient outrées, il faut excuser la trop grande sévérité des maximes, par la disposition encore plus grande où sont les hommes de ne se relâcher que trop dans la pratique.

İl ne servoit de rien d'alléguer qu'on avoit été surpris. Tout ce qu'on eût prouvé par là, c'est qu'on avoit été imprudent. Mais les anciens croyoient que dès-là on méritoit de porter la peine de son imprudence, en accomplis sant fidèlement ce qu'on avoit, témérairement promis. Ils convenoient bien qu'il s'en suivoit de là qu'on ne pouvoit trop être sur ses gardes avant que de jurer; mais ils soutenoient qu'après que le serment étoit fait, il n'y avoit plus de retour, et que le seul parti qui restoit à prendre, c'étoit d'accomplir religieusement sa parole. Nous avons sur cela un exemple mémorable dans Alexandrele-Grand. Insulté par la ville de Lampsaque, il marchoit dans la résolusion de la détruire. Un de ses habitans, qui avoit eu autrefois part à l'éducation du jeune prince, fut prié par ses concitoyens, d'aller au-devant de lui, et d'intercéder pour leur patrie commune. Mais d'aussi loin qu'Alexandre l'apperçut: Je jure, s'écria-t-il, que je ne vous accorderai point ce que vous allez me demander. Hé bien, dit l'habitant de Lampsaque, ce que je vous demande, c'est que vous détruisiez Lampsaque. Ce seul mot fut comme une digue qui arrêta

tout à coup ce torrent prêt à tout ravager.

vers

Ce que pensoit Alexandre sur cela n'étoit pas une simple idée de particulier, c'étoit l'opinion généralement reçue: témoin le danger que courut Euripide pour ne l'avoir pas assez respectée dans un de ses où il fait dire à Hippolyte, que sa langue a fait serment, mais que son cœur n'en a point fait. Malgré toutes les précautions qu'Euripide avoit prises, malgré tout l'art avec lequel il avoit touché un endroit si délicat, l'acteur n'eut pas plutôt prononcé ce vers, que tous les Athéniens se récrièrent et marquèrent hautement leur indignation. Il fut question d'arrêter le poëte et de le poursuivre juridiquement comme coupable d'impiété. Ils ne pouvoient lui pardonner d'avoir, même dans une pièce de théâtre, et avec tous les ménagemens imaginables, hasardé une proposition qui pourtant, comme Cicéron l'observe, étoit, à la rigueur, susceptible d'un fort bon sens tant alors on étoit rigide sur tout ce qui pouvoit donner la plus légère atteinte à la religion des sermens!

La violence qu'on avoit soufferte n'étoit pas une excuse plus légitime; et même les anciens ne comprenoient pas qu'on pût se prévaloir d'une raison pareille. Convenir que l'on a succombé à la force, c'est reconnoître que l'on a été lâche, et jamais un aveu de lâcheté ne peut acquérir à celui qui le fait le

droit de devenir parjure. Aussi M. Pomponius, qui se trouva dans ce cas, ne balança pas un moment à prononcer contre lui même.

Il étoit tribun du peuple; et, par l'obligation de sa charge, il avoit intenté une accusation contre L. Manlius Imperiosus, qui ne s'étoit pas démis de la dictature dans le temps prescrit par les lois. Le fils de ce dernier, jeune homme vif et entreprenant, et qui fut depuis si connu sous le nom de T. Manlius Torquatus, ayant appris, à la campagne où il étoit, le danger que son père couroit à Rome, y accourt en diligence, trouve le secret de s'introduire dans la maison de l'accusateur, le surprend seul, et lui mettant le poignard sur la gorge, le force de jurer qu'il abandonnera sa poursuite. Ja mais serment ne fut arraché avec une violence plus criante et plus marquée. Cependant, M. Pomponius fit son rapport au peuple de ce qui étoit arrivé, et déclara qu'il ne se croyoit plus en droit de continuer l'accusation qu'il avoit commencée, et sur ce point il n'y eut qu'un avis.

