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vais goût dans les arts eft de ne fe plaire qu'aux ornements étudiés, & de ne pas fentir la belle

nature.

Le goût dépravé dans les aliments, eft de choi fir ceux qui dégoûtent les autres hommes; c'eft une espece de maladie. Le goût dépravé dans les arts, eft de fe plaire à des fujets qui révoltent les efprits bien faits, de préférer le burlefque au noble, le précieux & l'affecté, au beau, fimple & naturel c'eft une maladie de l'efprit. On fe forme le goût des arts, beaucoup plus que le goût fenfuel; car, dans le goût phyfique, quoiqu'on finiffe quelquefois par aimer les chofes pour lefquelles on avoit d'abord de la répugnance, cependant la nature n'a pas voulu que les hommes, en général, appriffent à fentir ce qui leur eft néceffaire; mais le goût intellectuel demande plus de temps pour fe former. Un jeune homme fenfible, mais fans connoiffance, ne diftingue point d'abord les parties d'un grand chœur de mufique; fes yeux ne diftinguent point d'abord, dans un tableau, les dégradations le clair obfcur, la perfpective, l'accord des couleurs, la correction du deffein; mais peu-à-peu fes oreilles apprenent à entendre, & fes yeux à voir; il fera éinu à la premiere repréfentation qu'il verra d'une belle tragédie; mais il n'y démêlera, ni le mérite des unités, ni cet art délicat, par lequel aucun perfonnage n'entre ni ne fort fans raifon; ni cet art encore plus grand qui concentre des intérêts divers dans un feul ni enfin les autres difficultés furmontées. Ce n'eft qu'avec de l'habitude & des réflexions, qu'il parvient à fentir tout d'un coup, avec plaifir, ce qu'il ne démêloit pas auparavant. Le goût fe forme infenfiblement dans une nation qui n'en avoit pas, parce qu'on y prend peu à peu l'esprit des artiftes; on s'accoutume à voir des tableaux aves

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les yeux de le Brun, de Pouffin, de le Sueur; on entend la déclamation notée des fcenes de Quinaut, avec l'oreille de Lulli; & les airs, les fymphonies, avec celle de Rameau. On lit les livres avec l'efprit des bons auteurs.

Si toute une nation s'eft réunie dans les premiers temps de la culture des beaux arts, à aimer des auteurs pleins de défauts, & méprisés avec les temps, c'est que ces auteurs avoient des beautés naturelles que tout le monde fentoit, & qu'on n'étoit pas encore à portée de démêler leurs imperfections: ainfi Lucilius fut chéri des Romains avant qu'Horace l'eût fait oublier. Régnier fut goûté des François, avant que Boileau parût; & fi les auteurs anciens qui bronchent à chaque page, ont pourtant confervé leur grande réputation c'eft qu'il ne s'eft point trouvé d'écrivain pur & châtié chez ces nations qui leur ait deffillé les yeux; comme il s'eft trouvé un Horace chez les Romains, un Boileau chez les François.

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On dit qu'il ne faut point difputer des goûts; & on a raifon, quand il n'eft queftion que du goût fenfuel, de la répugnance que l'on a pour une certaine nourriture, de la préférence qu'on donn à une autre on n'en difpute point, parce qu'on ne peut corriger un défaut d'organes. Il n'en eft pas de même dans les arts; comme ils ont des beautés réelles, il y a un bon goût qui les difcerne, & un mauvais goût qui les ignore, & on corrige fouvent le défaut d'efprit qui donne un goût de travers. Il y a auffi des ames froides, des efprits faux, qu'on ne peut ni échauffer ni redreffer : c'est avec eux qu'il ne faut point difputer des goûts, parce qu'ils n'en ont aucun.

Le goût eft arbitraire dans plufieurs chofes, dans les étoffes, dans les parures, dans les équipages, dans ce qui n'eft pas au rang des beaux arts; alors il

mérite plutôt le nom de fantaisie. C'eft la fantaifie, plutôt que le goût, qui produit tant de modes nouvelles.

Le goût peut fe gâter chez une nation; ce malheur arrive d'ordinaire après les fiecles de perfection. Les artiftes, craignant d'être imitateurs, cherchent des routes écartées, ils s'éloignent de la belle nature que leurs prédéceffeurs ont faifie: il y a du mérite dans leurs efforts, ce mérite couvre leurs défauts; le public amoureux des nouveautés, court après eux; il s'en dégoûte bientôt, & il en paroît d'autres qui font de nouveaux efforts pour plaire: ils s'éloignent de la nature encore plus que les premiers; le goût fe perd, on eft entouré de nouveautés qui font rapidement effacées les unes par les autres le public ne fait plus où il en eft; & il regrette en vain le fiecle du bon goût, qui ne peut plus revenir; c'eft un dépôt que quelques bons efprits confervent alors loin de la foule."

11 eft de vaftes pays où le goût n'eft jamais parvenu; ce font ceux où la fociété ne s'eft point perfectionnée, où les hommes & les femmes ne fe reffemblent point; où certains arts, comme la fculpture, la peinture des êtres animés, font défendus par la religion. Quand il y a peu de fociété, l'efprit eft rétréci, fa pointe s'émouffe : il n'y a pas de quoi fe former le goût. Quand plufieurs beaux arts manquent, les autres ont rarement de quoi fe foutenir, parce que tous fe tiennent par la main, & dépendent les uns des autres. C'eft une des raifons pourquoi les Aliatiques n'ont jamais eu d'ouvrages bien faits prefque en aucun genre, & que le goût n'a été le partage que de quelques peuples de l'Europe.

Fin du Tome fecond.

Des Articles contenus en ce fecond

Volume.

C

CRAINTE, par M. de Jaucourt, page 1

Cri, clameur, par M. d'Alembert,
Critique, par M. Marmontel,
Cruauté, par M. de Jaucourt,

Cynifme, par un anonyme,

Cyrénaique, par M. Diderot,

D

5

9

40

47

68

Défenfe de foi-même, par M.. de Jaucourt,

Dégát, par

M. de Jaucourt,

Divination, par M. Diderot,
Duché, par M. Boucher d'Argis,

Duel, par un anonyme,

E

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Ecole militaire, par M. Paris de Maifieux,

Elégance, par M. de Voltaire,

118

Eloge, par M. d'Alembert,

.146

Eloquence, par M. de Voltaire

149

156

Ennui, par M. de Jaucourt,

165 186

Encyclopédie, par M. Diderot,

Epicure, (morale d') par M. d'Alembert, 193 Enfeigne, par M. l'abbé Mallet,

203

Entétement, par M. l'abbé Millot, Curé de Troify,

220

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Gens de Lettres, par M. de Voltaire,

Gens du Roi, par M. Boucher d'Argis, 335

332

Géometre, par M. d'Alembert,

344

Gloire, par M. Marmontel,

354

Glorieux, par un anonyme,

373

Fin de la Table.

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