Celui qui avoit juré n'étoit pas mieux reçu à dire qu'on lui avoit manqué de parole. La représaille lui étoit défendue, et le parjure d'un autre ne l'autorisoit pas à se parjurer lui-même. Quelques, Romains pourtant ne désapprouvoient pas ce mot d'Atrée, qui, dans une pièce d'Accius, dit, pour se justifier de ce qu'il viole son serment, que ja

mais il n'a donné, et ne donne sa parole à quiconque ne sait pas tenir la sienne.: Cicéron néanmoins, qu'on ne peut trop citer sur la matière présente, condamne cette maxime comme pernicieuse, et prétend qu'elle n'est excusable en cet endroit, qué parce que le poëte ne l'avance pas en son nom, mais la met dans la bouche d'un roi impie, qui, parlant d'une manière conforme à son caractère, fait retomber sur la proposition une partie de la haine attachée à la personne..

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Et en effet, les anciens pla çoient la gloire, non à être fidèle à l'égard de ceux qui le sout, mais à l'être à l'égard même de ceux qui ne le sont pas. Aussi voyons-nous que Silius Italicus, après avoir infiniment exalté cette exactitude religieuse avec laquelle M. Atilius Regulus avoit rempli toute l'obligation de son serment, croit ne pouvoir mieux finir l'éloge de ce grand homme que par ce beau trait : «On vous louera dans tous » les siècles d'avoir gardé la fidé. »lité aux Carthaginois, le plus » infidèle de tous les peuples. ››

Le dernier prétexte dont on eût pu pallier son parjure, étoit le dommage qu'on eût souffert à garder sa parole. Mais, quelque grand que ce dommage pût être, les anciens ne croyoient point qu'en aucun cas il pût autoriser un manquement de foi.

Le seul exemple de M. Atilius Regulus leur paroissoit décisif sur

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ce point. Jamais homme, en accomplissant son serment, n'a dú s'attendre à des suites plus terribles. Il savoit, dit Horace, les tourmens cruels qu'un bourreau lai préparoit. Cependant, il se sépare de ses amis et du peuple qui s'opposoient à son retour avec la même égalité d'âme et la même tranquillité que si, après avoir terminé quelque affaire d'une longue et pénible discussion, se fût dérobé à ses concitoyens pour a raller pendant quelques jours se délasser, à une de ses maisons de campagne, du tumulte et des embarras de la ville.

il

Ce qu'il y a de surprenant, c'est que d'abord on ne fut pas fort frappé de la magnanimité de ce grand homme, On jugea qu'il n'avoit fait que ce qu'il devoit faire. Son action ne devint fort louable que par la corruption des âges suivans. Ce qui parut dans la suite si grand et si héroïque, dit Cicéron, n'avoit rien, du temps de M. Atilius Regulus; que d'ordinaire et de commun. La vertu des hommes au milieu desquels il vivoit ne lui permet toit pas de faire autrement; et, quelque admirable qu'on ait trouvé depuis sa conduite, on doit moins en louer le héros que son siècle.

C'étoit donc parmi les Romains une opinion toute commune que, plutôt que de manquer à son serment, on devoit être prêt à braver tout ce que l'exil, la prison, les supplices et la mort ont de plus affreux. Leur raison étoit que, de tous les maux qui peu

vent arriver à un homme, le plus grand c'est de violer sa foi. Bien plus, on vouloit qu'on portât la grandeur d'àme jusqu'à croire que tous ces maux prétendus n'en étoient pas dans le fond, et jusqu'à les regarder même comme des biens, lorsqu'on les souffroit pour une bonne cause.

Quelque sévères que les anciens fussent sur la dispense des sermens, ils ne l'étoient pas moins sur la manière de les exécuter, Ils exigeoient qu'on tînt exactement tout ce qu'on avoit promis, en sorte que l'attente de celui envers qui l'on s'étoit engagé fût pleinement satisfaite. Car la règle de ce que devoit faire celui qui avoit juré n'étoit point l'intention qu'il pouvoit avoir eue; autrement les sermens n'eussent été qu'une pure illusion, puisqu'il n'auroit dépendu que de lui d'avoir en jurant telle intention qu'il auroit voulu; c'étoit l'intention de celui auquel il avoit juré, et qui, résultant naturellement des termes mêmes, ne pouvoit avoir été inconnue à celui qui s'étoit lié par le serment.

Un général romain étoit convenu avec les ennemis d'une suspension d'armes pour quinze jours, et ne laissoit pas, pendant toutes les nuits, de ravager leurs terres, sous prétexte que dans les termes de la trève, il n'étoit fait mention que du jour, et non pas de la nuit. Le sénat et le peuple condamnèrent sa conduite, et la traitèrent de fraude et de cherie, parce qu'il ne pouvoit ignorer que les ennemis avoient

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Les Carthaginois, dans une autre occasion, avoient fait dix Romains prisonniers de guerre. Ils leur permirent d'aller à Rome, après leur avoir fait promettre, avec serment, qu'ils reviendroient au camp. L'un d'eux ne fut pas plutôt sorti qu'il y revint, sous prétexte d'y avoir oublié quelque chose, et repartant aussitôt, se remit en route. Il crut s'être acquitté de sa parole par le premier retour; et en effet, dit Cicéron, il étoit quitte selon la lettre, mais il ne l'étoit nullement dans le fond. Or, en matière de serment, ajoute ce grand homme, c'est le fond et par par l'intention qu'on doit se régler, et non par la signification littérale des termes.

Ge principe admirable résout toutes les difficultés; car il s'ensuit de là que, quoiqu'on exécute tout ce que la lettre du serment signifie, on ne laisse pas d'être parjure, si l'on trompe l'attente de celui auquel on a juré. Comme, au contraire, on ne l'est pas dès qu'on remplit cette attente, quoique d'ailleurs on ne paroisse pas exécuter tout ce que la lettre porte. Enfin, la doctrine constante et invariable de cet excellent casuiste des Romains, est que la fraude ne dégage jamais du serment, et ne fait

que le serrer davantage. Telle étoit la délicatesse des anciens sur les obligations des sermens. Il faut avouer néan

moins qu'ils n'étoient pas tous si scrupuleux. Quelques-uns même enseignoient une morale toute opposée, et ne regardoient les sermens que comme des amusemens. Peu de personnes ignorent cette fameuse et détestable maxime qui eut tant de cours dans l'antiquité, qu'il falloit amuser les enfans avec des jouets, et les hommes avec des sermens. On ne sait pas qui la débita le premier, si ce fut Philippe, père d'Alexandre, ou Lysandre de Sparte, ou Denys le tyran. Il importe peu de le savoir, et peutêtre seroit-il à souhaiter qu'une maxime si pernicieuse eût eu le même sort que le nom de son véritable auteur.

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le

Quoi qu'il en soit, un empereur romain n'avoit guère plus d'horreur pour l'abus des sermens, lorsque, pressé de punir un parjure, il répondit que toit aux dieux de venger les outrages faits aux dieux. On impute à un ancien d'avoir dit que serment étoit le plus court moyen pour sortir d'affaires avec des créanciers, et de l'avoir défini un spécifique pour guérir les dettes, emplastrum æris alieni. Plaute, dans une de ses pièces introduit un homme toujours également prêt, et à faire des sermens, et à les violer.

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Il n'y avoit que trop de personnes qui avançoient sérieusement de pareilles maximes, ou qui tâchoient de le faire passer à la faveur d'une plaisanterie profane. Mais il y aurait de l'injustice à mettre sur le compte de

toute

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